A nos amis qui nous reprochent de ne rien écrire à propos de Djerba, nous répondons qu'elle n'a pas vraiment besoin de nous pour faire connaître ses « mérites ». Mais, en hiver, même s'il n'est pas bien froid, le « Sud » exerce une véritable attraction sur tous ceux qui disposent de quelques jours de ... loisirs. Nous avons profité d'un week-end sur l'île pour nous y offrir une belle promenade, d'automne. Djerba la douce
Elle semble avoir été peuplée depuis la plus haute antiquité : d'après Homère – et les interprétations modernes ! –. Ulysse y aurait rencontré les « Lotophages » : la population berbère autochtone qui a certainement intégré des influences égyptiennes d'abord, puis phéniciennes, grecques et enfin carthaginoises. Si Hérodote l'appelle l'île de Phla, les Puniques la nomment Meninx, comme la ville qu'ils y fondent. Les Romains, qui ont eu des contacts avec l'île dès les Guerres Puniques, semblent s'y installer vraiment dans les premières années de notre ère. Mais l'origine du nom Girba, dont dériverait l'appellation actuelle : Jerba, est encore controversée et semble remonter aux IIème – IIIème siècles après J.C. Les Vandales puis les Byzantins n'ont pas laissé de traces prestigieuses dans l'île. Il semble que les armées musulmanes prennent Jerba vers le milieu du VIIème siècle et que son « islamisation » se serait faite durant la 2ème moitié de ce siècle. Pourtant, dès le VIIIème siècle, le rite des Kharijites s'implante dans la population qui devient ibadite. Puis, pendant plus d'un millénaire, Djerba subit les assauts et les occupations de toutes les armées victorieuses des pays méditerranéens. Les Fatimide locaux puis les Normands de Sicile, et les Espagnols durant des siècles jusqu'à ce que le corsaire Darghouth les chasse définitivement de l'île, l'ont attaquée et ravagée malgré la résistance souvent héroïque des Djerbiens. C'est au XVIIème siècle que les beys ottomans mouradites puis husseinites établissent une administration cohérente sur l'île où le pouvoir local revenait aux familles puissantes des Ben Ayed et Ben Jelloud. C'est vers la fin de Juillet 1881 que les troupes françaises sont venues occuper, après avoir bombardé l'île, le fort d'Houmt Souk. Tout a été écrit sur l'île où « Le climat est si doux qu'il empêche de mourir ». Les « insulaires » ont créé, par leur travail, un substantif : le « Jerbien ». L'architecture des « menzels » allie le fonctionnel à l'élégance. L'amabilité et la tolérance de la population a fait prospérer une importante et très ancienne communauté juive. L'agriculture, pratiquement bio de tout temps, a reparti les palmiers le long du littoral, les vergers et les cultures maraîchères dans les parties hautes au centre de l'île et les oliviers entre ces deux zones. L'artisanat, la poterie en particulier, remonte à la nuit des temps. La mer, particulièrement féconde dans le golfe de Syrtes, a été rationnellement exploitée. Très tôt, l'île s'est ouverte au tourisme moderne. On peut très bien ne pas l'apprécier mais on ne peut nier qu'il ait donné un « coup de fouet » bénéfique à l'économie d'une île qui n'était pas naturellement favorisée. Souhaitons qu'on en limite les excès.
Promenades
Pour cette fois, nous avons entrepris une grande promenade dans une région qui va du phare de Tourgueness à Aghir puis à El Kantara, remonte ensuite vers Sedouikech et se termine près de Midoun. Nous avons pris la direction d'Aghir en regrettant de ne plus pouvoir admirer la lagune El Bahr Esseghir à cause des nombreux hôtels qui bordent le littoral. « La petite mer » était fermée naguère par une île, couverte aujourd'hui par un hôtel. Il faut interroger les Djerbiens pour retrouver la coupole du marabout Sidi Essahabi, les vestiges des jardins « Janet Boufer », le mausolée consacré à Lella Hadhria et ce qu'il reste du charmant petit port d'Esseguia. On peut aller faire un petit tour au Ras Rogga qui peut s'appeler aussi Sidi Garous en mémoire d'une Koubba consacrée à ce saint personnage, « patron » des pêcheurs de « garous » : le loup de mer ! A voir les sentiers sablonneux s'effacer et les vestiges romains s'ensabler, il semble que le « tourisme culturel » ne fasse pas recette. Tant pis ! Dépassons les villages d'Arkou puis celui de Hdada peuplé, paraît-il, par des pêcheurs venus des « Biben », voisins de la frontière. A Aghir, on a flâné au mausolée : Maamouret Aghir qui guérit, dit-on, les maladies de peau, au port moderne puis à l'ancien fort « turc » du XVIIème siècle. Puis on a continué vers le bourg d'El Kantara. Nous n'avons pas osé, faute d'un véhicule 4 x 4, aller par le chemin : Triq Ejmal jusqu'à Borj Gastil, construit au bord de l'eau par les Espagnols. Cette citadelle massive fut restaurée à plusieurs reprises. On aurait aimé aller jusqu'à la Koubba de Sidi Marsil – qui s'appelait peut-être Marcel ! – toute proche. Il est connu pour guérir la stérilité des femmes.
Les vestiges antiques
Meninx s'étendait de part et d'autre des routes menant à El Kantara et Sedouikech. A voir les vestiges dégagés, on peut regretter que les fouilles ne soient pas plus importantes pour mieux mettre en valeur ce qui fut une cité prestigieuse fondée au IIIème avant J.C. par les carthaginois. Ici, plusieurs époques de l'histoire du pays se superposent. Les hypogées puniques, les thermes romains à proximité de grandes citernes, un ensemble d'éléments magnifiques appartenant à ... un temple proche de l'agora ou du forum, un établissement fabriquant du Garum : jus de poissons salés et un autre de la pourpre. Au bout de la rue, se dressent El Kantara et son petit fort, dont les soubassements sont peut-être les plus anciens de ceux des forts de l'île. Ensuite, on est remonté, lentement, en direction de la « basilique-mosquée » : Jamaa Harat Ouirsighen. En direction d'Henchir Ghardaia, on rencontre un petit fort romain puis les vestiges d'un mausolée consacré à Lella Thala qui guérit le trachome et son arbre sacré. En continuant vers Sedouikech, avons-nous écrit, nous nous sommes arrêté à la pittoresque mosquée rupestre : Jamaa Louta qui pourrait dater du XIIème ou du XIIIème siècle. En sortant de Sedouikech, vers l'Est, nous sommes allés jusqu'au Ksar El Ghoula : le château de l'ogresse ! et nous nous sommes extasiés devant l'élégance de Jamaa Maghzel puis nous sommes revenus vers le monument, restauré récemment, consacré à Sidi Salem Satouri. A Sedouikech, nous avons consacré une brève visite à la mosquée dont la restauration a été réalisée au détriment d'un monument original : un atelier de tissage au toit voûté et incliné. Nous étions impatients, le temps s'écoulant trop vite à notre avis, d'aller visiter les vestiges du grandiose monument érigé à Henchir Borgou. Il s'inscrit sans doute dans la tradition « berbero-punico-méditerranéenne » présente dans l'architecture du magnifique « mausolée » de Dougga. A partir de Sedouikech, tout le monde vous indiquera comment aller à la « Tour Bettès » à un kilomètre environ vers le Nord. On pouvait y surveiller tous les alentours. Nous ne fournissons que très peu de détails parce que nous écrirons bientôt un autre article dans lequel nous décrirons aussi les alentours de Midoun. Les personnes qui aimeraient bien connaître Djerba liront avec intérêt le « Nouveau guide pratique de Djerba ; L'île des rêves » de Kamel Tmarzizet ; distribué par « Nobis » et « Jerba, Perle de la Méditerranée » du Professeur géographe Hédi Ben Ouezdou.