Un grand spécialiste français de la littérature arabe, Vincent Monteil, a publié une traduction de plusieurs poèmes du grand poète "Abu Nuwâs" ( VIIIe-IXe siècle) qu'il a regroupés dans un recueil dont le titre français, apparemment anodin, constitue en fait une trouvaille stylistique intéressante pour transposer l'allitération figurant dans le titre arabe: ar-râh " la boisson alcoolique", ar-rîh "l'air", ar-rûh "l'âme, principe vital". La poésie préislamique et les parlers des bédouins, serviront ultérieurement de base à la constitution d'un art poétique et d'une grammaire de la langue arabe. Le grand théoricien de la métrique arabe est sans aucun doute Al-khâlil (718-v.786) qui sera le premier théoricien de la structure rythmique du vers arabe. L'un de ses disciples les plus brillants, Sîbawayh (765-797), sera le premier à faire une description précise des sons de l'arabe, mais c'est surtout grâce à son al-kitâb " le livre", traité de grammaire et de syntaxe, qu'il deviendra célèbre. Expansion de l'islam et de la langue arabe Adoptée par les tribus sédentarisées autour de la Mecque, la langue arabe était utilisée à l'époque préislamique dans un territoire qui ne dépassait guère la péninsule arabique mais, en l'espace de deux siècles (VIIe-IXe), elle allait devenir la langue officielle d'un empire s'étendant de la Chine à l'Atlantique, une langue utilisée par les plus grands savants et les plus éminents philosophes de l'époque. L'expansion de la langue arabe s'est faite par étapes successives, marquées par des changements démographiques et politiques, au rythme des conquêtes et de la diffusion de la religion musulmane. L'expansion musulmane s'est faite, pour l'essentiel, en moins de deux siècles. L'Arabie était presque complètement islamisée à la mort de Mahomet. La 2ème vague (634-661) répand la parole du Prophète dans les régions voisines. La 3ème vague, qui correspond à la période des Abbassides, s'étend très loin à l'Ouest (Afrique du Nord et Espagne) et atteint, à l'Est, Samarcande et la vallée de l'Indus. La première incursion musulmane importante vers des pays situés hors de la péninsule arabique a commencé immédiatement après la mort du Prophète Mahomet par la conquête de la Mésopotamie, de la Palestine, de la Syrie et de l'Egypte (634-661). C'est seulement avec la deuxième vague d'expansion (661-750), sous le règne des Omeyyades, que l'on peut parler d'un "empire arabe". La capitale passe alors de Médine à Damas. Ayant fixé, dans tout l'empire, une monnaie unique, le dinar, la dynastie des Omeyyades contrôle en outre toutes les routes terrestres et maritimes vers l'Asie centrale et l'Inde ainsi que vers le Maghreb et jusqu'en Egypte, où s'établira le califat de Cordoue, Al-Andalus. Al-Andalus C'est en 711 qu'a lieu en Espagne le débarquement des troupes musulmanes, essentiellement berbères, sous la direction de leur chef Târiq Ibn Ziyâd sur un promontoire rocheux, que l'on nommera Jabal Târiq "la montagne de Târiq", aujourd'hui Gibraltar dans les langues occidentales. En cinq ans, la quasi-totalité de la péninsule Ibérique est occupée, et dès 756 elle se trouve sous l'autorité d'un émir omeyyade, Abd al Rahman Ier, réfugié d'Orient. Il fait de Cordoue la capitale de "Al –Andalus", qui donnera son nom à l'Andalousie. Cordoue connaîtra pendant trois siècles un essor considérable, en devenant non seulement un carrefour commercial, économique et politique de grande importance mais aussi un centre intellectuel et artistique de renom pour l'ensemble de l'islam. On estime que la bibliothèque de la ville contenait 400 000 volumes, parmi lesquels de très nombreux manuscrits scientifiques grecs, qui seront pour la plupart traduits en arabe. La troisième vague est marquée par l'avènement des Abbassides (750-1258) qui consacrent Bagdad comme la nouvelle capitale à la place de Damas. De Bagdad à Baldaquin Avant la conquête islamique, Bagdad n'était qu'une petite bourgade appartenant à l'immense empire perse. Le nom de cette localité signifiait en persan "donné par Dieu", de bagh "Dieu" et dâd "donné". En devenant en 762 la nouvelle capitale des Abbassides, elle change de nom pour prendre celui de Madinât al-salâm "ville de la paix", mais c'est l'ancien nom Bagdad qui finira par l'emporter. Au Moyen Age, les commerçants italiens importeront de cette ville, qu'ils nommaient Baldacco, une riche étoffe de soie appelée baldachinno. C'est de cette forme italienne que vient le mot français baldaquin, "tissu de soie suspendu au-dessus d'un trône ou d'un lit".