L'identité d'un peuple se traduit par plusieurs composantes, qui sont des caractéristiques communes à ce peuple et qui le différencient en même temps des autres habitants de la terre. Parmi ces composantes, certaines déterminent l'identité culturelle, comme la langue, la religion, le mode d'alimentation, d'habitation et l'architecture. L'identité culturelle et ses composantes sont le résultat d'un long processus historique. C'est la somme de ce que les différentes civilisations qui sont passées par un pays ont laissé comme habitudes, croyances et modes de vie. Même si elles sont en constante mutation, surtout en raison du récent contexte de mondialisation, certaines spécificités de l'identité culturelle restent intactes et sauvegardées dans la mémoire collective. En Tunisie, pays dont la riche histoire lui a valu l'appellation de carrefour de civilisations, les recherches historiques et archéologiques permettent d'avoir une idée claire sur ce que nous étions et, par conséquent, sur ce que nous sommes. Préparer le terrain à ce que nous allons devenir demeure tout aussi important. Cela passe par une prise de conscience de l'importance des composantes de notre histoire et de notre identité, dont l'architecture est une trace visible, un signe ostentatoire. La médina, ou vieille ville, est la plus récente forme architecturale qui a pu traverser les siècles pour être témoin de l'histoire. Elle est encore peuplée et a plus ou moins gardé son visage d'antan. De plus, son style mauresque côtoie souvent, dans les villes tunisiennes, le style colonial et l'architecture contemporaine. En même temps, la médina en a vu de toutes les couleurs : des intempéries à la négligence, voire dans certains cas l'abandon, de la part de ses habitants, pendant le boom démographique. Plus récemment, l'éveil à l'égard de l'importance de la médina comme composante identitaire s'est traduit par des projets de réaménagement et de restauration, pour en faire non seulement un lieu d'habitation historique, mais aussi une attraction culturelle et touristique. Partout en Tunisie sont apparues des structures qui œuvrent dans ce sens, dont les ASM : associations de sauvegarde de la Médina, qui se trouvent dans plusieurs villes tunisiennes. Une association pour la sauvegarde de la Médina Parmi les ASM les plus actives figure celle de la ville de Béja. Même si elle est relativement jeune (1997) par rapport aux autres associations, qui ont été pour la plus part créées dans les années 70, l'ASM de Béja n'en est pas moins rayonnante. Ses objectifs sont de participer autant à l'animation de la médina qu'à sa sauvegarde et à la protection de ses spécificités. Pour ce faire, son activité touche à plusieurs aspects, incluant la création, la mise à jour et la numérisation de fonds documentaires sur la médina de Béja, jusqu'à la collaboration avec les autres ASM, en passant par l'organisation d'événements culturels. Un volet important de l'activité de cette association renvoie aux projets de réaménagement. Cela concerne les différents sites historiques de Béja, qui s'étendent sur tout le gouvernorat, qu'ils soient d'origine berbère, carthaginoise, romaine, arabo-musulmane, moderne ou contemporaine. Parmi les monuments de la ville, il y la Kasbah, construite en 17 av. J-C par les Romains, sur l'emplacement d'un fortin carthaginois. Il y a également les édifices religieux, dont la Grande mosquée, construite en 944 par les Fatimides et restaurée en 1922, la mosquée du Bey (de rite hanéfite) qui a été édifiée par Mourad II, Bey en 1675, et qui a abrité la médersa de Mohamed Bey, construite en 1685. Plusieurs grands mausolées y sont dispersés, dont celui de Sidi Boutoffaha, Sidi Baba Ali Smadhi, Sidi Hadj Miled, Sidi Salah Zlaoui, Sidi Taïeb et Sidi Bouarba. Béja abrite également une église construite en 1937. Circuit de visite à l'intérieur de la Médina de Béja Le dernier projet de restauration en date dans la ville de Béja, ou «Vaga», comme l'appelaient les Romains, est celui de la création d'un circuit de visite à l'intérieur de la Médina. En plus de la sauvegarde de la Médina, ce circuit relève du projet «Ville-jardin», composante du programme national de la propreté et de l'esthétique de l'environnement (Pnpee). C'est donc un projet à double vocation : l'une écologique et l'autre visant à impulser le tourisme culturel dans la région. Sur une longueur totale de 1.200 mètres, dont 550 prioritaires, ce circuit part de la rue Kheireddine, connue sous le nom de Bab Eznaïez, tout en bas de la médina, passe par la place de la Touta et la place El Bradiia, avant de se ramifier en deux chemins, l'un du côté de la grande mosquée et l'autre de celui de la mosquée hanafite, qui se rejoignent ensuite, tout en haut de la vieille ville, au niveau de la Kasbah. La réalisation du projet en est à sa première étape, celle du pavage de la rue Kheireddine. Il est également prévu de procéder au réaménagement des façades et de l'éclairage tout le long du circuit, pour donner un aspect homogène à la rue. L'étude menée par l'architecte Inchirah Hbabou permettra, tout en respectant l'ancienne vocation de la médina, de l'adapter à sa nouvelle dynamique. La rénovation de la place de la Touta et de celle d'El Bradiia inclue l'installation de bancs et d'espaces verts, pour rendre à la fois pratique et agréable le passage des habitants et des visiteurs. Ces derniers pourront en même temps découvrir les spécificités culinaires et les produits du terroir de la ville, dont l'exposition et la vente seront encouragées dans les commerces longeant le circuit. Une future collaboration avec une agence de voyage de la place permettra aux touristes tunisiens et étrangers de visiter ce circuit l'année durant. Activités culturelles de l'ASM de Béja Pour conférer à la médina la place qu'elle mérite dans le paysage culturel de la ville, il est normal d'œuvrer à la faire connaître et de mettre en avant ses spécificités. L'équipe de l'ASM de Béja, présidée par M. Abdelmajid Kalaii et dont le bureau se compose de huit membres, organise différentes activités dans ce but. En plus de la gestion du musée des arts et des traditions de la ville, ouvert à la visite et contenant des pièces et des expositions datant de plusieurs époques, l'ASM de Béja organise couramment des conférences et des rencontres sur des thèmes en liaison avec l'histoire de la ville et ses figures historiques. Le mois de mai de chaque année correspond au mois du patrimoine. Sa dernière édition a connu plusieurs activités dont une conférence donnée par le Dr Kamel Omrane, sur l'importance de la préservation du patrimoine, la projection d'un documentaire sur la ville de Béja, une exposition de peinture de Ibrahim Boughanmi et une exposition de photographie de Walid Talmoudi, la kharja de Sidi Boutaffeha et une visite à la Kasbah, en plein réaménagement, et dont la place va désormais accueillir les spectacles du festival d'été de Béja. L'association est également très active sur Internet. Le mois du patrimoine a été couronné par un jeu en ligne où il s'agissait de deviner le nom des monuments à partir de leurs photos d'époque. Le site web de l'ASM de Béja (asmbeja.voila.net) contient toutes les informations sur la médina et sur l'activité de l'association, dont sa collaboration culturelle avec d'autres organismes locaux et nationaux. Elle se fait aussi connaître via le réseau social facebook où, en plus d'un groupe qui lui est dédié, M. Fouad Slim, chargé de la documentation et des relations extérieures de l'association, crée des groupes sur des thèmes comme le Ramadan, agrémentés par des photos et des vidéos de la vie culturelle de la ville. L'activité et la vocation de l'ASM de Béja et de toutes les ASM viennent prouver que le passé, le présent et l'avenir sont une longue suite qui digère mal les coupures et les interruptions. Elles prouvent surtout qu'il y a encore beaucoup à faire pour que la médina redevienne ce qu'elle était. Parce qu'on récolte ce qu'on sème, il faut sauvegarder la Médina, c'est l'un des repères de notre identité ! S'il a fallu, pour voir naître une prise de conscience collective, que l'on se sente menacé dans cette identité à cause de phénomènes comme la mondialisation et la modernisation agressives, c'est peut-être tant mieux. En même temps, il faut développer une sorte d'immunité culturelle avant coup, susceptible de nous faire avancer dans la modernité, sans laisser s'effacer nos spécificités identitaires.