A l'approche du congrès de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), l'homme fort de la puissante centrale syndicale Houcine Abbassi semble avoir beaucoup de mal à tempérer les ardeurs de ses lieutenants et à préserver un climat social apaisé. Les sit-in, préavis de grève et communiqués hostiles aux orientations stratégiques annoncées par le chef du nouveau gouvernement d'union nationale se multiplient et présagent une nouvelle confrontation entre l'exécutif et l'organisation qui compte plus de 800.000 affiliés. Traditionnellement combatifs, les syndicats de l'enseignement ont en effet fait entendre leur petite musique, à quelques jours seulement de la rentrée scolaire. La commission administrative sectorielle du syndicat général de l'enseignement secondaire a décidé, dimanche dernier, de suspendre les cours à partir du 21 septembre 2016 au cas où le ministère de l'Education ne révise pas ses décisions «abusives» relatives à l'arrêt des recrutements par le ministère de l'Education. Elle a aussi précisé que cette décision a causé une hausse du nombre des élèves dans une seule classe avec plus d'heures de travail pour les enseignants. Le syndicat dirigé par Lassaâd Yaâcoubi a également décidé de boycotter les mutations des professeurs du secondaire et d'organiser des rassemblements devant les délégations régionales de l'enseignement. Lundi, des centaines d'instituteurs ont organisé un rassemblement de protestation devant le siège du ministère de l'Education à l'appel de leur syndicat pour revendiquer l'accélération de la mise en œuvre des accords conclus avec le ministère de tutelle. Les revendications portaient notamment sur la prolongation de l'âge de départ à la retraite, le recrutement des instituteurs suppléants et l'activation de l'accord du 5 décembre 2015. Le secrétaire général du syndicat de l'enseignement de base, Mastouri Gammoudi, n'a pas manqué, à cette occasion, d'annoncer qu'une grève générale sera observée le 5 octobre prochain dans tous les établissements et commissariats de l'Education. Mise en garde Quelques jours auparavant, la commission administrative nationale de l'UGTT, qui regroupe les secrétaires généraux des syndicats généraux et des fédérations sectorielles rattachées à l'organisation, a mis en garde dans un communiqué le nouveau gouvernement, qui compte pourtant parmi ses membres deux anciens dirigeants de la centrale syndicale(le ministre des Affaires sociales Mohamed Trabelsi et le ministère de la Fonction publique Abid Briki), contre toute tentative de faire payer la facture de la détérioration de la situation économique aux salariés. «Nous mettrons en garde contre toute tentative de faire assumer la responsabilité de l'échec des politiques mises en œuvre par les gouvernements successifs aux salariés, aux chômeurs et l'ensemble du peuple», a indiqué l'UGTT en référence à la politique d'austérité annoncée par le nouveau gouvernement et qui se matérialisera par le gel des recrutements dans la fonction publique, le licenciement de plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires et la cession de plusieurs entreprises publiques. L'organisation a également recommandé au gouvernement à ne pas procéder à la privatisation des entreprises publiques et de soutenir plusieurs établissements en difficulté comme la Société tunisienne de sidérurgie El Fouladh et la Société tunisienne des industries de pneumatiques (STIP). Elle aussi appelé les autorités à mettre en œuvre les accords conclus entre les gouvernements précédents avec les syndicats conformément au principe de la continuité de l'Etat et à renoncer au gel des recrutements dans les secteurs de l'enseignement et de la santé. Des revendications qui sont, en somme, aux antipodes des mesures prises par le gouvernement ! Enjeux électoraux Selon certains observateurs, le ton frondeur qui se dégage du communiqué de la dernière commission administrative nationale de l'UGTT et les préavis de grève lancés par le syndicat de l'enseignement se situent dans le cadre d'une campagne électorale avant l'heure lancée par des candidats à la succession de Houcine Abbassi. Le 23ème congrès de l'UGTT prévu 22 au 25 janvier 2017 à Tunis sera en effet marqué par une succession à la tête de l'organisation est prévue. L'actuel secrétaire général n'a plus le droit, tout comme deux autres membres du Bureau exécutif national (Belgacem Ayari et Mouldi Jendoubi), de briguer un nouveau mandat conformément à l'article 10 du règlement intérieur, qui limite le nombre des mandats successifs des membres du Bureau exécutif à deux seulement. Cet article adopté lors du congrès extraordinaire de Djerba (février 2002), dans le sillage d'un tournant démocratique censé rompre avec les pratiques monocratiques de l'ère de l'ancien secrétaire général Ismaïl Sahbani, avait été déjà appliqué lors du congrès de Tabarka, quand neuf membres du Bureau exécutif dont l'ex-secrétaire générale Abdessalem Jerad avaient été contraints de passer le flambeau à une nouvelle génération de syndicaliste. La succession de Houcine Abbassi suscite déjà les convoitises à la Place Mohamed Ali. Plusieurs prétendants au poste de secrétaire générale de la puissante centrale syndicale se sont en effet lancés depuis plusieurs mois dans des campagnes électorales avant l'heure. Certains ont choisi de se placer sous les feux de la rampe médiatique en intensifiant leur présence sur les plateaux de télévisions et les ondes de stations radio tandis que d'autres ont misé sur un syndicalisme combatif en actionnant le levier des grèves et des rassemblements de protestation pour tenter de gagner la sympathie des bases et se mettre ainsi sur orbite.