La Cour de cassation a rendu dernièrement un arrêt annulant les décisions de la Cour d'appel dans les trois affaires des martyrs et blessés de la Révolution de Thala, Sfax et Tunis, avec leur renvoi à une Cour d'appel autrement constituée. La Cour d'appel avait dans ces affaires, rendu un arrêt le 12 avril dernier, dans lequel elle avait diminué les peines auxquelles étaient condamnés d'anciens hauts fonctionnaires militaires et sécuritaires de l'ancien régime. Pour Me Leïla Haddad, avocate de la défense, la décision de la Cour de cassation est une victoire pour les familles des martyrs et blessés de la Révolution. Cette réaction a été celle de la plupart des avocats de la partie civile, ainsi que des familles des victimes en général, les diminutions de certaines peines prononcées auparavant contre les accusés par la Cour d'appel, étant désormais remises en question. A titre d'exemple, la Cour d'appel avait prononcé un non lieu concernant l'un des accusés qui était condamné à une peine de prison en première instance, tandis qu'un autre accusé a vu sa peine diminuée de moitié en appel, soit de 15 ans en première instance à 8 ans de prison en appel. Certains avocats de la défense avaient même déploré l'attitude du tribunal de première instance et de la Cour d'appel tendant à clore définitivement les dossiers des martyrs de la Révolution, en se demandant à qui peut profiter une justice expéditive ? Les anciens hauts responsables avaient été libérés suite au verdict de la Cour d'appel, par lesquels ils avaient largement purgés leurs peines. Le pourvoi Le parquet militaire avait déposé un pourvoi en cassation. Ce n'était pas évidemment pour discuter le quantum des peines mais les textes sur la base desquels la Cour d'appel avait rendu sa décision. La Cour de cassation a donc rendu une décision conforme aux moyens soulevés par le parquet qui sont des moyens de droit, et concernent le texte applicable par rapport aux faits incriminés. Le collectif de défense des prévenus impliqués dans ces affaires, avait dénoncé à, l'époque « l'ingérence flagrante et manifeste de l'exécutif dans le fonctionnement de la Justice, alors que les décisions de Justice sont rendues au nom du peuple, ce qui constitue une atteinte à la liberté de la Justice, en vertu de l'article 109 de la Constitution ». Il avait également reproché à l'ANC, alors encore en place de tenter de « dessaisir la Justice militaire des dossiers des martyrs de la Révolution pour les confier à des chambres spécialisées de droit commun ». La décision de la Cour d'appel avait suscité une vague de protestation de la part des familles des victimes. Ces derniers avaient également manifesté devant le siège de la Cour de cassation lorsque l'affaire lui a été confiée. C'est la raison pour laquelle, la dernière décision de la Cour de Cassation est plutôt réjouissante pour la plupart des familles des victimes. Communiqué de l'OTIM L'observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature a fait paraitre un communiqué suite au verdict de la Cour de cassation dans lequel il a fait observer que : 1) seul le pourvoi du parquet a été déclaré recevable, alors que ceux des accusés et de la partie civile ont été rejetés. 2) La Cour de cassation a confirmé la compétence du tribunal militaire, dans ces affaires relatives aux atteintes des droits et des libertés. Ce qui contrevient au principe des garanties d'un procès équitable, le tribunal militaire dans sa composition actuelle, ne répond pas à ces principes universels de défense des droits et des libertés. 3) La Cour de cassation a écarté totalement les principes de la Justice transitionnelle sur la base de laquelle doit se faire la réforme judiciaire. 4) La Cour de cassation a écarté les recours des familles des victimes, ce qui constitue une négligence de leurs droits. En tout état de cause ces affaires seront réexaminées par la Cour d'appel, qui tiendra compte en principe de toutes ces doléances faites par les différents membres de la composante civile par souci d'équité et de Justice conforme aux valeurs et aux principes consacrés par la Constitution.