Deux jours après le coup d'envoi officiel des Journées Théâtrales de Carthage, les espaces culturels, cinéma ou théâtres regorgent de monde ! L'artère principale de la capitale vibre au rythme du 4ème art. Une ambiance particulière revêt ces lieux désertés par le grand public en temps normal. Après avoir fait le tour des régions, les JTC ouvrent solennellement le bal des performances artistiques théâtrales. Au bout de deux jours de représentations issues de la Tunisie et de bien d'autres contrées, place à la création du théâtre tunisien avec, notamment, la pièce «Assaqifa». Une pièce produite par l'association «Art des deux rives» et qui révèle la face hideuse de la course effrénée vers le pouvoir. Face à un public assoiffé de production tunisienne, une pléiade des meilleurs talents tunisiens est montée sur scène en cette soirée de début de semaine. Qu'ils soient des comédiens à l'instar de Hamadi El Mezzi, Béschir Salhi, Kamel Allaoui, Mongi Ben Brahim, ou de jeunes artistes en herbe fraîchement sortis de l'Institut Supérieur des Arts dramatiques de Tunis dont notamment dont Sabrine Sboui, Thouraya Boughanmi et Aymen Saïdani, la pièce était un véritable moment de lecture politique profonde. La frénésie du pouvoir et l'Homme Loin d'être une création qui relate l'Histoire, Assaqifa est une production théâtrale qui invoque le passé pour critiquer les maux des temps modernes. Des maux qui, en réalité, ont jalonné le parcours des civilisations d'antan. La course effrénée vers la conquête des pouvoirs, cette avidité sans bornes, ce désir ardent ne date pas d'aujourd'hui. Il est ancré en l'Homme depuis des lustres. Le dramaturge Boukthir Douma le prouve en relatant un épisode de notre Histoire collective, assez proche et hautement emblématique : au lendemain de la mort du Prophète, avant même qu'il ne soit enterré, ses apôtres commençaient déjà à être tiraillés. Qui sera à la tête de la nation ? A qui reviendra le droit ou le mérite de le succéder ? Le Califat ou le début des guéguerres souvent sanguinaires. La polémique pour le pouvoir s'est installée. Les spectateurs replongent dans cette année 11 de l'Hégire au moment où le Prophète décède. C'est l'histoire de «Saqifat Béni Saïda» ou quand les Ansars et les Mouhajirines s'acharnaient pour décider du successeur (le Calif) le jour-même où ils apprirent la triste nouvelle. Une manière de rappeler que finalement, l'Histoire est un éternel recommencement. Le désir effréné vers le pouvoir est instinctif. Les temps modernes et cet épisode de notre Histoire est là pour nous le rappeler. Parlant de sa production théâtrale, le mettre en scène Hafedh Khalifa disait : «une œuvre historique ni religieuse, mais elle s'inspire d'un fait qui s'est passé il y a des siècles pour décrire la réalité politique d'aujourd'hui», c'est ainsi que le metteur en scène Hafedh Khalifa a présenté sa création comme étant non pas «une œuvre historique ou religieuse» mais s'inspirant «d'un fait qui a eu lieu il y a des siècles pour décrire la réalité politique actuelle». Le jeu des comédiens, la trame et les enjeux montraient à quel point la fureur actuelle qui attise le paysage politique tunisien à l'heure actuelle rappelle étrangement la vive polémique qui a entouré la question du Califat lors de la mort du Prophète, avant même qu'il ne soit enterré. On voit, pour la première fois dans l'Histoire du théâtre national voire arabe, la représentation des apôtres du Prophète sur scène. Un choix très audacieux qui a demandé un travail énorme sur le texte, le choix du vocabulaire, les jeux scéniques aussi bien que l'image qu'ils renvoient à travers une conception et un langage artistique triés au volet.