Le Congrès du « Projet Tunisie » ou « Machrooû Tounès », démarre en tintamarre en annonçant bien des couleurs dont la « Non-invitation » du parti islamiste Ennahdha à l'ouverture protocolaire du congrès... ça me rappelle un peu les dissertations des grands communicateurs de profession qui classent l'événement dans le non-événement autour d'un détail qui fait la différence et M. Mohsen Marzouk semble l'avoir voulu et fait délibérément. Pourquoi ? D'abord, pour donner le ton pas seulement à « son » congrès mais aussi au nouveau parti né d'une scission avec Nida Tounès lézardé et fracturé de toutes parts depuis un certain congrès de Sousse. M. Marzouk qui n'est pas né de la dernière pluie, et qui a fait en partie, la campagne de 2014 qui a porté Nida Tounès et son président, M. Béji Caïed Essebsi au pouvoir, mesure à quel point la déception est grande chez les nidaïstes marginalisés et frustrés d'une victoire amplement méritée sur le terrain mais inachevée. C'est, d'ailleurs, ce sentiment de laisser pour compte en mettant hors circuit gouvernemental et décisionnel les soupapes principales du parti Nida, qui a précipité la fracture du parti pourtant vainqueur aux législatives avec une marge peut être pas transcendante, mais respectable et confortable. Par ailleurs, M.Marzouk qui connaît bien la machine Nida de l'intérieur et son électorat, essentiellement bourguibien, totalement acquis à la modernisation et à l'identité spécifique tunisienne avec un rejet viscéral de l'islamisme politique salafiste et radical, protégé et entretenu discrètement par Ennahdha malgré les velléités réformistes du cheikh Rached Ghannouchi et ses jeunes lieutenants comme Lotfi Zitoune et Zied Laâdhari, sait aussi qu'il a, là, un grand coup à jouer pour récupérer les masses compactes des Tunisiennes et des Tunisiens totalement abasourdis et démobilisés et même « dégonflés » (à l'image d'un pneu hors d'usage), de voir les islamistes « ressuscités » politiquement avec même un ascendant au gouvernement, malgré leur représentativité symbolique en son sein ! Qui aurait pu croire que le parti islamiste serait « remonté » de cette manière aussi bien en volume structurel que médiatique, alors que les électeurs ont répondu en masse à l'appel du futur président de la République, M. Béji Caïd Essebsi pour « rééquilibrer » le paysage politique, marqué par l'hégémonie d'Ennahdha et dérivés du temps de la sainte « Troïka » !! Or, le constat est affligeant pour les Nidaïstes cramponnés encore à ce parti de tous les miracles puisque déclaré vainqueur à deux élections majeures, la présidentielle et les législatives, à peine deux ans après sa création ! Par conséquent, ce ne sont pas les structures encore en herbe et fragiles parce que récentes du Nida qui ont fait la différence en décembre 2014, mais toute la culture politique néo-destourienne et bourguibienne exclue aux premières élections de 2012 et qui s'est recyclée au Nida en grande majorité en attendant des jours meilleurs ! Or, ces jours ont tardé à venir et la confusion s'est installée dans beaucoup d'esprits de l'électorat bourguibien devenu « nidaïste » par adoption, ou par nécessité quand les islamistes ont refait surface et en force du fait de l'effritement de la nomenclature et du sommet de Nida Tounès. Par conséquent, M.Mohsen Marzouk veut brasser large, chez les bourguibiens, les modernistes et même les néo-destouriens attachés à cette Tunisie méditerranéenne forgée par sa longue Histoire aux valeurs de la tolérance, de la modération, de la joie de vivre, et surtout rebelle à toutes les tutelles obscurantistes de l'Orient wahabite et Frères musulmans. Maintenant, il faut savoir aussi qu'un parti qui aspire au leadership ne peut pas se contenter de la seule « stratégie de sanction » populaire, qui profite de la déception et de la démobilisation des troupes de la modernisation nidaïste pour « Etre » ! Il faut, quand même, beaucoup plus que cela, à savoir la qualité des programmes et des hommes et femmes, qui le composent et qui aspirent au leadership. Attendons pour voir! Nous y reviendrons en temps opportun. Mais, déjà, attention aux contradictions de départ. M. Marzouk comme le Nida fin 2014 ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre ! Il ne peut pas être moderniste, bourguibien, de gauche et jouer la diplomatie secrète et les contacts sous-terrains avec les « islamistes » plus conservateurs que jamais et pour preuve le Conseil de la Choura et sa direction ! Les Tunisiens ont soif de transparence. Et si elle ne vient pas du côté de « Machrooû Tounès », il passera à côté, tout comme Nida Tounès, à un certain moment ! Il arrive un moment comme le dit le proverbe chinois qu'on ne peut pas tromper tout le monde en même temps et plusieurs fois! K.G