" Toute tentative de dissocier le parler du regarder et le dire du voir mène vers une forme de dissociation contextuelle, marquée par une inquiétude violente et sanguinaire. L'histoire m'en est témoin " Ramzi Souani C'est une exposition toute singulière, de toute beauté. De l'art à voir, à examiner, à regarder, à toucher, à manipuler, à réfléchir dans tous les sens du mot. Des caisses de typographes accrochées aux murs, regorgent de mille signes offerts au regard comme une offrande inestimable. Mis côte à côte, ils se "contaminent" joyeusement, se marient, épousailles désirées. Les minuscules tiroirs embrassés du regard deviennent le signe majeur à observer, à lire. L'image dans toute sa multiplicité étale sa splendeur, son mystère, ses multiples messages, ses richesses incommensurables. Cette image est un parchemin qui se décline à l'infini, sur des supports différents. Sous les couches superposées, accumulation de signes, des mains qui calligraphient, des souffles des hommes, de l'histoire et de la mémoire, des années, des événements, des lieux, le signe originel demeure, survit. Les strates du temps, l'empreinte des doigts qui l'ont frôlé, l'affleurement du message, revenu de sa pérégrination insolite, à travers siècles et contrées, le regard qui l'a parcouru avec avidité, avec tendresse, avec colère, avec frisson, tout cela émerge de la nuit des temps. S'en suit, le récit hypothétique des retrouvailles avec soi ou l'errance douloureuse. Cette " révélation " du signe de la genèse est le miracle des liseurs qui partent à la quête du " fil de lumière", dans un dédale infini. Chercheur de mémoire, Ramzi Souani, s'immisce dans les interstices de l'histoire mouvementée, heureuse, tourmentée pour montrer que la perte des repères, de l'indicible message, de l'oubli de soi, de l'errance désemparée, sont amnésie, perdition, tragédie. " L'obturation " est aveuglement car, elle condamne à une descente dans " l'ombre " opaque, dans les ténèbres de l'histoire. Là où se perdent les traces et " le rayon" d'un espoir salvateur. Tout parchemin renferme la multiplicité de ses signes. Il est texte riche de tous les textes qui l'ont précédé et enfanté. Sorti de l'ombre, il est passerelle entre le temps révolu, la culture antérieure et la culture environnante. Mais, il est aussi signe pour le devenir, si on sait le révéler et le déchiffrer. Le palimpseste est image qui se donne à lire avec une profusion, un foisonnement de sens inouï. Il est réminiscence, écho d'une autre image qu'on déconstruit et qu'on reconstruit à l'infini. Quand l'image de soi devient floue, méconnaissable, quand on échoue à la révéler, à la lire, à en parler, à la transmettre, nous serions les ombres de nous-mêmes, victimes consenties des forces des ténèbres, de tous les mal intentionnés que nous avons engendrés, que notre propre cécité a produits. Ramzi Souani nous invite à bien nous regarder, à ne pas nous détourner de l'essentiel, à nous regarder sans complaisance aucune, à nous pencher sur " l'écritoire " pour retrouver les traces de nos pas, toujours palpitantes, afin d'élaborer un nouveau projet de vie. Il est vital de lire l'image du monde pour tracer son propre chemin vers la délivrance. S'en détourner serait suicidaire.