Le comité des Nobel ne s'est pas trompé, ni en sacrant Svetlana Alexievitch, l'écrivaine engagée biélorusse, ni en couronnant hier du Nobel de la Paix quatre organisations tunisiennes qui formaient le Dialogue national tunisien. C'est grČce ą elles que la Tunisie a réussi ą sortir de la crise dans laquelle la jeune démocratie menaćait de sombrer, par le dialogue et le refus de la violence. Rappelons-nous de 2013 : le 6 février l'opposant Chokri Belaēd était assassiné. Le 25 juillet, jour anniversaire de la République, le député Mohamed Brahmi était ą son tour exécuté. On leur doit la nouvelle Constitution tunisienne On pouvait craindre que le processus de démocratisation de la Tunisie soit en danger : aprŹs ces assassinats politiques, c'était l'impasse alors que le parti islamiste Ennahda dominait le parlement et le gouvernement. Face ą face, les opposants modernistes et le parti islamiste, accusé de complaisance ą l'égard du phénomŹne djihadiste. C'est ą cette paralysie que le Quartet a mis fin, ces quatre organisations de la société civile, dominées par cette force constituée dans la lutte pour l'indépendance, l'UGTT, la puissante centrale syndicale qui en fut la piŹce maĒtresse. C'est grČce ą elle qu'une nouvelle constitution a été adoptée début 2014 qui, fait majeur dans le monde arabo-musulman, a garanti la liberté de croyance et a encouragé l'égalité entre les sexes. La Tunisie comme un exemple ą suivre La rédaction de cette nouvelle constitution avait donné lieu ą de dures controverses pendant plus de deux ans et alimenté la crise politique. Dans la foulée, le gouvernement mené par les islamistes d'Ennahda, vainqueurs des premiŹres élections libres du pays, a dě céder la place. Puis les législatives et la présidentielle se déroulŹrent dans d'excellentes conditions sous la surveillance d'une instance indépendante. Mission réussie pour le Quartet : la démocratie était en mise en orbite. Alors que les printemps arabes ont souvent déću leurs espoirs, la Tunisie poursuivait son rôle d'exemple. Aujourd'hui, les ennemis d'hier, Nidaa Tounes et Ennahdha, font partie du mźme gouvernement. Mais la menace islamiste plane toujours, comme on l'a vu avec les deux terribles attaques au Musée du Bardo ą Tunis et sur la plage de Sousse et, avant-hier, avec une nouvelle tentative d'assassinat d'un député laēque. Le prix Nobel vient mettre du baume au cŌur des Tunisiens : ce pays qui vivait du tourisme souffre toujours de la menace terroriste (des milliers de Tunisiens sont partis pour le djihad syrien), connaĒt un chômage de masse et une croissance zéro. Ce Nobel stigmatise en creux ces systŹmes politiques oĚ il n'y a de choix qu'entre deux dictatures, la laēque et l'islamiste et encourage tous ceux, plus nombreux qu'on le croit, qui cherchent une autre voie.