Plusieurs déterminants sociaux sont responsables de la mortalité maternelle. Les hémorragies sont la première cause de décès chez les parturientes Bien que le taux de décès maternels ait sensiblement baissé au cours des trois dernières décennies en Tunisie, les femmes continuent à mourir en couches dans les maternités régionales et universitaires. En 2008, le taux de mortalité maternelle était estimé à 44 décès pour 100 mille naissances vivantes contre 67 décès pour 100 mille naissances en 1993. Bien que le taux soit relativement bas par rapport à celui de pays comme le Maroc ou la Mauritanie où les taux sont estimés à 80 pour 100 mille naissances vivantes et 200 pour 100 mille naissances, les disparités régionales sont importantes et le nombre de décès maternels reste élevé dans certaines régions de Tunisie, notamment dans la zone du Nord-Ouest où on enregistre le nombre le plus élevé de décès maternels. C'est la conjugaison de nombreux facteurs qui est à l'origine des décès qui surviennent soit au cours de la grossesse, soit pendant ou suite à un accouchement. L'accès difficile aux maternités régionales, appelées maternités de type 2 et le manque d'argent découragent les femmes qui vivent à la campagne et qui négligent d'effectuer un suivi médical tous les mois. Même lorsqu'une complication survient au cours de la grossesse, elles rechignent à aller consulter le médecin de l'hôpital. Par ailleurs, selon les chiffres établis, plus de 80% des décès surviennent dans des maternités régionales. Dans les régions, des femmes issues d'un milieu modeste continuent à accoucher à la maison afin d'éviter les dépenses liées à l'accouchement. Les facteurs à risque varient suivant que la femme soit en milieu ou en fin de grossesse. Les hémorragies sont la première cause de décès chez les parturientes. Elles surviennent généralement dans les quarante-huit heures qui suivent l'accouchement et auraient pu être évitées si ces parturientes avaient été prises en charge convenablement par l'équipe médicale de l'établissement hospitalier. Or, au lieu d'être placées en surveillance pendant les quarante-huit heures qui suivent l'accouchement, celles-ci sont obligées de quitter la maternité en raison de la surcharge de l'établissement. «La surcharge n'est pas la seule raison. Les nouvelles accouchées décident de quitter l'établissement car elles n'ont pas d'argent pour prolonger leur séjour à la maternité», note Rafla Tej, directrice des soins de santé de base. Lorsqu'une hémorragie survient à domicile, il est alors trop tard. La parturiente décède soit parce qu'elle n'est pas arrivée à temps aux urgences ou parce que les secours ont mis trop de temps à arriver à cause de l'impraticabilité de la route. Idem lorsqu'une complication survient au cours de l'accouchement dans une maternité régionale; la situation tourne, parfois, au drame car l'équipe, réduite à son strict minimum et constituée d'une sage-femme et d'un médecin de la santé publique, n'est pas qualifiée pour pouvoir prendre en charge convenablement une hémorragie ou une autre complication. La parturiente est alors transférée dans une maternité de type 3 où elle se retrouvera confrontée à un autre obstacle: l'encombrement de l'établissement. Certaines s'en sortiront par miracle. D'autres décèderont car elles auront fait les frais de la lenteur de la prise en charge dans une maternité surchargée et mal organisée. «L'hémorragie est la première cause de décès chez les femmes enceintes, observe la responsable de la DSSB. La seconde cause de mortalité chez les femmes enceintes est la survenue d'une toxémie gravidique au cours de la grossesse et la troisième cause responsable de la mortalité des femmes enceintes est l'apparition d'une hypertension artérielle au cours de la grossesse qui peut se compliquer et être responsable d'une crise convulsive chez la femme enceinte. Ces facteurs de risque peuvent entraîner le décès chez la femme enceinte s'il n'y pas de prise en charge correcte». Selon le rapport national de suivi des Nations unies sur les objectifs du millénaire pour le développement, malgré la mise en place de plusieurs programmes de périnatalité, la Tunisie aura du mal à atteindre l'objectif ciblé à l'horizon 2015, à savoir réduire, aux trois quarts, le taux de mortalité en le ramenant à 24,9 pour cent mille naissances vivantes. En 1999, un système national de suivi des décès maternels a été mis en place pour surveiller les décès survenus dans les maternités publiques universitaires et régionales. Il est constitué de comités régionaux composés du directeur régional de la santé publique, d'experts et de gynécologues obstétriciens, qui se réunissent dès qu'un décès survient dans une maternité pour discuter des causes, savoir si le décès aurait pu être évité ou pas et réfléchir aux solutions afin d'améliorer la prise en charge. Mais ce comité ne dispose pas de prérogatives pour pouvoir agir et prendre les mesures qu'il faut afin de pallier les défaillances observées en milieu hospitalier. Selon Rafla Tej, tout le système de soins doit être revu de fond en comble afin d'améliorer la prise en charge des femmes enceintes dans les structures sanitaires publiques. «Il faut intervenir sur tous les paramètres et impliquer tous les secteurs. En effet, il s'agit déjà d'améliorer l'infrastructure routière dans les régions. Certaines zones sont dépourvues de routes et on y accède par des pistes. Il faudrait, par ailleurs, réorganiser le système de suivi et de contrôle des décès dans les structures publiques afin qu'il puisse prendre les décisions nécessaires et qu'il soit opérationnel. Il faudrait également résoudre le problème de la fonctionnalité des maternités régionales en mettant en place des équipes multidisciplinaires dans les maternités de type 2. Un projet est, d'ailleurs, prévu pour améliorer la prise en charge de la mère et de l'enfant en milieu hospitalier et réduire les disparités régionales».