L'initiative du président de la République pour la formation d'un gouvernement d'union nationale contribuera t-elle à mettre en sourdine la crise qui secoue le parti de Nidaa Tounes ou, au contraire, à y réveiller les vieux démons de leadership ? Amputé d'une trentaine d'élus au profit du bloc Al Horra qui représente, désormais le parti de machrou3 Tounes initié par Mohsen Marzouk, le bloc de Nidaa à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) s'est vue régresser à la deuxième place loin derrière le parti Ennahdha. Or au moment où l'on s'attendait à une forte dégringolade, voire carrément sa désagrégation, le parti de Nidaa semble renaître de ses cendres sous la houlette de Hafedh Caïd Essebsi qui monte et replonge au gré des événements. En effet, après une montée spectaculaire lors du congrès des 10 et 11 janvier 2016 à Sousse, le «Fiston » a été mis en minorité et a été jugé comme étant responsable de tous les maux du parti et de la débandade qui a marqué ses rangs suite à la multiplication des départs, des gels d'adhésions et autres déclarations incendiaires visant le fils du chef de l'Etat. Puis il y a eu le nouveau revirement avec l'élection de Sofiène Toubel à la tête du bloc de Nidaa, proche de HCE, amenant avec lui la disgrâce pour Ridha Belhaj, ancien homme fort et de Nidaa et du Palais présidentiel de Carthage. Et maintenant avec l'annonce de l'initiative de son père pour un gouvernement d'union nationale, Hafedh Caïd Essebsi revient au devant de la scène et certains le font passer pour l'homme incontournable capable de faire la pluie et le beau temps au sein du parti. En effet, il semble qu'en sa qualité, désormais, de chef suprême et unique du parti, c'est lui qui mène les négociations avec les dirigeants des autres partis, notamment ceux de la coalition au pouvoir. Or, c'est justement sur ce terrain que les choses ne semblent pas aller comme il le désire. Alors qu'il multiplie les manœuvres pour pousser son « poulain », en la personne de Slim Chaker, actuel ministre des Finances, vers l'entrée au Palais de la Kasbah, Ennahdha aurait vu d'un mauvais œil cette approche. D'un côté, Rached Ghannouchi et son parti ne semblent pas tout à fait d'accord pour que le chef du futur gouvernement soit, indiscutablement, de Nidaa. Une personnalité indépendante ayant l'aval et la bénédiction des différents partis politiques ferait l'affaire. Sans oublier que des bruits ont couru, faisant état d'un clivage entre le Cheikh et HCE. Ce dernier lui ayant fait croire que la proposition de Slim Chaker émane directement du « père », ce qui s'est avéré faux. Mais il n'y a pas que cela. Une autre personnalité, de Nidaa Tounes, cette fois-ci, est entrée en ligne. Il s'agit de Nabil Karoui, directeur général démissionnaire de la chaîne de télévision Nessma, qui aurait des prétentions sérieuses sur le poste de chef du gouvernement. Ni plus, ni moins ! On le présente, d'une manière trop « téléphonée » comme «étant l'homme le mieux placé pour s'installer au Palais de la Kasbah. « Ami de Rached Ghannouchi, grand homme de communication, détenteur d'un carnet d'adresses bien fourni au niveau des relations internationales et, bien entendu, avec la légitimité d'être un des membres fondateurs de Nidaa ». Mais, apparemment taclé par le fils du président de la République, Nabil Karoui a multiplié les déclarations, dont la dernière en date est celle faite hier à Mosaïque FM où, tout en se disant désintéressé du poste de chef du gouvernement, il a lancé des critiques acerbes à HCE. Tout d'abord, il n'a pas complètement nié l'interdiction de sa participation par Hafedh Caïd Essebsi à la réunion de la Coordination des partis au pouvoir. «Les faits ont été exagérés », a-t-il, tout de même reconnu, avant de passer à une critique contre la situation à Nidaa, plus précisément contre HCE qui, pour des considérations d'ordre moral, « n'aurait pas dû mener les négociations au nom de Nidaa avec les autres partis car cela embarrasse toutes les parties intervenantes, plus précisément son père », selon ses propres termes. L'ambiance n'est donc pas au beau fixe entre les deux dirigeants de Nidaa. Et dire qu'il n'y a pas longtemps, la même chaîne Nessma TV avait arrangé la fameuse interview de HCE accordée à Borhane Bsaïes, une interview sur mesure pour descendre en flèches Mohsen Marzouk qui, soit dit en passant, adopte, ces derniers temps, un profil bas et se montre trop discret Les proches des deux hommes, amis d'hier, assurent que « les ambitions démesurées prêtées à Nabil Karoui se heurtent au comportement qualifié d'unilatéraliste du « Fiston » qui ne manque pas, lui non plus, d'ambitions alors que son seul atout est d'être le fils du fondateur de Nidaa et actuel président de la République. Mais il n'y a pas que Nabil Karoui qui « clashe » HCE. Boujemâa Remili, une figure de proue de Nidaa, a critiqué, sur le fond, et le parti et Caïd Essebsi fils. Et dire que certains parlent d'une reprise par Nidaa de sa première place avec un bloc de pas moins de 71 députés, mais sans donner de détails concrets sur le comment de cette remontée d'une nouvelle douzaine d'élus à l'ARP. En tout état de cause, ce forcing effectué par le clan du Fiston au sein de Nidaa est à double tranchant, selon les observateurs, dans la mesure où cela peut lui permettre de retrouver son aura et une première place de prestige. Mais gare au jeu caché d'Ennahdha qui compte, lui aussi, profiter de cette aubaine qui le fait remonter à la surface avec le rêve de reconquérir une bonne partie du pouvoir.