En cette matinée du dimanche 15 mars, l'avenue Habib Bourguiba vibrera au rythme des années cinquante et retrouvera, pour quelques heures, son apparence d'antan. Dans le cadre des premières journées de l'artisanat et de l'habit traditionnel, organisées par l'Office de l'Artisanat du 9 au 16 mars, un très bel événement riche en rendez-vous a été concocté pour valoriser le riche patrimoine traditionnel tunisien et le savoir-faire internationalement reconnu de nos artisans. Voitures et habits d'époque Au programme du jour, une exposition d'automobiles et de motos de collection, parrainée par l'Association Tunisienne des Automobiles Historiques. Les véhicules seront stationnés en face du Théâtre Municipal puis prendront le départ, vers 11h30, pour une balade tout le long de l'Avenue Habib Bourguiba, intitulée « Doulécha bel toumoubile ». L'Association « Tourathouna » organise pour sa part la deuxième édition de sa « kharja tounsiya ». Vêtus d'habits traditionnels, ses membres et sympathisants se retrouveront tôt le matin à la Madrsa Slimanya où se tiendra un spectacle soufi de chants liturgiques. Tout ce beau monde se rassemblera par la suite devant la mosquée Zitouna avant de se rendre à l'Avenue Habib Bourguiba pour une parade aux côtés du Régiment d'Honneur de l'Armé Tunisienne. Le cortège s'arrêtera brièvement au niveau du Théâtre Municipal, le temps de chanter l'hymne national tunisien. Pour Zine El Abidine Belhareth, Président de l'Association « Tourathouna », organiser une telle manifestation pour célébrer l'habit traditionnel n'est pas seulement un moyen de pérenniser cet héritage collectif mais c'est aussi une marque de patriotisme. La « kharja » de cette année est d'ailleurs placée sous le thème « Qui aime la Tunisie, mets ses habits ». Des tableaux et des produits artisanaux seront également exposés pour faire découvrir au grand public les richesses du patrimoine traditionnel tunisien. A cette occasion, l'avenue Habib Bourguiba sera fermée à la circulation de 8h à midi. Histoires d'artisans A l'occasion de la semaine de l'Artisanat et de l'habit traditionnel, la Médina n'est pas en reste et les événements y ont débuté depuis vendredi avec la projection de documentaires sur les métiers créatifs de la Médina ainsi qu'une exposition sur les chéchias, ces couvre-chefs traditionnels de couleur rouge vermillon, autrefois réservés pour les hommes mais modernisés depuis et déclinés en version féminine. A l'occasion de cette expo, on apprend par exemple que la production d'une chéchia nécessite près de quatre mois entre le filage de la laine, le tricotage, le foulage, le cardage, la teinture et la mise en forme finale. D'autres événements se tiendront aujourd'hui à Dar Lasram dont des ateliers de calligraphie arabe et des rencontres notamment avec le dernier fabricant de luth tunisien ainsi qu'avec le dernier relieur artisanal dans la Médina. Le café Mrabet accueillera aujourd'hui une expo-vente des produits de jeunes créateurs qui se sont inspirés de l'artisanat tunisien pour réaliser des oeuvres originales, modernes mais avec une âme traditionnelle. L'ensemble de ces manifestations culturelles sont organisées par l'Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis (ASM Tunis), créée en 1967, qui a pour vocation de conserver la spécificité de la vieille ville, de réhabiliter son image de la vieille ville et de redéfinir son rôle dans l'agglomération tunisoise. L'ASM s'emploie notamment à la protection des ensembles urbanistiques traditionnels, des monuments historiques et de tous les objets à caractère de patrimoine culturel. Les maux de la Médina Autant d'événements qui animeront pour un ou deux jours les artères de la Médina et attireront un nombre plus ou moins important de visiteurs. Mais après ? Depuis quelques années, ce lieu mythique et incontournable de Tunis n'est plus que l'ombre de ce qu'il était autrefois et a perdu de sa splendeur. Les commerces y ferment les uns après les autres. Victime directe de la crise aiguë par laquelle passe le secteur touristique, la Médina n'attire plus grand monde et ses ruelles presque désertes font, depuis quelque temps, peine à voir. Mais outre l'importante baisse du nombre de touristes visitant notre pays, les artisans pointent du doigt deux phénomènes qui ruinent leurs commerces. D'abord, les agences de voyage qui proposent de plus en plus de séjours low-cost en Tunisie. Hatem, gérant d'une boutique de produits artisanaux dans les souks depuis plus de treize ans, est abattu: « Depuis la révolution, les touristes qui optent pour la destination Tunisie appartiennent en majorité à une classe modeste et hésitent longtemps avant de sortir de leurs portemonnaies le moindre sou. Je ne reconnais plus la Médina, ma Médina. J'y ai grandi et je peux vous dire que depuis quatre ans, tout y a changé ! » Mais ce n'est pas tout. Nombreux sont les commerçants qui dénoncent également l'attitude de certains guides touristiques qui n'hésitent pas à profiter de la situation pour mettre la pression sur eux et leur demander d'importantes commissions afin de leur ramener des touristes. Face à ces maux qui la rongent, la Médina de Tunis parviendra-t-elle, grâce aux efforts des autorités concernées et de la société civile, à renaître de ses cendres et à retrouver son éclat d'antan? C'est du moins ce qu'espèrent les dizaines d'artisans qui y travaillent et dont plusieurs sont aujourd'hui confrontés à de sérieux soucis financiers et pensent sérieusement à fermer boutique.