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Quand la peinture exulte
Publié dans Le Temps le 04 - 06 - 2016

" Je crois en la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité
absolue, de surréalité, si l'on peut dire." André Breton
Fatma Ben Slama vous ouvre les portes de son univers singulier, beau et tout palpitant de cette vie qui l'habite et l'anime. Elle feuillette les pages d'un livre de contes merveilleux où se côtoient personnages oniriques, personnages étranges, sortis d'un récit fantastique. Quand votre regard se pose sur un tableau, il ne saura pas s'arrêter car mille détails minutieusement peints le happent, le fascinent, l'hypnotisent.
Renoncez à déchiffrer la toile, à la lire comme vous en aviez l'habitude, vos repères vont voler en éclats. Vous voilà, dérouté et émerveillé par un imaginaire débordant, riche à se demander dans quel océan l'artiste puise ce foisonnement de signes. L'artiste se joue de toutes les règles, de toutes les conventions et vous montre tout ce qu'on vous cache, tout ce que l'on tait, tout ce que l'œil ne peut percevoir ou deviner. Vous verrez le monde non tel que vous le percevez, mais tel qu'il est, complexe et multiple. Le monde à l'envers, le monde dans tous ses états. Elle mêle rêve et réalité, hallucinations et illusions, le visible et l'invisible, le palpable et l'impalpable. Rien ne vous est caché, tout vous est dévoilé. Un monde à la mesure de tous les rêves possibles.
L'artiste se joue des mots aussi, les marie pour créer ce monde dans lequel elle nous entraîne et nous cédons à son appel avec émerveillement et délice. " Exist-en-ciel " se réfère à ce qui est vécu mais le jeu de mots confère à l'expression une dimension infinie, ouvre l'horizon à mille lectures, à mille sensations, à mille émotions. Le peintre prend de l'altitude et accède au firmament. Un ciel peuplé de ses rêves, de son univers, de ses personnages qui serait le miroir d'un réel multiple.
Vous verrez des femmes se mouvoir dans un espace pluri dimensionnel, aux corps changeants, à l'œil souvent exorbitant. Personnages aux multiples facettes, désarticulés, comme des marionnettes mues par des mains invisibles. Sont-ils l'incarnation d'une réalité amère qui fait des êtres des personnages mécanisés? Le contexte actuel transforme-t-il l'homme au point d'en faire un pantin ? Comme un théâtre de l'absurde, Fatma Ben Slama tient les ficelles d'un monde qui oscille entre l'étrange et le fantastique. Un monde onirique né de l'imaginaire débordant et de la palette d'une artiste de talent.
Des couleurs chatoyantes, mille signes, une grande maîtrise de l'espace, une peinture qui exulte, tout mobilise les sens et la pensée. L'artiste nous entraîne là où nous perdons nos repères, où nous nous perdons avec délice, avec étonnement, avec interrogations, dans l'envers du décor, car elle nous dérange, nous exhorte à la réflexion, nous pousse à appréhender la toile différemment, avec un regard nouveau, à lever le voile sur un univers qui interroge et émerveille.


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