Le grand comédien international Omar Sharif vient de décéder le 10 juillet au Caire suite à une crise cardiaque. La maladie d'Alzheimer a éloigné depuis plusieurs années cette star universelle des plateaux de tournage. Récipiendaire d'un César du meilleur acteur en 2004, Omar Sharif a également remporté le Golden Globe Award et a été plusieurs fois nominé aux Oscars. Découvert par Youssef Chahine en 1954, Michel Chalhoub - c'est son nom de naissance- est un Egyptien d'origine libanaise né en 1932 à Alexandrie. C'est Chahine qui lui donnera le pseudonyme de Omar Al Chérif qui sera ensuite transcris Omar Sharif, dés 1962 et le début retentissant de sa carrière internationale, avec "Lawrence d'Arabie". La longue carrière de Omar Sharif lui permettra de tourner en cinquante ans, de 1954 à 2004, près d'une centaine de films. Avec 26 œuvres égyptiennes et 60 films américains à son actif, Sharif a également beaucoup tourné en France. Parmi ces films, "Lawrence d'Arabie", Docteur Jivago", "Che" ou "Le Casse" demeurent des œuvres inoubliables. Epoux de Faten Hamama de 1955 à 1968, Omar Sharif connaitra toutes les lumières de la rampe y compris celles du cinéma tunisien. En effet, dans la filmographie de l'acteur disparu, le film "Goha" marque une parenthèse tunisienne. "Goha" se distingue à Cannes en 1958 Le premier film tourné dans la Tunisie indépendante est le "Goha" de Jacques Baratier. Réalisé en 1958, cette œuvre est une co-production du gouvernement tunisien avec le centre national du cinéma français. Entièrement tourné en Tunisie, "Goha" est adapté d'un roman de Albert Josipovici et Albert Adès. Ce livre avait failli décrocher le prix Goncourt 1919 mais ne sera que deuxième derrière "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" de Marcel Proust. C'est Georges Schéhadé qui adapta l'œuvre littéraire pour les besoins du film qui sera interprété par Omar Sharif et Claudia Cardinale tous deux à leurs débuts. Plusieurs comédiennes tunisiennes étaient également dans le casting parmi lesquelles Zina Bouzaiane, Zohra Faiza et Hassiba Rochdi. "Goha" existait en deux versions, l'une française et l'autre en arabe, adaptée par Mustapha Farsi. Les décors étaient réalisés par le peintre Georges Koskas et un certain Jellal Ben Abdallah. C'est à l'initiative de Béchir Ben Yahmed, alors jeune secrétaire d'Etat à l'Information que ce film a vu le jour. C'est en effet Ben Yahmed qui offrira à Baratier une enveloppe consistante, contribution de la Tunisie à cette production. il s'agissait de la somme de 15 millions d'anciens francs en plus du soutien logistique au tournage. L'accord fut signé le 24 août 1956 entre les différentes parties impliquées dans le projet. Le tournage commencera le 14 mars 1957 et devait durer treize semaines. Il en faudra quinze entre Tunis, Djerba, Hammamet et Ras Djebel pour que le film soit mis en boite. La première tunisienne du film a eu lieu le 15 avril 1958 au cinéma Le Paris. C'est au nom de la Tunisie que le film "Goha" sera présenté au festival de Cannes, toujours en avril 1958. Il y remporta un succès d'estime et aussi un bel accueil critique. Le film obtiendra deux prix, celui de la section "Un certain regard" et le prix de la photographie attribué au chef opérateur Jean Bourgoin. Claudia Cardinale, Zina Bouzaiane, Hassiba Rochdi et Zohra Faiza... Pour la petite histoire, c'est en feuilletant un magazine que Jacques Baratier a découvert celui qui n'était pas encore Omar Sharif. En effet, le réalisateur français se trouva face à des photos du film "Ciel d'enfer" de Youssef Chahine, une œuvre de 1954, quasiment le premier film du comédien. Baratier parviendra à convaincre le jeune comédien qu'il ira rencontrer sur un tournage au Liban. Un contrat fut alors dressé entre les deux parties en date du 4 août 1956 qui stipulait que Omar Sharif serait engagé pour treize semaines avec l'éventualité d'une prolongation. Il faut souligner que Baratier comptait aussi sur Claudia Cardinale, alors jeune lycéenne quasiment inconnue. Toutefois, elle ne décrochera que le second rôle de Amina alors que la tête d'affiche sera Zina Bouzaiane, notre danseuse nationale, dans le rôle de Folla, la dulcinée de Goha. Sorti en plein essor de la Nouvelle vague, "Goha" ne reçut qu'un accueil mitigé. Il sera tout de même salué à Cannes et demeurera parmi les classiques du cinéma tunisien. Ce conte oriental se trouve ainsi à l'origine de la cinématographie tunisienne après l'indépendance de 1956, avec un réalisateur français aux commandes et une star égyptienne dans le premier rôle. Comme l'écrivait un critique de l'époque: "Goha est le premier grand film et le grand premier film du jeune cinéma tunisien".