« Le problème numéro un du parlement n'est pas tant l'absentéisme que la productivité, estime Abderraouf Cherif, président du groupe parlementaire de Machrou Tounès. C'est la préparation des textes au niveau des commissions qui prend du retard ». Ce n'est certainement pas amusant, et pour personne, de venir un samedi avec un mercure affichant 35° pour s'asseoir sur un siège en cuir pendant des heures, mais il se trouve que c'est le travail, entre autres, des 217 députés élus par plus de trois millions de Tunisiens, et qui étaient invités samedi dernier à une séance plénière consacrée aux questions orales adressées aux ministres de l'Enseignement supérieur et de l'Education par intérim, des Affaires culturelles et de l'Industrie et du Commerce. Pourtant, ce jour-là, l'hémicycle ressemblait plutôt à un désert, seuls quelques députés ont consenti faire le déplacement et venir écouter les réponses des ministres. Le lundi suivant, une liste des députés qui se sont excusés auprès du bureau de l'Assemblée de ne pas pouvoir assister à la séance a été publiée, mais le mal était déjà fait et l'image donnée par les députés inscrits aux abonnées absents a choqué les Tunisiens. Divers travaux parlementaires Récemment, l'association Bawsala, aussi, a tiré la sonnette d'alarme à propos d'une hausse de l'absentéisme chez les députés. Cependant, il faut distinguer les différents aspects du travail parlementaire. D'abord, dans la vie d'un parlementaire, il n'y a pas uniquement la séance plénière transmise en direct à la télévision nationale. L'élu, dès son entrée au parlement, est affecté à une commission spécifique, comme par exemple celle des finances ou celle de la législation générale. Ces commissions se réunissent de manière plus ou moins régulière, font des auditions de responsables et étudient les projets de loi qui leur sont soumis, dans le cadre d'un travail très technique. Ensuite, le parlement exerce à la fois une fonction législative (examen et vote des projets de loi) et une fonction de contrôle du travail du gouvernement auquel il a accordé sa confiance (questions orales et écrites aux membres du gouvernement). Samedi, il s'agissait, en l'occurrence, d'un travail de contrôle à travers des questions spécifiques posées à des ministres ou des secrétaires d'Etat. Lors de cet exercice, l'échange se fait exclusivement entre le membre du gouvernement et le député qui a posé la question. La présence de 217 députés ne sert dans ce cas qu'à remplir les sièges du parlement ou à faire de la figuration. D'un autre côté, il est vrai que la réponse du ministre devrait normalement intéresser l'ensemble des élus du peuple et pas seulement celui qui pose la question. Une assemblée sur laquelle repose en théorie le régime politique du pays devrait faire preuve de plus de responsabilité. Il est évident que les députés ne peuvent pas tous être présents, mais de là à se retrouver avec une pincée de députés, l'image peut choquer. Au-delà de cette affaire, l'absentéisme est un vrai problème au parlement, pas seulement dans ce genre de session, mais également lors du travail des commissions et lors du vote des projets de loi. « Tout un projet de loi peut tomber à l'eau parce qu'un député est absent, ou qu'au moment du vote il sort de l'hémicycle », regrette un ex-ministre. Retard au niveau des commissions Bien qu'il fût présent samedi dernier à l'hémicycle, le président du groupe parlementaire de Machrou Tounes, Abderraouf Cherif, défend ses collègues en expliquant que les questions aux membres du gouvernement concernent en premier ceux qui les ont posées. « Moi, j'étais présent parce que notre groupe a posé trois questions et j'étais intéressé par les réponses », dit-il, tout en estimant que le plus important était la présence des députés lors des votes des projets de loi. « Pour le reste, l'absence n'est même pas comptabilisée », précise-t-il. Par ailleurs, en raison de l'importance du volume de travail à l'Assemblée en cours de semaine, le bureau de l'ARP a décidé de décaler les questions au gouvernement au samedi. « Le problème numéro un du parlement n'est pas tant l'absentéisme que la productivité, pense Abderraouf Cherif. C'est la préparation des textes au niveau des commissions qui prend du retard ». Même son de cloche du côté du vice-président de l'Assemblée lui-même, Abdelfattah Mourou, qui, lors de l'ouverture hier de la séance plénière, a déclaré que l'absence des députés samedi dernier ne portait nullement atteinte au « prestige du parlement ». « Dans le monde entier, seuls les députés ayant des questions à poser assistent aux plénières consacrées à cet exercice, puisque dans ce type de séance, il n'y a aucune opération de vote », a-t-il déclaré. Par ailleurs, la révision du règlement intérieur en cours de préparation actuellement pourrait améliorer le mode de fonctionnement du parlement, de manière à accélérer l'examen et le vote d'importants projets de loi qui dorment encore dans les tiroirs.