Dimanche, aux abords de la zone portuaire située entre la Goulette et Radès, des milliers de sardines mortes jonchaient les rives du canal, notamment sous le pont. Un spectacle désolant et un phénomène étonnant qui ont suscité aussi bien la curiosité que l'inquiétude des riverains ainsi que des autorités concernées. Plusieurs hypothèses ont circulé depuis pour tenter de mettre au clair cette histoire et expliquer cette marée de poissons morts qui a envahi les lieux. A des kilomètres à la ronde, l'odeur nauséabonde de poisson pourri emplissait les narines de ceux qui s'aventuraient dans les parages. C'est que des milliers de sardines mortes avaient échoué sur les rives et pourrissaient à l'air libre, sous un soleil d'automne. D'après le ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, ce phénomène exceptionnel et localisé serait dû aux variations climatiques. En effet, dans un communiqué rendu public dimanche soir, il est précisé que la dernière hausse des températures ainsi que la baisse du niveau des eaux seraient à l'origine de ce problème. Les services compétents du ministère, accompagnés de la police judiciaire ainsi que d'agents municipaux et douaniers, ont procédé au prélèvement d'échantillons de poissons morts ainsi que de quantités d'eau du canal et ce, à différents endroits. Les analyses sont toujours en cours et les résultats devraient être divulgués dans les jours à venir. Toutefois, selon les premiers éléments recueillis, les experts ont annoncé qu'ils privilégiaient plutôt la thèse du changement climatique, de la hausse de la température et du manque d'oxygène dans l'eau. Il est également précisé dans le communiqué que tous les poissons ont été aussitôt amassés et transportés ailleurs pour y être consumés. Une mesure préventive destinée à éviter que les riverains et les curieux n'en recueillent pour les consommer ou les proposer à la vente. Ce n'est pas une première ! Aussi impressionnant et singulier soit-il, ce phénomène n'est pas nouveau en Tunisie. En août 2012, la prolifération de quelques espèces d'algues marines, dues à la hausse des températures, avait causé l'étouffement de milliers de poissons et leur rejet sur la plage de Ghannouch, à Gabès. Des échantillons avaient alors été prélevés par les services du ministère de l'Agriculture. Les résultats des analyses avaient permis d'infirmer les informations ayant circulé à l'époque, évoquant une pollution à l'ammoniac causée par un bateau commercial importé par le Groupe chimique de Tunisie et ayant accosté au port commercial de Gabès quelques jours plus tôt. Toujours est-il que de nombreux défenseurs de la faune et de la flore avaient émis des réserves sur ces résultats d'analyses et gardé des doutes concernant la vraie raison de cette catastrophe écologique. Aujourd'hui, après le sinistre épisode du port de Radès, la polémique est relancée. Quand certains soutiennent la thèse officielle de la variation des températures, d'autres affirment que c'est surtout l'état de pollution avancé des plages avoisinantes en absence de solutions radicales et de mesures préventives pour limiter les dégâts qui pourrait être la véritable raison de ce désastre. D'autres se demandent pourquoi cette catastrophe écologique n'a touché que Radès uniquement et pas tout le littoral. D'autres encore clament haut et fort que cela ne peut être que la conséquence directe d'un dégazage, opération consistant à ventiler les citernes d'un pétrolier pour éliminer les gaz nocifs qu'elles contiennent et éviter le risque explosif, d'autant plus qu'il n'a pas fait trop chaud durant ces derniers jours, selon eux. Par ailleurs, un témoin oculaire affirme, alors qu'il pêchait à Sidi Bou Saïd deux jours avant les faits, avoir vu des sardines frétiller, tentant de sortir hors de l'eau. Autant d'interrogations et de zones d'ombre entourant une importante catastrophe écologique qui aurait pu avoir des conséquences encore plus désastreuses si les forces de l'ordre n'étaient pas rapidement intervenues pour empêcher les badauds de ramasser des quantités de sardines mortes pour en manger ou les revendre. Saura-t-on jamais le fin mot de cette histoire ? Rien n'est moins sûr, affirment les plus suspicieux en rappelant qu'avant même la divulgation des résultats des analyses, le ministère a déjà penché pour la thèse de la hausse des températures.