Le communiqué de la commission technique chargée de la rédaction du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, a jeté de l'huile sur le feu, dans une conjoncture déjà tendue dans le monde des hommes de justice. En effet, en vertu de ce communiqué paru le 10 mars 2015, les membres de ladite Commission ont contesté la nouvelle mouture du projet parue sur le portail du ministère de la Justice, en précisant que cette nouvelle version « n'est conforme ni à leur travail, ni à la vision qu'ils ont sur le Conseil ». D'autant plus que le projet initial qui été préparé par leurs soins, n'est pas paru sur le portail du ministère de la Justice. Ce qui signifie, selon le même communiqué que « le ministère a procédé à une refonte du projet initial, totalement contraire à l'optique de la commission. La nouvelle rédaction du projet de loi en question constitue, une hérésie par rapport à la mouture initiale selon laquelle les garanties d'une justice indépendante consacrées par la nouvelle Constitution, ainsi que les normes internationales, ont été pris en considération ». Rencontre avec le ministre de la Justice Les juges entament une grève aujourd'hui, décidée par l'Association des magistrats tunisiens, après avoir rencontré le ministre de la Justice, afin de lui faire part de leur désapprobation de la nouvelle rédaction du projet de loi concerné. Raoudha Karafi présidente de l'AMT, a fait part au Temps des observations présentées au ministre concernant le projet, ainsi que de ses inquiétudes sur l'ampleur qu'a pris le litige avec les avocats, avec des prétextes fallacieux invoqués par ces derniers, après avoir fait usage de moult influences pour avoir la part du lion au sein du nouveau Conseil supérieur de la magistrature. « Le nouveau projet qui a favorisé ostensiblement l'ascendant de l'exécutif, avec la bénédiction des avocats qui sont désormais majoritaire parmi le 1/3 des membres du Conseil choisis en dehors des magistrats. Devant cette hégémonie que les avocats sont parvenus à obtenir, ils ont négligé les régressions que représente ce nouveau projet, par rapport au texte initial rédigé par la commission technique » a-t-elle affirmé. « En effet, les nominations des juges sont désormais décidées par décret présidentiel et arrêté du chef du Gouvernement. Par ailleurs le Conseil est considéré comme un service public ayant la personnalité juridique, à l'instar de toutes les entreprises publiques. Cela est de nature à atteindre à l'intégrité du pouvoir judiciaire qui ne doit pas avoir la personne morale en tant qu'organe de l'Etat » a encore précisé Raoudha Karafi. Dans la première rédaction de l'article 112 du projet, il est stipulé que « Le Conseil supérieur de la magistrature bénéficie de l'autonomie administrative, financière et de la capacité de s'autogérer. Il prépare son projet de budget et le discute devant la commission spécialisée de l'Assemblée des Représentants du Peuple ». Selon la nouvelle version c'est le ministre qui soumet le budget à la discussion de l'ARP. A ce propos, Raoudha Karafi a fait remarquer que « tous ces changements intervenus dans la nouvelle version du projet sont dans le but d'accroitre l'ascendant de l'exécutif. Ce qui est totalement contraire aux principes de l'indépendance de la magistrature et de la consolidation du pouvoir judiciaire, Consacrés par la nouvelle Constitution ». Elle a ajouté « qu'un conseil national de l'Association se tiendra le samedi prochain à Sfax en vue d'une concertation avec ses membres des résolutions à prendre dans l'intérêt de l'indépendance de la magistrature et de la consolidation du pouvoir judiciaire ». En tout état de cause, et selon un communiqué du 11 mars dernier de l'AMT, le ministre de la Justice qui a reçu les membres de l'AMT, a fait part de sa suspicion quant à la possibilité de prendre en considération les remarques dont ils lui ont fait part concernant ledit projet, étant donné qu'il sera bientôt soumis à l'adoption de l'Assemblée des représentants du peuple. Avec cette remarque que c'est le ministre lui-même qui a pris l'initiative d'introduire des changements à l'ancien texte du projet préparé par la commission technique, et ce, selon ce que nous a confiés Raoudha Karafi. Retouché en Conseil de ministres Hier ledit projet a été discuté en conseil de ministres parmi d'autres projets de loi, et des retouches auraient été introduites concernant quelques articles. Cela dit, on ne sait si les remarques de l'AMT, ainsi que celles de la commission technique, chargée initialement de la rédaction du projet, ont été prises en considération. L'étape finale sera devant l'ARP qui aura le dernier mot, avant la promulgation de la loi, pour la mise en place d'un nouveau Conseil de la magistrature qu'on espère conforme, le plus possible à la Constitution.