Le déficit des caisses sociales qui ne cesse de s'amplifier d'une année à l'autre commence à faire des vagues. Alors que l'Etat se démène tant bien que mal pour continuer à verser les pensions de retraite, le syndicat des pharmaciens d'officine de Tunisie (SPOT) vient de tirer la sonnette d'alarme sur les risques d'effondrement de larges pans du système de santé en raison de l'assèchement des liquidités de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). Le secrétaire général de ce syndicat, Rached Garali, a annoncé dimanche que les pharmaciens d'officine pourraient suspendre la convention sectorielle les liant à la CNAM en raison du retard du remboursement récurrent auquel ils font face. «Nous songeons à suspendre la convention sectorielle qui nous lie à la CNAM dans le cadre du régime du tiers-payant, en raison des retards de paiement que nous rencontrons depuis de nombreux mois. Cette question sera débattue lors de l'Assemblée générale du syndicat prévue le 8 octobre», a-t-il déclaré sur les ondes de la radio privée Mosaïque FM. Et d'ajouter : « Selon une enquête menée par le syndicat, les sommes dues par la CNAM aux pharmaciens sont estimées actuellement à 45-50 millions de dinars et ce montant risque d'augmenter vu que l'ancien ministre des Affaires sociales nous a confié que la caisse n'aura pas les liquidités suffisantes pour rembourser les sommes dues aux prestataires de soins». M. Garali a également indiqué qu'il craint un effondrement de plusieurs maillons de la chaîne impliquée dans la distribution des médicaments étant donné qu'une bonne partie des sommes figurant sur factures que présentent les pharmaciens à la CNAM revient aux grossistes spécialisés et aux laboratoires pharmaceutiques. Selon nos informations, les pharmaciens ne sont pas les seuls à aire à face aux retard de paiement de la part de la CNAM. La quasi-totalité des prestataires de soins privés, comme les cliniques, les médecins de libre pratique, les biologistes et les kinésithérapeutes en souffrent. Du côté de la CNAM, on reconnaît ces retards de paiement des sommes dues aux prestataires de soins. Ces retards sont imputables au fait que la caisse ne reçoit pas ses parts des cotisations versées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et à la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS). Le montant global de ces parts non versées à la CNAM dépasse actuellement 1740 millions de dinars. Selon les données de la Directeur général de la sécurité sociale au ministère des Affaires sociales, le déficit comptable des caisses de la sécurité sociale risque d'atteindre 938 millions de dinars à la fin de l'année en cours et de grimper à 1326 millions en 2017. Le déficit des caisses sociales, qui ne cesse de se creuser au fil des années, s'explique essentiellement par les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies: vieillissement de la population, baisse de la fécondité, précarité de l'emploi, amélioration de l'espérance de vie, taux de chômage élevé, multiplication des plans sociaux et des licenciements pour des raisons économiques, hausse de la défaillance des entreprises... etc. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Ce ratio est passé de 10 actifs pour un retraité dans les années 80 du siècle dernier à 2,4 actifs pour un retraité actuellement.