Les élections législatives de 2014 ont donné la majorité à l'ARP au mouvement de Nidaa Tounes qui dispose de 86 sièges, suivi d'Ennahdha, 69 sièges, l'UPL 16 sièges, le Front populaire, 15 sièges et Afek Tounes 8 sièges. Les autres tendances et partis politiques ont obtenu des sièges inférieurs au nombre de cinq, ce qui leur interdit de former un bloc parlementaire. Cependant, quelques députés se sont regroupés pour former le bloc social-démocrate (12 sièges). Cela fait donc un total de six blocs au sein de l'ARP et laisse aussi onze députés qui n'appartiennent à aucun bloc. La situation de ces députés semble être assez particulière puisque le bureau de l'ARP a décidé de ne leur accorder que neuf minutes d'intervention. Cela donne à chacun de ces députés moins d'une minute pour participer aux plénières sans compter le fait qu'ils ne participent ni aux réunions du bureau de l'ARP ni à celles des présidents des blocs. En outre, ces onze députés sont exclus des formations des représentants de l'ARP qui sont généralement envoyés en mission à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Salem Laabyedh, député du Mouvement du peuple a estimé que les députés n'appartenant à aucun bloc parlementaire sont marginalisés et que le règlement intérieur a été fait sur mesure au profit des grands blocs parlementaires. De son côté, Rim Theiri, députée du Courant de l'Amour, a estimé que la limitation de l'intervention des députés n'appartenant à aucun bloc parlementaire relève de la privation du droit du député en question à exprimer ses point-de-vue. La députée a de même dénoncé l'attitude du président de l'ARP qui n'a pas accordé de l'importance aux réclamations des députés concernés par cette limitation d'intervention. Bien que cette limitation soit un problème bien grave – parce que même les députés qui n'appartiennent pas à des blocs disposent d'une légitimité toute aussi puissante que leurs collègues vu qu'ils ont été élus par le peuple – elle ne représente malheureusement pas le seul handicap de notre Parlement. Le rapport annuel de l'ONG Al Bawsala n'annonce rien de bon: du taux d'absentéisme aux retards des plénières, les chiffres font état que le Parlement tunisien n'est pas en bonne santé. Selon ce rapport, le bureau de l'ARP, et en dépit des articles du règlement intérieur prévoyant des sanctions pour les députés dont le taux d'absentéisme dépasse la normale, fait preuve de laxisme face à ces absences. Cela sans parler du problème de la ponctualité puisque l'ONG a révélé que presque aucune réunion des commissions n'a démarré à l'heure prévue. Outre les problèmes d'assiduité, Al Bawsala signale un problème de transparence au niveau du mode de vote employé au sein de l'Assemblée et celui de la publication des travaux de l'ARP. Il existe en effet deux manières de voter au sein de l'ARP, le vote à main levée et le vote électronique. Ces deux types de vote sont, parfois, utilisés en même temps ce qui risquer de fausser les résultats. Par ailleurs, le rapport d'Al Bawsala indique que des députés se permettent de voter à la place de leurs collègues en utilisant leurs boutons. On apprend de même qu'aucun procès-verbal – relatif aux réunions des présidents des blocs parlementaires – n'a été publié pendant 2015. Cela sans compter que les délais des publications de l'ARP sont rarement respectés et que la publication des listes des députés présents n'est pas régulière. Al Bawsala signale à la fin de son rapport que tous ces dépassements ne sont cependant pas dus au manque de volonté des députés mais plutôt au manque de moyens mis à la disposition du Parlement. La publication de ce rapport n'a pas manqué de faire réagir le bureau de l'ARP et son président, Mohamed Ennaceur qui a assuré que les députés absents verront leurs primes réduites et leurs noms affichés. Ainsi, le bureau a décidé de geler le salaire du député de Nidaa Tounes, Kamel Dhaouadi, à cause de son absence des travaux des commissions et des séances plénières. Cette décision a amené les députés du bloc de Nidaa Tounes à observer une grève d'un quart d'heure, dans l'enceinte de l'Assemblée, puisqu'ils estiment que leur collègue a été injustement sanctionné puisque ses absences sont dues à une maladie qui l'oblige à être hospitalisé. Entre le manque de sérieux de quelques députés et la marginalisation de quelques autres, le pouvoir législatif tunisien semble souffrir et ce malgré toutes les missions importantes qui lui sont accordées. C'est à se demander si le régime semi-parlementaire est assez respecté en Tunisie...