Le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature continue à susciter les réserves de la composante civile et notamment celles des magistrats, qui estiment que, dans sa mouture actuelle, le projet ne préserve aucunement l'indépendance de la magistrature et ne répond pas aux principes consacrés par la Constitution. Plusieurs organismes judiciaires, ont critiqué lundi dernier, dans un communiqué commun, les orientations de la commission de législation générale de l'ARP, à laquelle l'étude du projet de loi a été confiée, en mettant en exergue l'importance à accorder à la préservation de l'indépendance de la magistrature. Celle-ci, ne peut être garantie avec la composition sectaire du conseil, tel qu'il ressort de la dernière modification du projet de loi, par ladite commission de législation. Par ailleurs, une assemblée générale extraordinaire décidée depuis mardi dernier s'est tenue hier par l'Association des magistrats tunisiens, afin de discuter la dernière mouture du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, et notamment les articles concernant la composition du conseil, et les mécanismes définissant ses rapports avec l'exécutif. Car, comme l'a affirmé Raoudha Karafi, présidente de l'AMT, certains de ces mécanismes favorisent l'ascendant de l'exécutif, et constituent de la sorte une atteinte à l'indépendance de la magistrature. En effet, selon l'article 114 de la loi suprême, le Conseil supérieur de la magistrature est l'organe qui veille au bon fonctionnement de la Justice et au respect de son indépendance. Ces deux éléments sont tributaires l'un de l'autre. Il n'y a pas de bon fonctionnement de la Justice, sans l'indépendance de la magistrature. Or, selon l'Association des magistrats tunisiens, cette indépendance n'est possible qu'en dehors de tout ascendant de l'exécutif. Raoudha Karafi a ajouté que ledit projet ne peut que marginaliser le rôle du magistrat et ce par un certain nombre de mécanismes dont notamment : - L'intégration de la Justice militaire dans sa composition, alors que cette justice est rattachée au ministère de la Justice. La commission technique à laquelle avait été confiée au départ la rédaction du projet, n'a pas intégré la justice militaire, conformément à la nouvelle Constitution faisant désormais du tribunal militaire, une instance spécialisée dans les infractions militaires. Or la commission de législation a adopté l'intégration de la Justice militaire, dans une dernière modification du projet qui semble être définitive, car le projet sera soumis bientôt à l'adoption de l'ARP. -Le placement de plusieurs organes sous l'exécutif, dont notamment l'inspection et l'Institut supérieur de la magistrature, ainsi que le service des études judiciaires. -Le procureur de la République, sera sous la seule autorité du ministère de la Justice. Certes, ce dernier veille à la préservation de l'ordre public. Son rôle est inquisiteur plutôt qu'accusateur, car il œuvre à la connaissance de la vérité. Il a l'opportunité des poursuites, en vertu de la loi et de son intime conviction. C'est pour cette raison qu'il ne doit subir aucun ascendant, ni aucune tutelle, dans l'intérêt de la bonne marche de la Justice. Comment est-il possible au Conseil supérieur de la magistrature de veiller au bon fonctionnement de la Justice, s'il est placé sous la tutelle de l'exécutif ? s'est demandée Raoudha Karafi, ajoutant que cela ne fait que dénaturer le rôle qui lui est dévolu par l'article 114 de la Constitution. La présidente de l'AMT a enfin déclaré qu'elle étudiera avec les membres de l'Association, tous les moyens à mettre en œuvre en vue d'éviter l'adoption de la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature dans sa formule actuelle, ajoutant que parmi ces moyens, une observation d'une grève est envisageable, afin de sensibiliser les membres de l'ARP sur la nécessité de remodeler le texte de la loi, dans le sens de l'indépendance des magistrats, seule garantie pour le bon fonctionnement de la Justice.