C'est au siège du Syndicat des Journalistes Tunisiens (SNJT) que les accusés dans l'affaire de la vidéo montée du discours de Moncef Marzouki – des propos qu'il a tenus il y a quelques mois lors d'un colloque international tenu à Doha au Qatar – et leurs avocats ont tenu un point de presse au cours duquel les détails de l'affaire ont été exposés. Maître Abdesattar Messaoudi, avocat de Sofiene Ben Hamida, d'Insaf Boughdiri et de Hamza Belloumi, a indiqué lors de son intervention que l'affaire en question constitue une vraie bataille pour la liberté et l'intégrité de la presse tunisienne. Pour l'avocat, ce procès est l'occasion aujourd'hui pour le ministère public de démontrer et d'imposer son indépendance vis-à-vis de toutes les parties politiques. Revenant sur les détails de l'affaire, Abdesattar Messaoudi a expliqué que le présentateur de l'émission du Huitième Jour, et après la diffusion de la vidéo montée, a présenté des excuses de la part de toute l'équipe. Par ailleurs, l'avocat a rappelé que la HAICA a émis une sanction contre l'émission qui a été suspendue pendant une semaine. Cela nous amène donc à nous poser des questions quant à cet acharnement de voir les journalistes sanctionnés doublement. Abdesattar Messaoudi a ajouté qu'après le témoignage d'Ilyes Gharbi, le secrétaire-général du mouvement de Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk, sera auditionné par le juge. De son côté, maître Imed Ben Halima, avocat du directeur du journal électronique Al Jarida, de Nourredine Benticha et de la rédactrice-en-chef dudit journal, Charazed Akkacha – dont la convocation devant le juge d'instruction du Tribunal de la Manouba a été émise il y a à peine deux jours – a expliqué que cette affaire s'inscrit dans le cadre de d'une campagne ourdie contre des journalistes. Il s'agirait d'une tentative de vengeance de la part du CPR – parti perdant aux dernières élections – de ceux qui ont ‘révélé' son vrai bilan de trois ans au pouvoir auprès de l'opinion publique. Maître Ben Halima a argumenté cette thèse par le fait que la plainte ait été déposée par le CPR alors que la vidéo en question concernait uniquement la personne de Moncef Marzouki qui, rappelons-le, est supposé ne plus avoir de lien direct avec le parti. Ce détail a amené l'avocat à situer l'affaire dans un cadre partisan. Et d'ajouter qu'il s'agit d'une affaire qui renvoie à celles qu'on intentait contre les journalistes au temps de Ben Ali. Imed Ben Halima a assuré que tous les journalistes ayant contribué à la chute du système de la Troïka seront amenés à comparaître devant les tribunaux et ce pour différentes plaintes. Avant de finir, l'avocat a déploré l'état des lieux de la justice tout en assurant qu'une campagne contre les médias est en train de se mettre en place et qu'il nous faudra mener une lutte de longue haleine pour atteindre la liberté de la presse. Dans une déclaration accordée au Temps, Insaf Boughdiri a révélé qu'elle sera auditionnée par le juge d'instruction du Tribunal de la Manouba aujourd'hui même tout juste avant la comparaison de Nourredine Benticha. La rédactrice-en-chef du Huitième Jour nous a avoué être inquiète quant à l'évolution de l'affaire et ce à cause de tous les dépassements des procédures juridiques qu'elle contient. Insaf Boughdiri a expliqué que ni elle ni les autres accusés n'ont commis de crime. ‘Nous avons commis une faute professionnelle et nous en avons assurmé les conséquences. Je ne suis pas une criminelle mais une journaliste qui a dû subir une anthropométrie (technique policière d'identification des criminels). J'ai de même été interdite de quitter le territoire national, sauf que pour le découvrir, j'ai dû me rendre à l'aéroport et vérifier, toute seule, la liste des interdits de voyage.' De son côté, Hamza Belloumi, présentateur du Huitième Jour, nous a confié que l'affaire repose sur un esprit de règlement de comptes par rapport aux médias. Belloumi a rappelé que la faute professionnelle a été reconnue, que les excuses ont été présentées et que la sanction de l'HAICA a été respectée. De ce fait, le journaliste déplore ‘l'anormalité' de voir l'affaire traînée en justice dans le cadre d'une plainte pénale. Et d'ajouter que pendant deux saisons, l'émission n'a fait que du travail correct et que l'équipe se trouve aujourd'hui jugée pour une erreur ‘d'une minute et trente secondes'. Présente lors de la conférence de presse, Basma Khalfaoui a expliqué, lors d'une déclaration accordée au Temps, que soutenir une telle cause est un devoir. « Les journalistes libres, ceux qui ont contribué à l'instauration de la démocratie dans notre pays, se trouvent aujourd'hui ciblés par des campagnes d'intimidation et de dénigrement. Les soutenir est un devoir pour la cause de la presse libre en Tunisie. Les journalistes qui se sont employés, lors de la dernière période électorale, à éclairer l'opinion publique sur les vraies défaillances des systèmes politiques se trouvent aujourd'hui cible d'une tentative de règlement de comptes de la part des partis perdants, Ennahdha et le CPR. Et, on ne parle pas ici de perte en termes de sièges au sein de l'ARP mais en terme de crédibilité auprès du peuple. Je suis solidaires avec Sofiene, avec Hamza et surtout avec Insaf qui a été humiliée dans cette affaire et qui a été soumise à des pratiques de l'ancien système. Je suis présente ici pour la parole libre et pour une Tunisie démocrate. Et puis de toutes les façons, la presse est habituée à ce genre de dépassements, mais on ne laissera pas tomber cette cause. » Pour Sofiene Ben Hamida, journaliste et chroniqueur, Moncef Marzouki et le CPR considèrent que les médias ont contribué dans une large part à leur déroute électorale. Ayant mal pris le fait que les médias aient mis l'accent sur leurs défaillances au cours de leurs trois années passées au pouvoir, le CPR et l'ex-président provisoire de la République tentent aujourd'hui de ‘renvoyer l'ascenseur à ces mêmes médias et ce à l'aide d'une alliance au sein de l'appareil judiciaire.'