Le Temps-Agences - Benazir Bhutto est de nouveau libre de ses mouvements au Pakistan, où un gouvernement intérimaire a prêté serment hier, tandis qu'un émissaire américain arrivait à Islamabad. Les membres de l'administration pénitentiaire ont quitté la maison de Lahore, dans l'Est, où la chef de file de l'opposition a été assignée lundi à résidence pour une semaine, à la veille d'une manifestation contre l'état d'urgence décrété par le président Pervez Musharraf. Tous proches du président, les 24 membres du gouvernement provisoire qui vient de prêter serment, auront pour tâche de superviser la tenue des élections législatives, qui doivent avoir lieu avant le 9 janvier. "Il ne peut y avoir d'élections libres et équitables sous le régime d'état d'urgence. Il ne peut y avoir d'élections libres et équitables alors que le chef d'état-major des armées est également président. Il ne peut y avoir d'élections libres et équitables avec l'actuelle commission électorale", a martelé Bhutto, s'adressant à la presse. "Notre objectif et notre destin restent les mêmes : rétablir la démocratie", a-t-elle insisté. Lorsqu'il a décrété l'état d'urgence, le 3 novembre, invoquant des entraves de l'appareil judiciaire à la lutte antiterroriste, Musharraf a également suspendu la Constitution et limogé les juges de la Cour suprême qui lui sont hostiles. La plus haute juridiction doit se prononcer prochainement sur la validité de son élection, le 6 octobre, à la tête de l'Etat, alors qu'il exerçait toujours les fonctions de chef des armées, deux postes incompatibles au regard de la loi fondamentale. Bhutto, qui négociait depuis des mois avec Musharraf, est rentrée d'exil en octobre pour tenter de parvenir à un accord de partage du pouvoir. Révoltée par la vague d'arrestations consécutive à l'état d'urgence, la chef de file du Parti du peuple pakistanais (PPP) a mis fin à ses discussions avec le chef de l'Etat dont elle a demandé pour la première fois la démission. "Je ne vois pas comment je pourrais m'associer à quelqu'un qui suscite des espoirs et les balaye, qui prend des engagements et décide des postes-clés. Il me parle de feuille de route vers la démocratie et proclame dans le même temps la loi martiale", s'est-elle à nouveau indignée. Bhutto, qui s'efforce désormais de nouer une alliance avec les islamistes et d'autres formations de l'opposition, a reçu le soutien de Nawaz Sharif, ancien Premier ministre comme elle. Les différentes formations avec lesquelles elle négocie se retrouveront le 21 novembre pour envisager un boycottage des législatives. Arrivé hier à Islamabad, John Negroponte, numéro deux du département d'Etat américain, doit rencontrer aujourd'hui le président pour l'inviter à lever l'état d'urgence et à remettre le processus démocratique sur les rails. Le Pakistan, allié stratégique des Etats-Unis dans la "guerre contre le terrorisme" et unique pays musulman doté du feu nucléaire, a reçu une dizaine de milliards de dollars d'aide de la part de Washington depuis 2001. "Le message que M. Negronponte doit transmettre est que cette aide doit s'arrêter", a encore déclaré Bhutto, sur Sky News.