La Tunisie vit une période charnière consacrant la fin d'un cycle et la naissance d'un nouveau. La page de l'époque « troïkiste » tournée, nous vivons ses séquelles et œuvrons pour mettre fin aux conséquences de ses choix passéistes que les carriéristes au pouvoir et dans l'opposition avaient tant assombrie. L'année 2016 est celle du sauvetage définitif de l'économie tunisienne ainsi que de l'ancrage définitif du pays dans la modernité. Une pareille option est de nature à changer de façon radicale la donne ainsi que le paysage politique, social et économique. Les acteurs ne peuvent être ceux qui avaient conduit le pays à l'abîme ou ceux qui n'ont pas su ou pu, avoir le courage d'annoncer la rupture avec les hésitations et autres tergiversations. Non seulement les engagements extérieurs du pays en matière de remboursement des lourdes dettes signées par la Troïka, continuité de l'Etat oblige, mais aussi en terme de climat d'affaires, de lutte contre la corruption. Qui le fera ? Déjà l'alliance avec Ennahdha, s'avère de plus en plus anachronique et d'une autre époque, car on ne peut tenir des promesses de campagne versant dans la modernisation en se liant les mains et les pieds par une alliance avec le parti islamiste, présent juste pour ne pas subir le sort de ses « Frères » en Egypte. Reste Nida Tounès avec ses deux facettes. En attendant la réunion de son bureau exécutif dimanche prochain à Gammarth, il est clair qu'il est devenu un véritable boulet pour son président Béji Caïd Essebsi. Rien dans les querelles intestines de Nida n'habilite ses militants à jouer leur rôle dans l'encadrement de la société tunisienne, la défense des choix de leur président d'honneur et, encore moins, dans la formation de cadres qui seront appelés à assumer des responsabilités dans les hautes sphères de l'Etat. A quoi peut servir un parti vainqueur des élections législatives qui en une année perd la sympathie de tout un peuple. Tous les sondages révèlent que les derniers de la classe dans la hiérarchie des institutions préférées des Tunisiens, sont les partis politiques, au pouvoir ou dans l'opposition. Les Tunisiens n'ont pas compris que la Constitution choisie par leurs élites lie les mains de leur président. Or, le chef de l'Etat, a le droit, selon la même Constitution, de présider tout conseil de ministres. Comme nous sommes en situation de guerre contre le terrorisme, et contre la récession économique, rien dans l'esprit de la Constitution et, encore moins dans la tête des Tunisiens, n'empêche Béji Caïd Essebsi d'oser et de regagner la grande confiance de tous ses électeurs, surtout ceux qui ont commencé à avoir des doutes sur l'authenticité de la dimension moderniste dans la vision de BCE, de la Tunisie de demain. D'ailleurs, les intellectuels qui avaient été reçus par le chef de l'Etat, n'ont pas été tendres avec lui, dans leur pétition. Ils ne sont pas les seuls. Beaucoup de femmes, de jeunes et d'habitants de régions ou des quartiers déshérités sont devenus aussi sceptiques. Et du côté du peuple, puisque le chef de l'Etat n'est pas choisi par les partis majoritaires au Parlement, mais directement par les Tunisiens, leur héros est porteur d'un pouvoir aussi légitime que l'ARP, et encore plus fort dans la mesure où, appelé à démissionner de son parti, il devient leur porte-drapeau qui n'a de compte à rendre qu'à la masse électorale du pays. C'est ce qui permet aujourd'hui, au président d'intervenir au nom de l'intérêt suprême d'un pays en guerre où les commandes du pays sont entre les mains du chef suprême de l'armée, qui est en même temps, le chef de l'administration tunisienne avec ses 800.000 fonctionnaires et garde ainsi la main haute sur le chef du gouvernement qui s'est avéré, un grand commis de l'Etat bien doué pour appliquer la politique tracée à Carthage. Tant que faire, le chef de l'Etat pourra s'entourer de grands conseillers super qualifiés dans les domaines où ils sont appelés à intervenir. Et de proche en proche, on cesse de parler de majorité parlementaire au profit d'une majorité présidentielle, plus large construite autour d'un projet mobilisateur, comme la modernisation générale du pays et la relance de l'économie. C'est tout un programme, car rien que pour l'ancrage de la modernité, il faudra travailler sur plusieurs fronts, de l'éducation à la lutte contre le terrorisme, en passant par l'éradication de la corruption et la maîtrise des circuits parallèles. Les partis politiques qui n'ont pas eu assez d'imagination pour traiter pareils dossier, devront retrouver une certaine modestie et se contenter de soutenir un gouvernement de la majorité présidentielle, qui est plus large qu'une majorité parlementaire. Vivement donc, une majorité présidentielle, qui épargne au pays les voix discordantes de la majorité dite parlementaire qui n'a fait preuve que d'un grand flagrant et décevant amateurisme pour ne pas dire plus.