En visite de travail le week-end dernier au gouvernorat de Jendouba, Sonia Mbarek, ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, en a profité, entre autres rendez-vous, pour inaugurer la nouvelle salle de lecture de l'école primaire Bulla Regia mais aussi le noyau de bibliothèque nouvellement implanté au sein de la prison civile de Bulla Regia. Cette initiative a été particulièrement saluée par les militants de la société civile, continuellement préoccupés par la situation des prisonniers en Tunisie. Entre autres doléances, ces activistes déplorent régulièrement la quasi-absence de vrais lieux de culture et la rareté des événements culturels au sein des établissements pénitenciers. Des idées de projets dans ce sens ont plusieurs fois été formulées mais ont rapidement été avortées pour de multiples raisons. Loin de se décourager, certains organismes persistent sur cette lancée et s'organisent pour offrir aux détenus un minimum d'opportunités pour se cultiver, se divertir et échapper par la pensée à la morosité et l'exiguïté des lieux, même pour quelques instants par jour. C'est précisément dans cet objectif que Sadok et Lina Mhenni, soutenus par l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), ont lancé une initiative très ambitieuse, à savoir la collecte de livres au profit des bibliothèques des prisons tunisiennes. L'appel est lancé à tous pour faire don de livres neufs ou usagés aux détenus. Ce projet s'inscrit dans le cadre d'un partenariat avec la Direction générale des prisons et de la réhabilitation (DGPR). Sadok et Lina Mhenni assuent que tous les livres et les ouvrages, quels que soient leurs thèmes ou la langue dans laquelle ils sont rédigés, sont acceptés, indépendamment de la date et du lieu de leur édition. Ils s'engagent par ailleurs à publier périodiquement la liste des livres et ouvrages collectés et à acheminer tout ouvrage non toléré par la DGPR à d'autres institutions éducatives (bibliothèques publiques, clubs, établissements scolaires...) Toutefois, aussi bénéfiques soient-elles, ces initiatives ne doivent pas se limiter à la collecte et à l'acheminement des livres, elles doivent aussi faire pression pour inciter les autorités pénitenciers à plus de souplesse et de flexibilité à ce sujet. En effet, malgré l'existence de bibliothèques au sein de certaines prisons, l'accès aux ouvrages reste d'après les dires des prisonniers, l'étape la plus épineuse pour eux. Ainsi, d'après le témoignage d'un ancien détenu, arrêté pour une affaire de consommation de cannabis, l'obtention d'un livre de la bibliothèque de la prison dans laquelle il était incarcéré nécessite au moins une dizaine de jours. Encore une fois, la société civile est la seule entité capable de faire pression et d'améliorer l'état des choses. L'implantation de bibliothèques, la fourniture d'ouvrages et de matériel audio-visuel, l'organisation d'événements culturels tels que tout récemment la projection de films dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage au sein des prisons tunisiennes sont autant d'occasions et d'opportunités offertes aux prisonniers pour se divertir, échapper à la routine de l'emprisonnement et peuvent constituer un excellent pas sur le chemin de la réinsertion des détenus. D'ailleurs, de nombreuses études ont prouvé l'impact bénéfique de telles initiatives sur l'attitude et le comportement des prisonniers. Alors pourquoi s'en priver ?