Les incidents entre magistrats et policiers sont toujours à prendre avec précaution car ce n'est pas tous les jours que ça arrive. L'équilibre est donc quelque peu rompu en cas d'animosité entre ces deux acteurs de justice. Durant l'ancien régime on avait enregistré plusieurs brimades de la part de policiers à l'encontre des magistrats, notamment ceux qui étaient dans le collimateur pour leurs idées progressistes. Après la Révolution, les données ont changé, et les relations entre policiers et magistrats sont allées en dents de scies, notamment suite aux policiers qui ont été jugés pour les exactions et les délits commis au cours des manifestations, ou ceux qui ont commis des actes de tortures à l'égard des détenus que ce soit dans les locaux de la police ou dans les centres de détention. Des magistrats étaient pris à partie par des policiers qui prenaient inconditionnellement la défense de leurs collègues. Par ailleurs, des policiers étaient également dans le collimateur des magistrats, ce qui entachait plus ou moins leur intime conviction. Cela a favorisé progressivement un climat de tension, et de dépassements dus notamment au manque de discernement de la part des deux parties. L'incident survenu le 30 août dernier, entre un policier et un magistrat en est une illustration édifiante. L'histoire commence sur la route de Zaghouan, lorsqu'une voiture s'arrête sur le bas-côté à proximité d'un rond point. L'un des policiers chargés de procéder au contrôle des voitures, fait signe au conducteur pour le sommer de circuler, le stationnement à cet endroit étant interdit. L'un des occupants de la voiture intervient, exhibant sa qualité de magistrat pour lui expliquer qu'ils attendent une personne qu'ils doivent prendre avec eux. Le policier demande sa carte à l'intervenant qui s'exécute illico. Mais le policier, prenant la mouche, la lui confisque en lui proférant des menaces et des injures. Le magistrat lui fait part de son indignation contre ses agissements constituant un outrage à magistrat, dont il compte tenir informé le procureur. Le policier lui répond sur un ton moqueur que le procureur est un proche parent et qu'il interviendra pour lui. Au final le policier est inculpé par le procureur de la République de Zaghouan pour injures, menaces et outrage à magistrat, et un mandat de dépôt est délivré à son encontre le 2 septembre 2015. Détournement du mandat Il est d'abord conduit au centre détention, mais pris de malaise il est transporté de la prison à l'hôpital régional, là où il a été gardé en observation au service de neurologie. Tels sont les péripéties de cette affaire, telle que décrite selon le communiqué de l'Association des magistrats tunisiens, laquelle déplore surtout le fait que le procureur n'a pas été informé du transport de l'inculpé à l'hôpital, ni de la décision de le garder en observation au service de neurologie par les médecins de l'hôpital. Ce qui signifie que le mandat de dépôt a été en quelque sorte détourné au profit de l'inculpé. D'ailleurs, l'ordre de l'ouverture d'une enquête à ce sujet, donné par le procureur de la République de Zaghouan, et le déplacement suite à cela de son premier substitut à l'hôpital pour procéder à un constat de l'état du policier, ne peut que confirmer ce détournement. Par ailleurs la mise en exécution du mandat de dépôt par le même procureur auprès du directeur de la prison de Saouaf, est un autre indice de dépassement, selon l'AMT. Celle-ci dénonce donc l'insubordination de la police judiciaire, à appliquer les ordres du procureur, et demande aux ministres de la Justice et de l'Intérieur d'ouvrir une enquête, chacun en ce qui le concerne afin de connaître les causes de cet insubordination. L'AMT dénonce également toute pression ou agression à l'encontre des juges dont l'indépendance reste un principe intangible. En fait et quelles que soient la nature de l'affaire, et les parties en litiges, il est nécessaire que soient préservées les garanties d'un procès équitable, base d'une bonne justice.