Que seraient les Journées cinématographiques de Carthage sans le mouvement des ciné-clubs en Tunisie? La réponse est des plus simples car, en effet, sans les clubs, les JCC n'existeraient pas! Cette vérité difficilement discutable mérite d'être rappelée, surtout dans un contexte d'évolution des JCC qui fait désormais de ce festival une manifestation pour la défense de la cinéphilie. Entre cinéma national et tiers-cinéma Les deux matrices historiques des JCC sont respectivement la Fédération tunisienne des ciné-clubs (FTCC)et le ministère de la Culture qui, ensemble, ont fondé le festival, avec un Tahar Cheriaa faisant office de passerelle entre la fédération au sein de laquelle il militait et le ministère dont il était le responsable de la politique cinématographique. Depuis, cette alliance de fait s'est toujours confirmée. Avec toutefois des hauts et des bas, en fonction des responsables au ministère de la Culture et leur perception de la FTCC qui, toujours assimilée à un mouvement de gauche, a pu rebuter certains politiciens plus destouriens que d'autres, parmi ceux qui se sont succédés à la tête du département de la Culture. La donne a peu à peu changé. Avec la succession des directeurs à la tête des JCC, on a pu voir dans certains cas des malentendus voire des confrontations avec la FTCC et les autres associations cinématographiques. Mais les choses finissaient toujours par se stabiliser. Les JCC resteront ainsi toujours fidèles à leur relation avec la FTCC que leurs directeurs soient des fonctionnaires du ministère de la Culture ou des professionnels du domaine cinématographique. Quel a été le rôle de la FTCC dans la fondation et l'évolution des JCC? La réponse à cette question souligne combien les rapports entre le festival et la fédération sont étroits. En effet, ce sont les cinéphiles tunisiens qui sont à l'origine des JCC. Citons aux côtés de Tahar Cheriaa, les grands Tijani Zalila, Hamadi Ben Mabrouk, Mustapha Nagbou, Moncef Ben Ameur et d'autres encore qui ont été les grands animateurs de la cinéphilie en Tunisie. Doyen actuel des JCC, Mustapha Nagbou a énormément fait pour le festival naissant, aussi bien au ciné-club de Kairouan qu'il dirigeait qu'à la tête de la revue "Goha" qui, plus tard, sera nommée "Septième Art". Tous ces militants ont eu pour fonction d'accompagner l'émergence d'un cinéma national et aussi celle d'un tiers-cinéma arabe et africain dont les JCC se sont voulues être le porte-drapeau. Au delà de ce rôle fondateur, la FTCC a largement contribué à donner leur image de forum et de lieu de débats aux JCC. En effet, de nos jours encore, les débats des JCC sont animés par les militants de la FTCC, forte de son savoir-faire et de son partenariat stratégique avec le festival. La continuité éthique des JCC, le renouveau militant de la FTCC Cette dimension des JCC a une importance capitale dans le maintien du lien avec l'identité fondatrice du festival et il importe de poursuivre sa consolidation, tout en apportant un soutien sans faille à la fédération. Car, un demi-siècle après la fondation des JCC, les choses se sont inversées! De nos jours, ce sont en effet les JCC qui, avec leur nouvel esprit, pourraient apporter un soutien décisif à la FTCC, en l'impliquant davantage dans l'organisation de débats, leur décentralisation vers les régions de l'intérieur et leur concentration vers les écoles et les universités. Avec la nouvelle fréquence annuelle des JCC, ce serait un chantier passionnant et aussi un défi de taille pour réimplanter la cinéphilie dans le local. Les JCC pourraient creuser dans ce sillon pour que le festival devienne plus qu'un festival mais bien le socle, le levier et le vecteur d'un retour de la cinéphilie par la grande porte. De plus, un pas de deux entre FTCC et JCC serait le garant de la continuité éthique du festival et de la dissémination nouvelle de la fédération. Dans le nouvel environnement institutionnel et commercial qui est celui de notre cinéma, pareille démarche ne pourrait qu'être fructueuse, à condition de trouver ses relais et sa méthode.