Le Temps-Agences- Entre 400 et 500 personnes ont été arrêtées au Pakistan depuis l'instauration de l'état d'urgence avant-hier soir, a annoncé hier le Premier ministre pakistanais Shaukat Aziz. "Il y a eu entre 400 et 500 arrestations préventives dans le pays", a déclaré M. Aziz au cours d'une conférence de presse, fournissant les premiers chiffres officiels sur le nombre des personnes interpellées depuis que le président Pervez Musharraf a décrété la veille des mesures d'exception au Pakistan. M. Aziz a dit aussi souhaiter que l'état d'urgence s'achève "sans que cela ne prenne trop de temps". Il n'a pas donné plus de détails. Le président Pervez Musharraf étend son emprise au lendemain de la proclamation de l'état d'urgence, dans un pays placé sous haute sécurité et où les législatives de janvier pourraient être reportées. La presse pakistanaise a condamné cette mesure d'exception, le quotidien anglophone Dawn titrant sur "le second putsch de Musharraf" après le coup d'Etat d'octobre 1999 à la faveur duquel le général-président s'était emparé du pouvoir. Malgré le coup de tonnerre qu'a constitué la proclamation de l'état d'urgence, pour défendre l'unité nationale face au terrorisme islamiste et à l'opposition de la Cour suprême, le pays était calme hier. Les magasins étaient ouverts, mais déserts, et la circulation automobile réduite au minimum tandis que des policiers et des unités paramilitaires étaient déployés autour du Parlement, du palais présidentiel et de la Cour suprême à Islamabad. Cette Cour, qui contrariait depuis des mois les desseins du chef de l'Etat, devait se prononcer dans les prochains jours sur la légalité de la réélection, le 6 octobre, de M. Musharraf. La police a procédé à plus de cent arrestations. Imran Khan, ex-star du cricket devenu un des plus farouches opposants à Pervez Musharraf, a été assigné à résidence, de même que plusieurs autres chefs de file de l'opposition et que des avocats proches du juge Chaudhry. Le dirigeant en exercice du parti de l'ex-Premier ministre en exil Nawaz Sharif, Javed Hashmi, a également été interpellé chez lui à Multan (centre). "L'inaction à ce stade est un suicide pour le Pakistan et je ne peux laisser ce pays se suicider", a affirmé Pervez Musharraf dans son discours à la nation pakistanaise, une puissance nucléaire de 160 millions d'habitants, pour la plupart musulmans. Il a aussi demandé à ses "amis" occidentaux de comprendre sa décision, accueillie avec préoccupation dans le monde. Mais les Etats-Unis, qui ont fait du général Musharraf leur allié-clé dans leur guerre contre le terrorisme, ont jugé "très décevantes" ces mesures d'exception. Parmi les périls qui menaceraient le Pakistan, M. Musharraf a cité la vague sans précédent d'attentats suicide, qui ont fait depuis juillet 420 morts, dont 139 le 18 octobre à Karachi, dans le sud du pays. L'ex-Premier ministre Benazir Bhutto, qui négociait avec le général Musharraf, était revenue avant-hier à Karachi en provenance de Dubaï. Mme Bhutto a dénoncé une régression vers un régime "dictatorial", mais reconnu que le Pakistan était "au bord de la déstabilisation". S'exprimant sur les ondes de la BBC, elle n'exclut toutefois pas un partage du pouvoir avec le général Musharraf s'il "rétablit la Constitution et (...) organise des élections libres, justes et impartiales". Nawaz Sharif a, pour sa part, réclamé la démission de l'actuel président.