Les malheurs se suivent et se ressemblent à Tataouine. Pas moins de deux femmes enceintes ont perdu la vie en l'espace de trois jours, une autre a perdu son bébé dans les sanitaires de l'hôpital régional et une quatrième est toujours dans un état très critique à l'heure où ces lignes sont rédigées. Dans l'enceinte de l'établissement hospitalier, la colère des familles gronde et la situation risque de déraper à tout instant. Dimanche 20 décembre. Enceinte de neuf mois, la femme de Fathi Bouhalkoum ressent de fortes contractions vers 2 heures du matin et se rend avec son mari à l'hôpital régional de Tatouine. Sur place, après les premiers examens élémentaires, les époux apprennent qu'il n'y a pas de gynécologue en fonction ce jour là et que la dame ne pourra pas accoucher là bas. Contactant les hôpitaux de Médenine et de Ben Guerdane, ils essuient un refus pour manque de places disponibles. Ils optent alors pour l'ultime et non moins pénible solution, celle de se rendre à l'hôpital de Djerba, même si une intervention d'urgence était nécessaire, à bord d'une ambulance manquant de tout équipement vital et sans être accompagnée d'un personnel soignant. Malheureusement, la dame et son bébé décèderont avant même d'y arriver, laissant derrière elle trois orphelins. Le deuxième cas de décès est survenu non pas à cause de l'absence d'un gynécologue mais plutôt de celle d'un médecin réanimateur. Mobilisé depuis un mois, presque 24h/24, le spécialiste s'est offert quelques jours de congé pour se reposer et récupérer un peu. Le médecin généraliste qui a pris sa relève n'a pas su gérer les complications survenues lors de l'accouchement de cette femme qui est décédée à son tour. Hier, deux autres femmes étaient dans des situations critiques et leurs cas nécessitaient une intervention d'urgence. L'une d'entre elles a malheureusement perdu son bébé. Pour arrêter ce flux de décès et éviter de nouveaux incidents, une équipe médicale, dépêchée de Sousse, est arrivée au milieu de l'après-midi selon des témoins. Sur place, la tension était à son comble dès le matin et la grogne des familles ainsi que celle du personnel paramédical était également palpable. En manque flagrant de médecins spécialistes, le gouvernorat de Tataouine connaît de très multiples cas de décès en couches depuis des années. D'ailleurs, l'année dernière, huit médecins dans différentes spécialités, dont la gynécologie, l'anesthésie, la chirurgie générale et l'ophtalmologie ont quitté leurs fonctions au sein de cet établissement hospitalier. Par ailleurs, intervenant sur les ondes d'une des radios, Ahmed Fileli, Secrétaire régional de la Santé à Tataouine, a indiqué qu'un concours a été lancé pour le recrutement de médecins spécialistes, sauf que personne n'a postulé à ces postes. Il a en outre déploré le fait qu'aucune loi actuelle n'obligeait les médecins à exercer dans les régions. Pour Soumaya Dhokar également, secrétaire générale auprès de l'hôpital régional de Tataouine, ces incidents médicaux graves et répétitifs sont dus au nombre très réduit de médecins spécialistes dans la région et aux solutions inadéquates proposées par les autorités concernées et à leur tête le ministère de la Santé. Par ailleurs, dès dimanche soir, le Syndicat régional de la santé dans le gouvernorat de Tataouine a adressé un courrier à la présidence du gouvernement et aux autorités régionales et nationales les informant de la fermeture temporaire de tous les services obstétriques à Tataouine et ce, à partir de mardi 22 décembre 2015. D'après les responsables, cette décision se poursuivra jusqu'à l'obtention d'une solution radicale au problème des médecins spécialistes dans la région.