‘SéquenceS', est l'intitulé d'une exposition de deux artistes plasticiens : la Russe Olga Malakhova, docteur en esthétique, science et techniques des arts, et le Tunisien, artiste peintre, designer et scénographe Ali Fakhet. L'exposition a opté pour les cimaises de la galerie Saladin à Sidi Bou Said. Une beauté émouvante, une saveur de l'agencement des couleurs, distinguent les toiles d'Olga Malakhova. Les tableaux surgissent d'une belle palette avec des nuances assez subtiles. Des couleurs éclatantes, lumineuses, se juxtaposent sensuellement, submergent l'œil du spectateur, l'emportent dans une vague de délectation. Une concordance des formes et des silhouettes avec un savoir-faire artistique assez fin. Cette plasticienne a bien conjugué son héritage russe, sa sensibilité slave au patrimoine tunisien et à l'histoire carthaginoise. La fusion de deux cultures a accouché d'un précipité de beauté, de bonheur et de poésie, si singulier, si raffiné. Cette fois, l'artiste a bien évolué artistiquement. Elle a changé de style pictural. Une différence remarquable par rapport à ses anciennes expositions. Nous lui avons posé la question, elle a répondu : « Il y a toujours un début. J'ai 25 ans en Tunisie, et je pratique la peinture depuis longtemps. Donc c'est normal que je progresse, j'évolue avec l'expérience, même si mes sources d'inspiration demeurent toujours le patrimoine tunisien, l'art berbère, le tissage. Dans mes autres expositions, le motif était inspiré des tapis, des bandes, du klim de Gafsa. Cette fois, ça diffère légèrement au niveau de la construction de l'espace tunisien. Toute la série des tableaux est inédite, j'ai même changé la signature. Ce tableau « le baiser volé » matérialise l'attente rompue par un vol d'oiseau. Le plus important pour moi, c'est la composition et les couleurs. Je me suis inspirée du patrimoine, l'art berbère, de la céramique, des miniatures persanes. Je vais toujours au musée du Bardo, je m'inspire de la mosaïque, des stèles puniques. Justement, il faut puiser dans le patrimoine tunisien, il est très riche. La répétition est voulue, les couleurs sont en quelque sorte invraisemblables, il y a un certain prolongement de Paul Klee. La femme est dominante, elle est centrale dans tous les tableaux. Sa nudité n'est pas vulgaire, elle est pudique, poétique et généreuse avec ses formes, ses positions. Elle est le symbole de la fécondité, de la beauté, de la sensualité. C'est aussi un hommage à la femme tunisienne, à la Carthaginoise. Ici, l'espace pictural se compose de milieu aquatique (les poissons), de l'air et du sol, C'est la construction de l'espace paysagé à la manière de Paul Klee. Il y a le tissage, l'architecture, le paysage, les symboles. Je n'ai pas donné d'importance à la perspective, même si j'en suis spécialiste. J'ai focalisé sur la construction, la composition, l'éclatement des couleurs. » Quant à Ali Fekhet, ce plasticien a participé avec l'esthétique du dessin. Des portraits de femmes, des dessins de chevaux, ornaient les cimaises de la galerie. Une justesse des détails les plus infimes, une délicatesse des traits, un raffinement du regard, une expressivité épatante. En effet, cet artiste plasticien croit en l'importance de cette technique. Chacun devrait la maitriser, avant de se déclarer artiste plasticien ! Ce qui en réalité, n'est pas le cas pour beaucoup d'artistes plasticiens qui se contentent de la peinture et de l'art abstrait. « J'ai eu la chance d'étudier chez les grands de Tunisie, des maîtres de renommée à l'instar de Hédi Turki, Ben Mahmoud, Ben Mefteh... Ensuite, j'ai eu des expériences en Italie, toujours, cherchant les voies des grands maîtres dans l'histoire de l'art. Donc c'est vraiment un choix d'exposer juste des dessins, c'est comme une remise en évidence du dessin classique, non pas dans le sens « démodé » mais de « classe ». Il y a un hommage à des artistes célèbres tel que Toulouse Loutrek. J'ai opté pour le dessin pour mettre en évidence ce contraste avec mon amie Olga Malakhova qui expose en peinture. C'est comme un passage un peu silencieux d'une technique vers une autre. C'est en quelque sorte pour équilibrer d'un côté dessin et peinture coloriste de l'autre. Mes dessins sont aussi centrés sur la femme parce que je considère que cet être est symbole de la vie, de la reproduction, de la force. C'est le pilier de la société. Depuis longtemps, je travaillais sur la femme, mais aussi sur le cheval, ma deuxième source d'inspiration. J'ai déjà fait l'affiche du film de Nouri Bouzid Sabots en or à partir d'un tableau de cheval. »