Certains experts dénoncent la non-conformité de la loi organique du 3 février 2004, relative aux passeports et aux documents de voyage aux dispositions d'accords de coopération internationaux signés avec la Tunisie en matière de gestion des flux migratoires Dès lors que la Tunisie post-révolution demeure un pays de départ, de transit et même d'accueil, le débat, aussi récurrent soit-il, sur l'immigration clandestine semble reprendre de plus belle, mettant à l'index un cadre réglementaire figé ou qui fait encore défaut. L'on n'hésite pas à remettre en cause ledit cadre de par son caractère répressif et contraignant à l'égard des droits des migrants en tant que partie intégrante des droits de l'Homme dans leur acception globale. Le réseau Euro-Med des droits de l'Homme (Remdh) et le Centre de Tunis pour la migration et l'asile (CeTuMA) se sont ainsi accordés à dénoncer la non-conformité de la loi organique du 3 février 2004, relative aux passeports et aux documents de voyage aux dispositions d'accords de coopération internationaux signés avec la Tunisie en matière de gestion des flux migratoires. Ce paradoxe législatif a poussé les deux associations de la société civile à donner lecture critique sur la difficile équation entre les principes du respect des droits humains et la lutte contre l'immigration irrégulière. Cela ne doit, en aucun cas, exclure la nécessaire garantie des droits des migrants, tunisiens ou étrangers, qui quittent la Tunisie, y rentrent, y transitent ou y séjournent. D'ailleurs, lors d'une conférence de presse tenue hier à Tunis, le rapport qu'elles ont rédigé, conjointement, sur les législations actuelles régissant la migration en Tunisie intervient au moment où le rêve de l'eldorado hante les esprits des jeunes sans emploi. Et que l'immigration clandestine semble, généralement, faire de l'ombre sur le réseau des passeurs qui s'amplifie de plus en plus. Il ressort de leur rapport l'impératif d'un « plaidoyer pour une réforme des lois relatives aux migrants, aux étrangers et à la nationalité en Tunisie ». A l'issue d'une lecture critique de l'ancienne loi, Remdh et CeTuMA ont proposé trente-huit recommandations de révision, de fond en comble, pour y supprimer toutes les dispositions contraires aux droits humains fondamentaux et celles privatives des libertés individuelles et publiques. Son application, lit-on dans ledit rapport, ne doit pas être étendue aux migrants, dans le sens de ne pas les confondre avec les passeurs. Cette batterie de recommandations a pour socle trois axes principaux, à savoir la réforme des dispositions relatives aux migrants irréguliers, l'amélioration des conditions des étrangers et la révision du droit de la nationalité. Ce plaidoyer a pour vocation de recentrer le débat sur la question, en tenant compte de son évolution dans un nouveau contexte beaucoup plus complexe, à plus large échelle. C'est que la Tunisie n'est plus uniquement un point de départ ni de passage, elle est devenue aussi un espace d'accueil. D'autant plus qu'elle est, déjà, appelée à tenir ses engagements envers ses partenaires européens, en ce qui concerne sa politique de gestion migratoire. Idem, elle doit renégocier les accords de réadmission sur son territoire de tout ressortissant d'un Etat tiers tel que convenu avec ses partenaires européens (l'Italie, la France..). Les suggestions vont jusqu'à apporter autant de modifications dans ce sens. Elles touchent la suppression de la répression de toute forme d'aide, d'assistance ou de soutien au profit du migrant. Car, l'article 38 de la loi 2003 permet d'incriminer toute forme d'aide qui pourrait lui être apportée quel que soit le but recherché par l'auteur de l'infraction. Toutefois, seule l'aide à titre onéreux devrait, alors, être incriminée. Il est aussi question, toujours selon le même rapport, de supprimer le devoir de signalement auquel sont soumises les personnes légalement détentrices du secret professionnel et d'accorder une protection particulière aux femmes migrantes, surtout celles exerçant une activité professionnelle, exposées à des abus ou à des violences diverses. D'autres recommandations ont également porté sur l'amélioration des conditions d'accueil, de séjour et du travail des étrangers, l'ouverture des voies de recours devant la jurisprudence administrative concernant la délivrance des cartes de séjour, les droits civils et socioéconomiques, l'emploi des étrangers, la suppression de la discrimination en matière d'acquisition de la nationalité..