Comme l'a annoncé l'association des magistrats tunisiens vendredi dernier, lors d'un point de presse concernant la loi sur le conseil supérieur de la magistrature, un sit-in a été observé par les magistrats devant tous les tribunaux de la République. Il a été largement suivi selon Raoudha Karafi présidente de l'AMT. Devant le palais de Justice au boulevard Bab-bénat, les juges se sont rassemblés, en brandissant des pancartes sur lesquelles on peut lire entre autres : « le sit-in du silence, contre une loi adoptée sous silence ». Raoudha Karafi a déclaré aux médias que cette loi a été adoptée avec tout le mutisme et la discrétion, nécessaires à ne pas éveiller l'attention de ceux parmi les membres de la société civile qui se sont opposés contre son adoption, pour non-conformité à la Constitution et aux normes internationales. Elle a ajouté que la commission de la législation générale au sein de l'ARP a dépouillé le Conseil de ses prérogatives. Il y a une complicité, et un mutisme du ministre de la Justice, qui se montre hermétiquement clos à l'encontre des observations de l'AMT et de la plupart des magistrats concernant les points contraires aux principes consacrés par la Constitution, dont notamment celui de l'indépendance de la magistrature ». Raoudha Karafi a enfin tenu pour responsables, les deux pouvoirs exécutif et législatif , face à la régression notoire rappelant des pratiques qu'on croyait révolue depuis la Révolution, que constitue ladite loi dans sa mouture actuelle. Mutisme du gouvernement dénoncé Le syndicat des magistrats tunisiens, a émis le même point de vue que l'AMT, en dénonçant dans un communiqué le mutisme du pouvoir exécutif, qui a cautionné l'adoption d'une loi, qui n'attribue pas d'importance à la représentation des magistrats au Conseil supérieur de la magistrature. Les différents sons de cloches « La nouvelle loi et l'organe de contrôle judiciaire qu'elle crée représentent une amélioration par rapport à la situation sous le régime de l'ex-président Ben Ali, lorsque les tribunaux ont trop souvent été aux ordres du gouvernement ». C'est ce qu'avait a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord. Ajoutant que « compte tenu de ces précédents problèmes, la Tunisie a besoin de garanties plus solides pour assurer l'indépendance judiciaire que les citoyens attendent depuis longtemps ». C'est justement autour de l'indépendance judiciaire que se fondent toutes les contestations des pratiques de la nouvelle loi Peut-on dire que la plupart des magistrats sont contre la loi dans sa rédaction actuelle ? De l'avis du magistrat administratif, Hamdi Mrad, dans une déclaration au Temps, l'attitude des juges, contrairement à certains détracteurs, les accusant de « Tagthaoul » ( hégémonie), n'est pas dans leur intérêt particulier, mais dans celui de la magistrature. L'indépendance de celle-ci, qui est consacrée par la Constitution, sert au final le justiciable. Il n'y a point de Justice équitable, sans l'indépendance du juge. C'est ce que ne consacre pleinement la loi actuelle, et c'est la raison pour laquelle les magistrats contestent certains mécanismes favorisant l'ascendant de l'exécutif. ». Toutefois le magistrat administratif, Ahmed Souab, considère que « ladite loi, garantit l'indépendance du magistrat au niveau fonctionnel et structurel, et elle préserve les équilibres généraux ». Ce à quoi rétorque Hmadi Mrad, que l'avis de Ahmed Souab n'engage que lui. La preuve, des magistrats administratifs, ainsi que des juges de la Cour des comptes ont participé au sit-in. Quoi qu'il en soit, la loi est de nouveau et pour la troisième fois devant l'Instance de contrôle de la Constitutionnalité des lois.