Bien qu'il s'agisse d'un problème commun, le pluriel est toujours d'usage lorsqu'on aborde les politiques d'immigration en Europe. Pourtant, les décideurs politiques européens admettent que la coordination communautaire est impérative. Les Etats seuls ne peuvent rien faire et ce n'est qu'au niveau européen que les politiques migratoires pourraient être efficientes. « Comment les Européens peuvent-ils adopter une politique commune d'immigration? » (How Can Europeans Agree on a Common Migration Policy?). C'est l'intitulé d'un rapport qui résume les conclusions du projet de recherche « Anglo-French Policy Dialogue on Regularisation and Co-Development ». Un projet qui a été réalisé par le Programme « Migrations, identités, citoyenneté » de l'Institut français des relations internationales (Ifri) en partenariat avec le Barrow Cadbury Trust. L'objectif de ce dialogue franco-anglais était d'interroger les concepts de « régularisation » et de « co-développement ». Pour ce faire, un exercice de déconstruction du « Pacte européen sur l'immigration et l'asile » a été entrepris, amorcé par deux questions : de quelle réalité changeante le pacte est-il l'illustration ? Et comment le pacte aborde t-il l'évolution de cette réalité de politique migratoire ?
Faut-il d'abord le rappeler, ce pacte européen, adopté sous la présidence française, a pour principaux objectifs d'organiser l'immigration légale, de lutter contre l'immigration clandestine, d'organiser une politique européenne d'asile, et une politique de gestion des frontières extérieures. Cela étant, le pacte devait être, en principe, l'expression d'une approche commune ainsi qu'un instrument efficace de gestion des différents flux migratoires à l'échelon communautaire. Mais il n'en était pas ainsi. En effet, et selon les responsables du projet susmentionné nettement évaluatif, le pacte n'a pas aboutit à un véritable programme européen de politiques migratoires. Il illustre plutôt la « philosophie publique » des responsables politiques européens et constitue un outil de ménagement de l'opinion publique européenne, de plus en plus préoccupée par le phénomène de l'immigration. Certains le désignent d'ailleurs comme étant un « crédo ». En d'autres termes, le pacte expose clairement ce qui doit changer, mais il n'impose aucune directive réelle dans ce sens. Il se place ainsi davantage comme un texte voué à inspirer les prochains débats pour une future politique migratoire européenne. Du point de vue du Sud, et malgré une certaine méfiance justifiée au début, le pacte européen reconnaît au moins deux points essentiels et positifs. D'une part, il anéantit la notion, voire le mythe, « d'immigration zéro ». D'autre part, il admet que la crise démographique et les besoins économiques en Europe contraignent à lancer un appel à une nouvelle main-d'œuvre immigrée.
Toutefois, l'on peut constater que le pacte reflète encore une hésitation entre une politique d'ouverture des frontières et un discours restrictif sur l'immigration. Ces oscillations attestent qu'il faut encore du temps et qu'il reste beaucoup à faire avant que l'on puisse un jour utiliser le singulier pour désigner une certaine « Politique européenne d'immigration ».