Elle a le regard franc, sincère, chaleureux et surtout bienveillant. Elle a la larme facile mais elle sait mener son petit monde à la baguette, soit une main de fer dans un gant de velours. Monia Fersi Ben Kram consacre tout son temps aux enfants, à leur éducation et à leur bien-être. A chaque nouvelle étape de sa vie, elle se fixe un seul et même objectif: améliorer le quotidien des élèves que le hasard met sur son chemin et leur tracer la route pour un avenir meilleur. Mme Monia est la directrice de l'école primaire « La cité nouvelle » à la Marsa qui livre dans cet établissement scolaire un valeureux et courageux combat contre l'ignorance, l'inculture et l'incivisme, malgré un manque flagrant de moyens financiers. Mais grâce à sa volonté de fer, cette dame de cœur et d'esprit, entourée de plusieurs partenaires éducatifs et associatifs, a bravé tous les obstacles pour faire de son école un espace unique de savoir, de culture, de divertissement et d'engagement citoyen. Qui dit Marsa et Gammarth, dit banlieue nord, quartiers chics et villas cossues. Mais qui visite pour la première fois l'école « La cité nouvelle » sera rapidement rattrapé par la réalité et surpris de découvrir l'envers du décor, du moins à l'extérieur de l'établissement scolaire. A proximité, des cafés populaires, de petits magasins, de très modestes maisons et à l'arrière, une forêt, profonde, menaçante, dangereuse pour les enfants qui s'y réfugient souvent pour y fumer des cigarettes à l'abri des regards ou s'y cacher de leurs parents après une fugue. Monia Ben Kram en sait quelque chose puisqu'elle y va souvent pour ramener « ses » petits chez eux et leur faire entendre raison. La directrice considère en effet que tous les élèves de son école ainsi que leurs petits frères, cousins et amis sont ses enfants et elle se fait un devoir de veiller à leur attitude et à leurs bonnes manières même en dehors des heures de cours. Elle nous avouera que même ceux qui ont grandi et sont partis au collège restent les bienvenus dans l'enceinte de l'école et qu'ils y sont toujours chaleureusement accueillis. C'est que pour elle, l'école est bien plus qu'un lieu de savoir et d'étude. C'est aussi et surtout un lieu de partage de valeurs humaines et d'apprentissage de la vie. C'est pour ces raisons notamment qu'en partenariat avec différents acteurs de la société civile et associations dont « Tunisie recyclage » et « Un sourire pour tous » et d'un commun accord avec le corps enseignant, la directrice a opté pour l'installation, dans la cour, d'un recycleur de papier usagé ainsi que d'un conteneur servant à la collecte de bouchons en plastique. Une manière ludique de sensibiliser les petits à l'environnement et à la citoyenneté. Autre initiative aussi ludique que sympathique, les châteaux de sable. Consciente que, malgré la proximité géographique de la mer, plusieurs enfants n'ont pas la chance d'aller nager en été, principalement par manque de moyens financiers. « Si mes élèves ne vont pas à la plage, c'est la plage qui viendra à eux ! », dira Mme Ben Kram qui s'emploiera à ramener du sable de plage dans la cour, pour le plus grand bonheur des petits qui passeront une délicieuse matinée à construire des châteaux de sable, sous le regard bienveillant de leurs mamans. La directrice pense même installer une grande piscine gonflable au fond de la cour pendant les prochaines vacances estivales. Là où il y a volonté, il y a un chemin Si la majorité des élèves tunisiens ont repris le chemin de l'école en septembre, ceux de « La cité nouvelle » ne l'ont presque pas quittée de tout l'été. Recevant au cours de l'année scolaire précédente la circulaire du ministère de l'Education concernant les cours d'été, la directrice a voulu tenter l'expérience dans son établissement. Mais faute de disponibilité de la part des enseignants, Mme Ben Kram a failli se décourager, n'eût été l'intervention de l'Association « Kolna Tounes » et particulièrement la commission « Education », à leur tête Lamia Ben Zid et Soufia Guedda qui s'est engagée à proposer à ses membres d'assurer les cours de français pour les différents niveaux scolaires. Et c'est ainsi que sur 277 élèves inscrits à cette école, plus de 120 ont bénéficié de cours intensifs en langue française à raison de 2 séances hebdomadaires et en mathématiques. Bien que ne devant durer que deux heures, les cours se prolongeaient très souvent, pour une raison très simple et pourtant si stupéfiante. Les enfants ne voulaient plus quitter les bancs de l'école ! Parmi les bénévoles ayant participé à cette expérience, Wassim Jouini, un jeune franco-tunisien de 18 ans, vivant en France. Venu passer ses vacances d'été en Tunisie, il a choisi de consacrer une partie de son temps libre aux enfants. Hela Ben Hassine, professeur universitaire, s'est elle aussi embarquée dans cette aventure humaine qu'elle affirme vouloir renouveler à d'autres occasions. « Je suis ressortie enrichie de cette expérience. Côtoyer ces petits et leur transmettre une partie de mon savoir m'a procuré un bonheur immense. J'ai noué avec eux des liens spéciaux, uniques. Au fil des séances, nous avons appris à mieux nous connaître, à franchir les barrières et à créer une symbiose extraordinaire. Vivement les prochaines vacances pour d'autres cours de renforcement! », déclare-t-elle à ce propos. Kolna Tounes Pour Monia Ben Kram, les membres de l'Association Kolna Tounes, les enseignants et les élèves de l'école « La cité nouvelle », l'aventure n'est pas prête de s'arrêter et d'ambitieux projets et partenariats sont actuellement en cours d'étude. Tout a commencé, au cours de la précédente année scolaire, avec l'installation d'une bibliothèque au sein de l'école et le don de 700 livres dans le cadre de l'action commune avec l'Association française Biblionef. Kolna Tounes ambitionne actuellement de construire une salle polyvalente dans l'école qui servirait d'espace de récréation, de culture et de lecture aux élèves et même d'aménager un petit potager dans lequel les enfants pourraient planter des fruits et légumes qui leur serviront de goûter une fois bien mûrs. La directrice de l'école prévoit également, pour les élèves de sixième année, la création d'un conte à partir du vocabulaire acquis au cours des séances de français. Les élèves pourront ainsi participer à des concours nationaux et tenter de remporter d'importants prix. Autant d'initiatives, de rêves et de projets qui n'attendent que d'être concrétisés à coup d'effort, de volonté et d'ambition partagée. Et ce n'est qu'unis, petits et grands, main dans la main, que les éducateurs, parents et militants de la société civile assureront un meilleur avenir aux enfants et que le rêve deviendra réalité et que la Tunisie s'en sortira. L'éducation n'est-elle pas l'arme la plus redoutable contre tous les dangers qui guettent le pays ?