La récente adoption en Conseil des ministres d'un projet de loi prévoyant le recours au mode de scrutin à la proportionnelle au plus fort reste lors des prochaines élections municipales et régionales fait d'ores et déjà grincer des dents auprès des partis politiques et des associations de la société civile. L'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE) estime en effet que l'adoption précipitée d'une loi régissant les élections à l'échelle locale constitue une grande «aberration» à l'heure où les spécificités du pouvoir à l'échelle locale n'ont pas été encore déterminées. «Il est aberrant de voir le Conseil des ministres adopter un projet de loi relatif aux scrutins municipal et régional alors que les lois relatives à la décentralisation du pouvoir local n'ont pas été adoptées», s'offusque Moez Bouraoui, président de l'ATIDE. M. Bouraoui a également déploré le fait que ce projet de loi soit totalement inadapté aux spécificités des élections locales. «Le mode de scrutin à la proportionnelle au plus fort reste qui a été déjà expérimenté à l'échelle nationale lors des législatives et des présidentielle est loin d'être recommandé pour des élections à l'échelle locale dans la mesure où il ne bénéficie qu'aux partis et exclut catégoriquement les indépendants », souligne-t-il. Et d'ajouter : « La plupart de nos communes comptent moins de 5000 habitants et cela pourrait constituer une chance inouïe pour les indépendants. Un mode de scrutin uninominal aurait en effet permis à des personnes compétentes, très respectées et connues pour leur intégrité à l'échelle locale d'accéder au poste de maire ou de président de conseil régional sans forcément être encartées». Le président de l'ATIDE a, d'autre part, estimé que le mode de scrutin à la proportionnelle au plus fort reste ne favorisera que les grands partis bien structurés. «Dans l'état actuel des choses, ce mode de scrutin ne favorisera qu'un seul parti très structuré, bien implanté sur l'ensemble du territoire et uni», précise-t-il, en allusion au mouvement islamiste Ennahdha qui bénéficie de toutes les chances pour dominer les conseils municipaux et les conseils régionaux à l'heure où le parti Nidaâ Tounes qui avait remporté les dernières législatives se trouve aujourd'hui grandement affaibli par des luttes intestines incessantes. M. Bouraoui note aussi dans ce chapitre que les petits partis n'auront que des chances infimes. «Quels sont les partis qui sont réellement capables de présenter 6000 candidats ? », s'interroge-t-il. Réuni fin décembre au Palais de Carthage, le Conseil des ministres avait adopté un projet de loi amendant et complétant la loi organique n°2014-16 relative aux élections et aux référendums en application des dispositions du chapitre 7 de la constitution tunisienne relatif au pouvoir local. Ce projet de loi prévoit le recours au mode de scrutin à la proportionnelle au plus fort reste et la désignation de la tête de liste ayant obtenu le plus grand nombre de voix au poste de président du conseil municipal ou régional. Le mode de financement public a posteriori a été adopté pour assurer la couverture des dépenses de la campagne électorale et le recours au régime de recouvrement des dépenses, conditionné par l'obtention de 3% des suffrages exprimés de la liste concernée. Les Tunisiens à l'étranger seront associés aux élections municipales, sans qu'on sache pour l'instant de quelle manière ils le seront. L'âge d'éligibilité à ces élections a été fixé à 20 ans. Les corps militaire, sécuritaire et douanier ont été exclus de l'inscription au fichier électoral. Le principe de la discrimination positive au profit des personnes porteuses de handicap a été par ailleurs adopté. Ainsi toute liste candidate dans une circonscription dont le nombre d'habitants dépasse 25.000 personnes doit avoir un candidat porteur de handicap parmi ses 10 premiers candidats. Le même principe de discrimination positive, mais au profit des jeunes, a été inscrit dans le projet de loi et ceci oblige toute liste à avoir parmi ses trois premiers candidats un jeune de moins de 35 ans.