Les lois nationales relatives aux migrations irrégulières appliquées dans les pays d'origine, du Sud de la Méditerranée, sont aussi rigides et sujettes à discussion que celles appliquées dans les pays d'accueil de l'Union européenne, a estimé un collectif d'associations et d'organisations de défense des droits de l'homme, réunis autour du réseau euro méditerranéen des droits de l'homme à Tunis, lors d'un colloque sur les migrations irrégulières tenu, le week-end dernier, à Gammarth, à la veille du sommet euro africain sur les migrations irrégulières, les 11 et 12 novembre, à Malte. Face aux drames humains enregistrés, pratiquement, tous les jours, depuis des années, à cause des migrations clandestines en mer Méditerranée, entre les pays du Sud et l'Europe, au moyen des barques de la mort, conduites par des passeurs et des trafiquants sans scrupules, c'est toujours l'esprit de sécurité dans son sens le plus étroit qui détermine encore les attitudes et les conduites des uns et des autres, ont regretté les organisateurs, déplorant que les migrants qui sont des victimes sont regardés comme des coupables. Dans un rapport intitulé « Plaidoyer pour une réforme des lois relatives aux migrants, aux étrangers et à la nationalité en Tunisie », Monia Jémia, Souhayma Ben Achour et Hassen Boubakri, du Centre de Tunis pour les migrants et l'asile (CETUMA), ont émis des réserves sur l'extension de la loi tunisienne du 3 février 2004 relative aux passeports et documents de voyage, de manière à inclure les migrants, alors qu'elle ne régit que les infractions commises par les passeurs et les trafiquants. Ils ont mentionné plusieurs décisions judiciaires prononcées par des tribunaux tunisiens et condamnant des migrants irréguliers à des peines lourdes, pour migration clandestine, sur la base des dispositions de la loi de 3 février 2004, et ce malgré des arrêts rendus par la Cour de cassation et considérant que « le fait pour des migrants de verser de l'argent aux passeurs ou de leur fournir de l'essence pour effectuer la traversée du canal de Sicile ne constituait pas une participation à une organisation de passeurs passibles des peines prévues par la loi de 3 février 2004. » Des réserves ont été émises, également, en ce qui concerne le devoir de signalement sur les tentatives de migration irrégulière et clandestine, instituée par la dite loi, d'autant que cette obligation de signaler aux autorités compétentes les informations sur les migrations clandestines constatées s'applique même si la personne est tenue au secret professionnel. Or, la violation du secret professionnel est pénalement sanctionnée par la législation tunisienne, c'est-à-dire qu'il y a une sorte de contradiction dans les lois tunisiennes, à ce niveau. Rapatriement et laisser passer L'accent a été mis, en outre, sur la nécessité de renégocier les accords de réadmission conclus entre la Tunisie, l'Italie, la France et l'Union européenne, c'est-à-dire la réadmission des migrants clandestins sur le territoire tunisien, ou leur refoulement ou encore leur rapatriement après un séjour dans les centres de détention des migrants irréguliers ouverts par les pays européens. Des accords similaires sont conclus avec l'Algérie, le Maroc, la Libye et autres pays africains, sous le tire de « collaboration en matière de sécurité » ou « partenariat de mobilité », comme l'accord conclu entre la Tunisie et l'Union européenne le 3 mars 2014. A cet égard, les représentants des associations signalées ont averti que l'Union européenne vient dernièrement de prendre une décision qui permet à ses pays membres de délivrer aux migrants retenus dans les centres de détention dans l'attente de leur rapatriement « un laisser passer européen » servant de document de voyage ou de passeport officiel pour les rapatrier, de façon unilatérale. Or, les accords bilatéraux prévoient que l'identification et la délivrance des documents de voyage sont effectuées en collaboration avec les pays du Sud concernés, c'est-à-dire que ce sont les pays du Sud concernés qui délivrent ces laisser passer, car les migrants clandestins ne possèdent pas le plus souvent de documents officiels.