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«Il n'y a pas d'antidotes face à la montée du terrorisme. Et c'est le réel danger»
Publié dans Le Temps le 24 - 07 - 2016

Il faut changer le ministère de la Culture et non pas le ministre
Taoufik Jebali, l'un des piliers du théâtre tunisien et fondateur du premier théâtre privé de la Tunisie, El Teatro, est notre invité pour la rubrique hebdomadaire du Temps.
Au cours de cet entretien, nous sommes revenus avec le dramaturge sur les dernières évolutions de la scène nationale et sur les dossiers les plus brûlants de l'actualité.
-Le Temps : Les attentats sont devenus monnaie courante dans le monde entier. Après l'attentat de Nice, l'ambassadeur de la Tunisie en France à appelé les médias à arrêter de spécifier que le terroriste est d'origine tunisiennes. Comment évaluez-vous cet appel ?
Taoufik Jebali :L'ambassadeur a fait son travail en démontrant son sens du patriotisme. Même s'il n'est pas convaincu de ce qu'il avance, il n'a pas vraiment trop le choix. Je pense que tout cela n'est pas important, le terrorisme a une signature aujourd'hui.
Le plus important dans tout cela c'est l'environnement dans lequel sont en train d'évoluer ces individus. Les autres civilisations sont déjà passées par leur période, aujourd'hui, c'est à notre tour de le faire. C'est au tour des peuples marginalisés, pauvres, ignorants et fanatiques d'aller vers le pire. Si vous me dites quels sont les antidotes face à la montée de ce fléau, je vous répondrai que c'est cela même le réel danger, le fait qu'il n'existe aucune autre alternative.
-En Tunisie, et aux lendemains des attaques terroristes, on nous parle souvent de la ‘la lutte culturelle contre le terrorisme'. Qu'en pensez-vous ?
C'est un slogan vide de tout sens. Vous parlez de culture pour contrer le terrorisme ? D'accord. Venez que l'on applique tout cela. Quelles sont les bases sur lesquelles on partira ? Quel environnement, là encore, allons-nous créer ? L'environnement dans lequel nous vivons aujourd'hui est un environnement propice au terrorisme, à l'obscurantisme, au racisme, au sexisme etc. Nos artistes viennent aussi de cet environnement là. Quand vous suivez un peu ce qui se dit à la télévision, au théâtre ou encore les paroles des chansons, vous arrivez à cette conclusion. Comment ces mêmes personnes pourraient donc combattre l'extrémisme ? L'extrémisme commence à s'ancrer en nous dès le noyau familial – les relations des enfants avec leurs pères – pour se renforcer par la suite au sein de nos écoles, etc.
Vous voulez que l'on lutte contre le terrorisme grâce à la culture ? D'accord. Mais avant cela, faisons un inventaire des œuvres artistiques de haut niveau adoptées par la masse. Quelle est la référence artistique de notre peuple ? Quelles sont les valeurs portées par nos artistes aujourd'hui ? Ceux qui devraient porter le drapeau de la culture ont, eux-mêmes, besoin d'une mise à jour ! Il suffit de jeter un coup d'œil sur la programmation de nos plus prestigieux festivals pour comprendre que tout cela n'a aucun sens.
-Depuis l'avènement de la révolution, le ministère de la Culture a vu plusieurs personnes tenir ses rênes. Est-ce cela qui a fait empirer la situation de ce ministère connu pour être déjà compliquée?
Rien n'a changé. Le premier ministre qui y a été nommé au lendemain de la révolution a fait appel à quelques-uns pour une petite réunion. A l'issue de cette rencontre, je lui avais laissé des propositions présentées en dix points.
Après les avoir lues, il m'a exprimé son admiration des propositions et m'a assuré qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir afin de les appliquer.
Le ministre qui lui a succédé avait fait exactement la même chose et j'attends toujours que quelqu'un me contacte pour me parler du sort de ces propositions. Les vraies réformes sont connues, rédigées et bien rangées au fond des tiroirs. Il n'existe aucune volonté politique.
Et quand je parle de l'inexistence d'une volonté politique je ne vise pas certains projets sociétaux bien déterminés ; même ceux qui ont envie de transformer la Tunisie en une copie de la Somalie n'ont pas la volonté politique suffisante pour arriver à le faire. Même ceux qui veulent transformer la Tunisie en un pays islamiste n'ont pas la volonté politique pour le faire.
Du coup, aujourd'hui, la Tunisie n'est ni un Etat islamiste ni un Etat civil ni rien. Nous sommes devenus un pays sans âme : nous avons des routes, des ponts, de l'eau potable, de l'électricité, mais n'avons pas d'âme. Il nous reste une petite mélancolie mais qui est elle-même un mensonge. Quand nous sommes dos au mur, nous retombons dans cette nostalgie mensongère.
-En parlant de nostalgie, on a l'impression que Bourguiba n'a jamais été aussi présent qu'il ne l'est ces deux dernières années. Pourquoi selon vous ?
Au cours des premières semaines ayant suivi le 14 janvier 2011, un vendeur ambulant de légumes avait affiché une pancarte sur sa camionnette qui indiquait que ‘celui qui n'a pas les moyens d'acheter peut en prendre à volonté'.
Donc, celui qui n'a rien à vendre peut vendre les mirages. Je n'ai aucune mélancolie pour l'ère de Bourguiba. Quand Bourguiba était au pouvoir, nous avons vécu la pauvreté, l'injustice, le système policier, la marginalisation, l'humiliation de l'Université, de l'Etat... Bourguiba humiliait l'élite du pays au vu et au su de tout le monde. Cette mélancolie exagérée démontre le vide dans lequel vit notre société. Ces personnes mélancoliques de Bourguiba n'ont rien d'autres à donner.
Cela s'applique aussi à ceux qui expriment leur regret pour le régime de Ben Ali ; je trouve cela normal de la part de quelqu'un qui avait, au cours de cette même période, un statut et des privilèges bien particuliers.
-Oui mais depuis la détérioration de l'économie, certains commencent à exprimer ces mêmes regrets sans pour autant avoir été impliqués, dans le passé, avec le régime de Ben Ali.
Oui c'est une réaction normale parce que ces mêmes personnes n'ont gardé en tête que les impressions imaginaires qu'a laissées Ben Ali. On a tendance à oublier que sous ce régime là, nous avons connu le régionalisme, la corruption, la dictature policière, l'humiliation et toute forme d'injustice. Aujourd'hui, tout cela nous le vivons à l'étalage. Nos valeurs n'ont malheureusement pas changé.
-Après un mois de discussions, les parties prenantes aux concertations relatives à l'initiative du président de la République viennent de signer l'Accord de Carthage et l'initiative est entrée dans sa seconde phase. Que pensez-vous de cela ?
Je ne suis pas au courant. Il existe deux choses qui ne m'intéressent pas; le monde du football et celui de la politique. Pour moi, les dés sont jetés. Nous sommes un peuple politiquement inculte ; nous ne lisons pas les livres d'histoire, de philosophie, les romans etc. De ce fait, l'espoir de les voir, un jour, émerger et aller vers le mieux est inexistant.
A part les inaugurations des cérémonies et des festivals officiels, avez-vous jamais vu un commis d'Etat assister à un spectacle ? Quand on parle de l'alternative culturelle alors que nous avons des ministres de la Culture qui ne se sentent pas concernés par la culture, comment voulez-vous que l'on s'en sorte ?
Ils occupent un poste honorifique pour s'amuser et puis c'est tout. J'ai demandé à l'un de ces ministres pourquoi il n'assistait pas aux spectacles théâtraux, il m'a répondu que cela le mettrait dans une position délicate vis-à-vis des autres dramaturges vu qu'il sera obligé d'assister, aussi, à leurs spectacles. Ceci est la preuve formelle de l'inexistence d'une alternative.
-La ministre de la Culture actuelle est elle-même artiste et a donné quelques contributions à la scène culturelle tunisienne. Cela n'a rien changé ?
Le problème n'est pas lié aux personnes que l'on nomme à la tête de ce ministère, le problème est lié directement au ministère ! Il faut changer le ministère et non pas le ministre !
-Etes-vous de l'avis de ceux qui disent que le ministère de la Culture devrait être supprimé ?
Non. Il faut changer les mécanismes avec lesquels foctionne ce ministère. Le ministère de la Culture est le ministère rassemblant le moins d'élite ; le ministère de l'Intérieur bénéficie de plus d'élite que celui de la Culture. C'est pour cela que seul le ministère de l'Intérieur est en train de combattre le terrorisme.
Celui qui devrait indiquer le fond de la citoyenneté est l'artiste. J'ai toujours l'impression d'être un citoyen d'un deuxième rang ; bien que je ne prenne ni le bus ni le métro, j'ai toujours l'impression, même quand je suis chez moi, d'être agressé par quelque chose. Il suffit que je descende d'un avion dans un pays qui se respecte pour que je me sente un citoyen à part entière. C'est un sentiment constant.
-Quelle est votre évaluation des salles de cinéma, des maisons de jeunes et des centres culturels étatiques ?
Je n'y mets pas les pieds. Ma présence même dans une salle de cinéma peut être suspecte. Généralement, celui qui va dans une salle de cinéma le fait pour d'autres pratiques. J'ai donc honte d'y aller parce que j'ai peur pour ma réputation.
-Les espaces comme El Teatro sont-ils devenus une alternative face à l'état désastreux des espaces culturels étatiques ?
Il existe, en effet, une nouvelle activité dans ce sens ; les centres culturels privés sont en train de s'installer un peu partout dans le pays. Toutefois, il n'existe pas encore la continuité et le suivi qui sont pourtant obligatoires. Pour El Teatro, il ne faut pas oublier qu'il existe depuis trente ans : cet espace a su construire une identité et un réservoir. Cela nous a permis d'instaurer un climat de confiance avec nos habitués. Nous bénéficions d'une certaine immunité. Là encore, il existe un important décalage entre les efforts et les moyens que nous mettons en place et les retours qui nous parviennent. Je rêve du jour où El Teatro n'existera plus. Mais, pour le moment, et à part continuer à travailler, je n'ai aucun autre choix.
-Vous nous renvoyez vers un malaise, que certains qualifient même de conflit de générations, qui existe entre les ‘anciens piliers' et les nouveaux « loups » qui ne cessent de dire que vous autres êtes en train de saboter leurs travaux.
Celui qui sort ce genre de phrase ne peut pas être un vrai artiste. Ceux qui se disputent les places sont les vendeurs ambulants dans les souks et non pas les artistes. L'art ne peut pas être limité par l'âge. C'est une honte de sortir ce genre ‘d'argument'. Parler d'accaparation de la scène relève de la mentalité d'un ‘khobziste'.
Cela nous donne justement une petite idée sur les mentalités et l'esprit de ceux qui travaillent dans ce domaine. Ils ne débattent pas des idées de fond des travaux, des références ou d'autres choses, ils éprouvent tout bonnement du dépit à l'encontre de ceux qui ont su avancer dans ce qu'ils font. El Teatro n'a pas besoin de rendre des comptes à qui que ce soit vu que c'est l'espace le plus ouvert et qui reçoit le plus de jeunes.
-Donc ce n'est pas un conflit de générations, selon vous.
Même si c'en est un, on ne peut faire ses preuves que grâce aux travaux que l'ont produit. Le théâtre ne demande rien en termes de moyens. Qu'ils viennent vers moi avec une réelle alternative ! Dans le monde des Arts, tant que les valeurs sont existantes, tout le monde peut cohabiter indépendamment de tout.
-Avez-vous suivi les œuvres ramadanesques de cette année ?
De par ma curiosité oui. Cependant, cela ne me concerne pas. Quand j'allume la télévision, je ne m'attends pas à ce que cela m'ajoute quelque chose. Je ne suis pas du tout dans les préjugés, c'est juste l'impression que j'ai.
J'ai suivi quelques œuvres qui étaient moyennes mais correctes et d'autres qui étaient moins correctes. En somme, ces personnes ont du potentiel. Je n'aime pas l'art socialisable parce qu'il devient trop général et stéréotypé. On zappe la profondeur et tout devient d'une superficialité dérangeante.
Rien que le label Ramadan est dérangeant. J'ai aussi vu beaucoup de clowns qui prétendent être acteurs. Ce qui m'attriste c'est que même les acteurs respectables se transforment en clowns pour les besoins du marché.
-Ont-ils le choix s'ils veulent survivre, matériellement parlant ?
Si l'on raisonne de la sorte, il vaudrait mieux alors changer de métier. Sinon, on doit assumer et dire clairement que l'on est dans le commercial sans se faire passer pour un philosophe.
-A côté, nous avons l'impression que le cinéma tunisien est en train de connaître une réelle évolution. Etes-vous d'accord ?
Les choses ne sont pas très différentes du côté du cinéma. Un peu mieux, peut-être. Surtout au niveau de la structuration et des techniques. Il faut travailler le fond parce que jusqu'à maintenant, nous ne cessons de tourner en rond sur fond de problématiques connues par tous et convenues par tout le monde.


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