Depuis sa nomination à la tête du ministère des Affaires religieuses, Othman Battikh s'emploie à appliquer une stratégie permettant la récupération, sur le moyen-terme, d'une partie des mosquées dont le contrôle est entre les mains des extrémistes. Les premières récupérations des mosquées – la méthode consiste à remplacer les imams considérés comme radicaux par d'autres qui répondent aux critères exigés par le ministère – ont connu quelques difficultés. Mais, et avec l'aide des forces de l'ordre, les choses commencent à s'améliorer. A part quelques manifestations, les imams ont ontempéré aux décisions du ministère des Affaires religieuses. Les événements ont connu une nouvelle tournure quand Othman Battikh a décidé de limoger le tristement célèbre Ridha Jaouadi. Connu pour ses prêches extrémistes, Ridha Jaouadi est accusé d'être un fervent défenseur du djihad. Certains assurent que lors des prêches du vendredi, l'imam tenait des discours incitant les jeunes à partir en Libye et en Syrie combattre « l'ennemi ». Après une pétition signée par quelques députés en août, le ministère a limogé, officiellement, Ridha Jaouadi de la mosquée Sidi Lakhmi de Sfax le 15 septembre dernier. Ayant provoqué une tension, le limogeage de Jaouadi a été remis à une date ultérieure comme l'avait expliqué Dhafer Néji, chargé de la communication au sein de la présidence du gouvernement. Quelques jours plus tard, le mouvement islamiste Ennahdha, et plus précisément son chef, Rached Ghannouchi, a dénoncé la nouvelle politique du ministère des Affaires religieuses en accusant le ministère de vouloir imposer une atmosphère de haine et de rancune dans les lieux de culte comme on le faisait du temps de Ben Ali. L'affaire des limogeages des imams radicaux est même devenue l'axe principal des déclarations médiatiques des dirigeants d'Ennahdha. Vendredi dernier, la mosquée Sidi Lakhmi a connu des incidents provoqués des fidèles ayant refusé de voir Jaouadi remplacé par un autre imam. Face à cette violence, le ministère a publié un communiqué dans lequel il explique que toute personne qui s'opposera aux décisions officielles d'une manière violente sera poursuivi en justice. Ce communiqué n'a pas réussi à convaincre les fidèles de Ridha Jaouadi qui se sont rassemblés, le jour de la prière du vendredi, à la mosquée provoquant des confrontations avec les forces de l'ordre, ce qui a obligé le nouvel imam, nommé par le ministère, à quitter les lieux. Commentant ces graves dépassements, Rached Ghannouchi a expliqué que le désaccord existant entre les imams et les autorités ne peut être résolu qu'à travers des négociations qui éviteront l'application de la pensée unique. Si l'on considère que la liberté d'expression et les libertés individuelles sont les principaux acquis de la Révolution, elles ne doivent pas par conséquent être un prétexte pour des dépassements touchant à la civilité de l'Etat dont et au modèle de société choisi par les Tunisiens.