Nul n'a besoin de prêter une attention spéciale pour conclure à la grande diversification des minarets des mosquées. Mais tous ne posent pas la question sur l'origine des différences architecturales de ces minarets. Si ces minarets proviennent des arabes ou de l'Islam, pourquoi ne trouverait-on pas un seul texte qui les recommande et les décrit ? En fait, il faut remonter aux civilisations précédant l'avènement de l'Islam pour se rendre compte que les minarets existaient déjà, bien érigés, sur les terres envahies par les musulmans. Ce sont les tours ou les phares qui ont servi de modèles pour les minarets. Prenons l'exemple de la Tunisie et de l'Afrique du Nord, les prototypes des tours, qui existent encore, Dieu merci, nous renseignent sur l'origine des minarets des mosquées. À Dougga, par exemple, on voit encore le mausolée d'un roi berbère. D'une hauteur de 21 m, ce mausolée berbère-carthaginois, coiffé d'une pyramide, fut édifié à la fin du 3ème siècle av.J.C. pour abriter le tombeau. Cette tour de 23 m de hauteur, se distingue avant tout par son originalité. Il s'agit d'un monument de style carthaginois, édifié au 2ème siècle av.J.C., à Sabratha (Lybie), marquant l'emplacement du tombeau d'une riche famille. Il faut signaler que ces tours berbères-carthaginoises ont servi de modèles pour les tours des églises quand les berbères-carthaginois se sont convertis au christianisme. Les mêmes tours sont devenues des minarets quand les habitants se sont convertis à l'Islam. On pourrait objecter en disant que le minaret le plus célèbre en Tunisie, celui de la mosquée Okba, à Kairouan, n'a pas cette forme architecturale. Soit. Mais ce minaret même est calqué sur un modèle typiquement berbère-carthaginois. Le phare de Salakta (à Mahdia), et l'activité maritime de la même ville, la pêche du ton, nous livrent le modèle sur lequel était calqué le fameux minaret de Kairouan. Les minarets de la ville historique de Sfax sont calqués aussi sur le même modèle, avec une légère modification. Les lecteurs n'ont que comparer les minarets des mosquées érigés aujourd'hui, avec les prototypes berbères-carthaginois. En fait, les tours et les phares ont servi de modèle architectural pour les minarets en Tunisie et en Afrique du Nord. On pourrait appliquer la même logique aux minarets dits ottomans, en Turquie, qui ne sont que les tours des églises byzantines. C'est l'église Saint-Sophie à Constantinople, qui date du 6ème siècle, au temps de l'empire byzantin, devenue une mosquée à l'actuelle Istanbul. Il parait clair que les peuples convertis à l'Islam ont conservé leurs spécificités architecturales, comme dans tous les domaines d'ailleurs. Il s'ensuit que l'emploi de l'adjectif islamique n'est pas un emploi pertinent, car il confisque les spécificités culturelles des différents peuples. Il est inconcevable de mettre dans le même moule (islamique) le Tunisien, dépositaire de la culture berbère-carthaginoise, au même titre que l'indonésien, le pakistanais et le nigérien ou même le saoudien. Ce serait voiler et piétiner sur les particularités bien propres à chaque peuple. Imed Ben Soltana (romancier)