Face aux vents contraires qui la secouent, l'Instance Vérité et Dignité (IVD) tente de rester à flot. Le conseil de l'Instance présidée par la militante des droits de l'Homme Sihem Ben Sedrine aurait réussi à convaincre le juge administratif Mohamed Ayadi de revenir sur sa démission, selon des sources proches bien informées. Nous n'avons pas, cependant, pu confirmer cette information auprès de l'intéressé. M. Ayadi, qui a précisé le 25 août que sa démission sera effective le 1er septembre, avait invoqué «un climat qui n'est pas propice à l'intérieur de l'IVD, ni à l'extérieur». D'autre part, un accord a été trouvé avec l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour le remplacement des membres démissionnaires ou révoqués lors d'une rencontre tenue hier entre la présidente de l'Instance et le président de l'Assemblée, Mohamed Ennaceur. Au cours de cette rencontre qui s'est déroulée en présence de la présidente de la commission des droits et des libertés et du président de la Commission des martyrs et blessés de la Révolution, il a été également convenu de tenir une séance d'audition des membres de l'IVD au sein de la Commission de législation générale à propos de la loi sur la réconciliation économique. Cheville ouvrière du processus de la justice transitionnelle, l'Instance devrait ainsi s'éloigner de la menace de ne plus être en mesure de se réunir faute de quorum, au cas où d'autres démissions venaient à être présentée. L'article 59 de la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l'attribution et l'organisation de la justice transitionnelle prévoit en effet que «le quorum requis pour la régularité des réunions est fixé aux deux-tiers des membres», soit 10 membres. Composée de 15 membres au départ, l'IVD n'en compte aujourd'hui que douze membres si l'on prend en compte le juge Mohamed Ayadi. Les membres démissionnaires Noura Borsali et Azouz Chaouali n'ont pas été jusqu'ici remplacés. Pour le moment, seul Khemais Chammari - démissionnaire 10 jours après sa nomination - a été remplacé par l'Assemblée nationale constituante par Lilia Brik Bouguerra. Le vice-président de l'instance Zouheir Makhlouf qui a été révoqué le 27 août n'a pas été non plus remplacé. Ancien secrétaire général de la section tunisienne d'Amnesty International, M. Makhlouf a été mis à l'écart par le Conseil de l'Instance pour avoir transgressé les dispositions articles 32, 33 et 37 de la loi organique régissant la justice transitionnelle, selon un communiqué de l'IVD. L'article 32 du texte de loi stipule que tous les membres de l'instance sont tenus, avant prise de leurs fonctions, d'établir auprès du président de la cour des comptes une déclaration sur l'honneur attestant leurs biens et ceux de leurs conjoints et enfants, et ce, conformément aux dispositions de la loi n° 87-17 du 10 avril 1987, relative à la déclaration sur l'honneur des biens des membres du gouvernement et de certaines catégories d'agents publics. L'article 33 imposé aux membres et aux agents de l'instance de s'abstenir de tout acte ou comportement portant préjudice à la réputation de l'instance. L'article 37 stipule, quant à lui, que tout membre peut présenter sa démission, par écrit, au président de l'instance et peut être révoqué par décision de l'Instance prise à la majorité des deux-tiers, et ce, en cas d'absence injustifiée aux réunions de l'instance à trois reprises consécutives ou à six reprises non consécutives par année, ou en cas d'incapacité, d'acte commis portant préjudice à la réputation de l'instance ou de manquement grave aux obligations professionnelles dont il est tenu en vertu de la présente loi. Il est à rappeler que Zouheïr Makhlouf avait adressé au président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) une lettre dans laquelle il dénonce certaines pratiques au sein de l'IVD. Selon cette lettre fuitée, la présidente de l'IVD, Sihem Ben Sedrine, «mènerait une croisade contre le projet de loi de réconciliation économique proposé par le président de la République. M. Makhlouf a également révélé dans sa lettre que les propos controversés du blogueur Aziz Amami menaçant de brûler l'Assemblée si la loi de réconciliation était votée n'ont suscité aucune condamnation de l'IVD. Il a également fait savoir qu'une vidéo ce cette intervention faite lors d'une rencontre organisée par l'IVD a été publiée sur le site web officiel de l'instance, et n'a été supprimée l'IVD que suite à ses menaces de porter plainte auprès de l'ARP. L'ex vice-président de l'Instance a indiqué, par ailleurs, que la présidente de l'IVD a cherché du soutien auprès de l'ambassadeur de France en Tunisie, François Gouyette, dans sa campagne contre le projet de loi de réconciliation économique.