Karim Beguir : Les robots humanoïdes, l'avenir du plus grand marché économique mondial    Comar Marathon 2025 : Marouane Ben Saïd dévoile une édition historique pour la Tunisie    Karim Beguir et Walid Naffati : Deux Tunisiens au sommet du Conseil Africain de l'IA !    Epson EcoTank L3550: Economies remarquables et impression parfaite pour maison et bureau    Zouhaïr Ben Amor - La philosophie dans le quotidien: penser pour vivre, vivre pour penser    Culture et patrimoine : Les grandes annonces de la ministre !    7 gouvernorats concernés par de fortes pluies... et vous, où êtes-vous ?    L'Espérance annonce le retour de Youssef Msekni : ''Notre artiste est de retour''    La drogue au cœur d'un acte de destruction à Djebel Jelloud    Piloter un XDR, Formule 1 de la cybersécurité, doit se faire en équipe    Hajj 2026 : vers l'annonce imminente du tarif officiel    Abdelaziz Kacem - Réduire le lexique: Goebbels fait école    Une révolution sur WhatsApp : plusieurs comptes désormais sur un seul téléphone !    Week-end de feu : Hannibal Mejbri au cœur des grands matchs de la 12e journée    Mahindra célèbre le black Friday    Riadh Zghal: Qualité et classement des institutions universitaires, pourquoi?    Le Musée paléo-chrétien de Carthage sera rouvert en décembre 2025    Concours tunisien des produits du terroir : lancement de la 5ème édition    Météo en Tunisie : températures maximales comprises entre 15 et 21 degrés    Alerte Technique : Cloudflare frappé par un ''pic de trafic inhabituel''    La médina au temps des pachas beys de Mohamed El Aziz Ben Achour: Entre demeures et monuments    Le SNJT organise un mouvement national dans toute la Tunisie pour défendre la liberté et la dignité des journalistes    Justice : Non-lieu en faveur de l'ancien ministre de l'Economie, Samir Saïed    B7L9 accueille "Fi Dar Khalti" : une exposition immersive de Fredj Moussa à Bhar Lazreg    La lecture du Pr Slim Laghmani de la résolution du conseil de sécurité relative au plan Trump pour Gaza    Météo en Tunisie : temps nuageux, pluies éparses    Le docteur Mohamed Jemaà, lauréat du Prix de Recherche sur le Cancer King Hussein, édition 2025    Les JCC 2025 dévoilent les films tunisiens en compétition et son affiche haute en couleurs    49 certificats falsifiés : Tunisair appliquera la loi    Institut Salah Azaiez : une intervention chirurgicale exceptionnelle permet à une fillette de 5 ans de respirer,    Tunisiens en France : êtes-vous concernés par la fin de la gratuité des soins ?    La protection des enfants contre la violence dans le cyberespace : conférence de l'ATNU le 19 novembre 2025    Hafida Ben Rejeb Latta : Une force kairouannaise (Album photos    Ridha Bergaoui: Des noix, pour votre plaisir et votre santé    La Tunisie accueille les nouveaux ambassadeurs du Soudan, du Danemark et du Canada    Match Tunisie vs Jordanie : où regarder le match amical préparatif à la CAN 2025 du 14 novembre?    Hafedh Chekir: Accroissement naturel de la population en Tunisie    Jamila Boulakbèche et Isra Ben Taïeb remportent 2 médailles d'or aux Jeux de la Solidarité islamique 2025    Match Tunisie vs Mauritanie : où regarder le match amical préparatif à la CAN Maroc 2025 du 12 novembre?    Drones en Tunisie : des mesures pour encadrer leur usage    Amina Srarfi : Fadl Shaker absent des festivals tunisiens    Qui est le nouvel ambassadeur de Palestine en Tunisie, Rami Farouk Qaddoumi    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    Elyes Ghariani: Comment la résolution sur le Sahara occidental peut débloquer l'avenir de la région    Congrès mondial de la JCI : la Poste Tunisienne émet un timbre poste à l'occasion    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    Ligue 1 – 11e Journée – EST-CAB (2-0) : L'Espérance domine et gagne    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Deux comédiens en quête de personnages
Théâtre : Au bout du compte de Kamel Abdeljalil
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 02 - 2013

On ne sait plus de qui il s'agit exactement; la pièce est rapiécée de répliques qui appartiennent tantôt au personnage dramatique qu'on veut incarner, tantôt au metteur en scène qui commande et, enfin, au spectateur qui interprète ces deux interprétations.
«Ne pas se rendre au théâtre, c'est comme faire sa toilette sans miroir», disait Schopenhauer. En effet, le théâtre vous renvoie votre image, celle de votre société, tout en étant doté d'un pouvoir magique puisqu'il transmet une perception et une conception autres de la vie. Outre l'invitation à l'évasion et le caractère manifestement divertissant et ludique du théâtre, celui-ci parvient à déranger et à ébranler les esprits ensommeillés et les cœurs somnolents. Le 4e art nous convie alors à vivre les passions, les heurts de la personne face à son destin, à la société et à la vie. La musique, la scénographie, les costumes, la lumière sont également des langages symboliques et porteurs de sens éclatés. Et les comédiens ? Et le metteur en scène ?
Qui sont-ils ? Parfois, le spectateur s'interroge, en son for intérieur, sur le labeur du comédien, il veut souvent comprendre comment il s'y prend avec le personnage. Et la plupart du temps, il est dépassé par le jeu du comédien qui s'avère fort complexe pour lui. Cependant, la curiosité et l'intérêt du spectateur ne vont pas jusqu'à fouiner et feuilleter les livres de Brecht, de Stanislavski, de Peter Brook ou encore d'Antoine Vitez, car, tout simplement, ce sera encore plus complexe de les lire, alors qu'il faut voir ce jeu avec les yeux ouverts.
Voir ce jeu du comédien est une expérience captivante surtout quand on écrit justement une pièce sur le jeu de l'acteur. Effectivement, c'est avec la pièce Au bout du compte(*) de Kamel Abdeljalil qui a été présentée au 4e Art, dans le cadre des journées « découvertes théâtrales », organisées par le Théâtre national du 18 au 23 février, que le public a dégusté, avec un immense plaisir, l'exercice du jeu du comédien.
Etre ou paraître : illusion ou réalité ?
Dès le début, on a eu l'impression que les comédiens improvisent. Leur spontanéité et leur naturel montrent un style original et différent des codes connus du jeu. Ils parlent avec le public; cette interaction crée un effet de communion, un contact plein de tact et d'engagement entre eux. Une ambiance avenante et sympathique s'installe dans la salle. De plus, les deux comédiens ont provoqué volontairement des incidents subtilement exploités. Ainsi, le spectateur devient témoin de leur jeu et des coulisses du spectacle. Le spectacle — en train de se faire — séduit alors l'auditoire.
On a affaire ici au théâtre dans le théâtre, au théâtre, don de théâtre et de vie. Le spectateur perd son identité, il n'est plus observateur, il est plutôt un personnage qui participe au jeu, et c'est ce qui brouille la vision. En d'autres termes, les comédiens miment des personnages de comédiens ou de spectateurs et reviennent toujours à la case départ, c'est-à-dire à la construction du personnage. Le jeu est, désormais, déformé et la perception faussée. On ne sait plus de qui il s'agit exactement; la pièce est rapiécée de répliques qui appartiennent tantôt au personnage dramatique qu'on veut incarner, tantôt au metteur en scène qui commande et, enfin, au spectateur qui interprète ces deux interprétations.
Vêtus de noir, les comédiens se cachent constamment derrière un corps, un costume et un personnage. Ils apparaissent sous forme de spectres de la scène. Qui sont-ils ? Le vrai spectateur, celui qui est assis sur sa chaise et regarde les yeux grand ouverts un jeu de dilettantes, se le demande. On voit, parfois, que les comédiens perdent aussi leur identité. Cela étant, ils entrent dans une phase de transe, de folie, de délire, de songe et de mensonge. Les sens de leurs répliques perdent leurs sens et leurs fonctions, ils deviennent remis en question.
Cette incursion aux loges intérieures du comédien laisse, quelquefois, le spectateur perplexe, puisque les interprétations sont paradoxales: entre l'illusion et le vrai, entre le vraisemblable et le réel...
Le personnage et son double
Ces deux comédiens sont dans le double et dans la duplicité, on a l'impression qu'il s'agit d'un seul comédien qui joue deux personnages; n'est-ce pas Baudelaire qui a souligné la fausseté artistique en insistant sur le fait que «l'artiste n'est artiste qu'à la condition d'être double et de n'ignorer aucun phénomène de sa double nature» ? Ils se déguisent ; la femme est vêtue du costume caractériel du personnage masculin et l'homme s'habille de celui de la femme. Cette duplicité est fort significative dans la mesure où elle dévoile l'existence de la masculinité chez la femme et la présence de la féminité chez l'homme. Est-ce qu'on est face au comédien et son double, ou bien face au personnage et son double ?
L'apparition du comédien est énigmatique. Certes, on voit qu'il est habité, persécuté, il déclare illicitement sa mort pour faire ressusciter le personnage. Ce phénomène de distanciation, cher à Brecht, laisse le comédien dans l'inquiétante étrangeté. Inquiétante puisqu'elle tend à appuyer le caractère schizophrénique du comédien. Peter Brook peut répondre à cette particularité, il dit que «le plus difficile pour un acteur est d'être sincère et pourtant détaché»... Tâche ardue, dira-t-on, chose presque impossible, formule insensée, pensent les lecteurs-spectateurs.
Être sincère et ne pas l'être à la fois appellent le savoir-faire, le talent et la technicité. Mais, c'est tellement parfait de trouver tous ces ingrédients chez un comédien. Et pourtant, c'est la clé de voûte du comédien de théâtre. La question est encore plus alambiquée quand il s'agit du fameux fil, le fil de l'histoire, de la trame dans le drame ; on le cherche, on le trouve, on le suit et après il nous fuit...
Ironie du sort pour le metteur en scène
La relation qui existe entre les comédiens et le metteur en scène est compliquée. On a toujours reproché à ce dernier le profil du dictateur. On dit qu'il est le chef d'orchestre et celui qui souffle la vie au geste théâtral. Ici, on voit qu'il est omniprésent, mais on voit aussi que la parodie et l'ironie sont présentes. Les comédiens parodient les remarques et les critiques du personnage du metteur en scène. Voici son discours : « Comment étouffer, emprisonner le personnage ? Où est l'énergie, l'émotion ? Il faut casser ce qui a été construit, et rebelote... Approfondir, ne surtout pas s'éloigner du réel, respirer, écouter, s'écouter, savoir aménager le silence... Ah, la concentration... !». Oui, la concentration est le pivot du jeu, c'est la pierre de touche du comédien. Mais si tout ce que dit le metteur en scène est vrai, pourquoi donc le rendre ironique? Peut-être parce que les comédiens se sont lassés du discours du metteur en scène qui se répète sempiternellement. Ces mots-là se sont collés à lui et sont devenus les «mots du metteur en scène», un registre propre à lui seul.
En attendant le personnage...
Dans l'espace scénique nu, on regarde la méditation, la contemplation, la réflexion, le tissage du texte et l'apprentissage du comédien. L'espace construit le personnage, il est le lieu d'écriture, de jeu sur le texte et sur les mots, mais aussi sur les maux du comédien. Et là on entre dans la scène psychique freudienne du comédien. En fait, l'artiste doit être sensible, fortement humain et passionné. Toutes ces qualités doivent être en mode de montage et d'assemblage; toutes les voix et les non-dits parlent en lui et pour lui : la voix et le rythme du corps, des sensations et des mouvements nécessitent l'éclatement. Le comédien est toujours en état d'attente et de recherche, un état de frustration, d'angoisse et de confrontation entre lui-même et le personnage. La construction du personnage est un processus de conflit et de crise. Ainsi, dans cette pièce «Mellikhir» (Au bout du compte), le spectateur sort autre, différent de ce qu'il était. Il réfléchit sur la méditation du comédien : quelles sont les formules, les formes, les méthodes efficaces pour être un bon comédien ? Charlie Chaplin, l'illustre comédien, peut répondre en proposant sa propre définition : «Chez un comédien, l'homme extérieur doit être passionné et l'homme intérieur, maître de lui».
Les comédiens, le metteur en scène et le public de cette pièce ont réussi l'interprétation...
Nahla ZID
(*) Texte : Abdelhamid Nawara
Mise en scène : Kamel Abdeljalil Interprétation : Mouna Talmoudi et Abdelhamid Nawara


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.