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Extraits de l'étude de M. Néji BACCOUCHE, Professeur de droit public et directeur du Centre d'Etudes Fiscales de la Faculté de droit de Sfax
Publié dans L'expert le 19 - 12 - 2009


INTRODUCTION
La gravité de la récente crise financière et économique revitalise les débats sur les rapports entre l'entreprise et l'Etat. Dans ce cadre, la fiscalité est plus que jamais impliquée dans la stratégie fixée par les pouvoirs publics de tous les Etats pour sortir de la crise puisqu'elle est sollicitée pour soutenir les différents secteurs qui se trouvent confrontés à des difficultés dont l'ampleur est probablement sans précédent. Pourtant, les tenants du libéralisme ainsi que les entrepreneurs sont souvent hostiles à la fiscalisation et ne cessent de prôner la réduction des impôts. La réalité de la crise qui s'est aggravée en 2008 a toutefois conduit les opérateurs économiques à solliciter l'interventionnisme de la puissance publique. Dans tous les pays, le trésor public est sollicité et son intervention se traduit par l'explosion de l'endettement public faute de pouvoir augmenter les impôts dans le contexte de crise. Mais, un jour, l'impôt doit assurer le remboursement de cette dette.
C'est dire que l'impôt est au cœur de la problématique des politiques publiques de développement aujourd'hui et demain.
L'Etat tunisien est un Etat de services publics par excellence. En l'absence de ressources semblables à celles dont disposent ses voisins, la Tunisie a impérativement besoin de ressources fiscales durables pour faire fonctionner ses innombrables services publics et accomplir sa politique de développement social équilibré et qui, quoique l'on dise, reste réellement exemplaire, du moins pour les pays en développement. De notre point de vue, c'est cette politique de redistribution et de transferts sociaux qui procure à la fois la stabilité et la légitimité aux institutions qui nous gouvernent. C'est pourquoi la législation fiscale doit être maniée avec beaucoup de prudence. Elle doit éviter un double écueil. D'un côté, elle doit éviter la lourdeur dont Ibn KHALDOUN avait décrit, depuis plus de six siècles, l'effet néfaste sur l'appareil de production et sur l'Etat lui-même1. De l'autre côté, elle doit éviter le nivellement fiscal par le bas que semble imposer une concurrence fiscale rude entre les divers pays et qui prive l'Etat de ses ressources nécessaires pour mener le développement global et assurer la cohésion sociale.
Pour la Tunisie indépendante, l'amélioration du cadre juridique de l'entreprise a toujours constitué une préoccupation majeure des pouvoirs publics depuis l'option pour la libéralisation de l'économie entamée en 1970 sous la conduite du premier ministre, Monsieur Hédi NOUIRA. Plus tard, l'évolution de l'environnement juridique et fiscal de l'entreprise en Tunisie a été poussée grâce à deux accélérateurs:
Le premier consiste dans le plan d'ajustement structurel, ayant favorisé l'évolution de l'économie nationale, d'une économie administrée vers une économie de l'entreprise qui opère dans un milieu concurrentiel. Depuis le début des années 1970, la Tunisie s'est engagée dans une politique caractérisée par la réorientation de l'économie vers l'encouragement de l'entreprise privée, la libéralisation économique et l'ouverture sur l'extérieur. Cette même politique s'est consolidée, depuis 1986, par l'adoption d'un programme d'ajustement structurel, qui a constitué la base du VIIèmePlan de développement économique et social (1987-1991). Le changement politique survenu en 1987 a relancé le programme d'ajustement structurel et a rendu possible la mise en œuvre, entre autres, de profondes réformes fiscales qui ont accompagné la libéralisation et l'ouverture effective sur l'extérieur. Grâce à ces réformes, la Tunisie a pu devenir, en 1990, membre du GATT. Elle a signé, en tant que membre fondateur, les accords GATT /OMC en 1994.
Le second accélérateur consiste dans les exigences imposées par la conclusion d'un accord d'association avec l'Union Européenne consécutive à la signature des accords du GATT/OMC. Le rapprochement et l'harmonisation de la législation tunisienne avec les législations des pays de la communauté européenne sont devenus une exigence explicitement posée par l'article 52 de l'Accord d'association. La Tunisie avait intérêt à harmoniser sa législation avec celle des pays partenaires et l'Union Européenne s'est engagée à soutenir ses efforts à cet effet. Dans ce nouveau contexte, la prise en considération des règles de bonne gouvernance de l'entreprise dans les pays partenaires de la Tunisie, est devenue une nécessité absolue pour permettre à l'entreprise tunisienne d'être compétitive et d'agir, ainsi, dans un monde devenu aujourd'hui presque sans frontières économiques. La fiscalité est alors devenue l'un des facteurs déterminants de l'activité de l'entreprise et de sa compétitivité compte tenu du coût fiscal de plus en plus élevé dans le coût global des biens et services. La compétitivité de ces derniers dépend, entre autres, de la compétitivité du système fiscal. L'ouverture sur l'extérieur impose alors la comparaison entre les systèmes fiscaux qui conditionnent l'activité économique. Dès lors, il devient incontournable de rapprocher les coûts fiscaux supportés par les produits et services, en Tunisie, de ceux en vigueur dans les pays partenaires et concurrents. Le poids de la fiscalité est devenu un déterminant que l'investisseur ne peut ignorer. C'est pourquoi l'on parle de l'ingénierie fiscale qui est l'une des composantes de l'ingénierie financière.
Outre son impact sur les choix et décisions faits par l'entreprise, le système d'imposition est l'un des facteurs que l'entreprise doit pouvoir maîtriser afin de fixer sa stratégie économique et d'assurer sa bonne gouvernance. Le régime fiscal auquel est soumise l'entreprise, la nature de la relation entre l'entreprng
Les entreprises éligibles au régime forfaitaire d'imposition: une véritable «prime à la fraude»
La distorsion du poids réel des prélèvements obligatoires entre les entreprises apparaît notoirement surtout lorsque l'entreprise est soumise à l'un des régimes forfaitaires d'imposition applicables aux entreprises individuelles réalisant des BIC (forfait légal et forfait optionnel).
Le régime forfaitaire d'imposition s'applique aux petites entreprises individuelles industrielles et commerciales qui remplissent un certain nombre de conditions et notamment la condition relative au chiffre d'affaires annuel qui ne doit pas dépasser
30.000 dinars. Si l'on s'en tient à ce chiffre d'affaires, le contribuable qui le réalise et même avec une marge bénéficiaire de 10%, ne pourrait même pas subvenir aux besoins vitaux les plus élémentaires. En réalité, le tableau fixant le chiffre d'affaires entretient une illusion et constitue une contre-performance de notre système fiscal.

Les règles relatives aux produits imposables
Le législateur tunisien a défini le bénéfice imposable de manière tellement large qu'il englobe non seulement les produits courants de l'exploitation, mais aussi les produits exceptionnels tels que les plus-values, les subventions et les indemnités encaissées par les entreprises. Si l'adoption de cette définition large du bénéfice imposable n'est pas contestée quant à son principe, elle semble être contestable quant à ses conséquences fiscales sur l'entreprise sur de nombreux points.
Le premier point concerne le régime des plus-values. En effet, l'intégration de la plus-value dans le résultat fiscal de l'entreprise entraîne son imposition selon le taux progressif de l'IR pour le cas de l'entreprise individuelle et selon le taux proportionnel de 30% pour le cas de l'entreprise sociétaire soumise à l'IS. Ce traitement fiscal de la plus value réalisée par les entreprises est discutable pour deux raisons. D'une part, la soumission de la plus-value réalisée par les entreprises individuelles au barème progrise et l'administration fiscale, l'assiette, le taux, le recouvrement et l'effectivité des règles fiscales et leur justesse, influencent dans une large mesure, non seulement le fonctionnement interne de l'entreprise, mais aussi l'accomplissement par cette dernière de ses obligations fiscales vis-à-vis de l'Etat. La perception de la fiscalité par les opérateurs économiques est importante et elle impose à l'Etat de soigner l'image du fisc et d'avoir une politique de marketing à cet effet.
L'obligation de transparence pèse non seulement sur l'entreprise, mais aussi sur l'administration fiscale. Or, il semble que la transparence fiscale (que nous utilisons non pas au sens technique qui signifie l'imposition des membres de l'entité en application de l'article 4 du CIR, mais au sens de sincérité, de clarté et de vérité) est loin d'être suffisamment enracinée. Le fisc accuse les contribuables alors que ces derniers se plaignent, à leur tour, du manque de transparence de la part du fisc. Dans certains cas, la transparence est carrément sacrifiée par des textes et par des pratiques administratives.
Pourtant, la transparence est une exigence de bonne gouvernance.
Par ailleurs, la compétitivité de l'entreprise est conditionnée par le poids de la fiscalité. Or, et en dépit des réformes louables qui ont été introduites par le législateur depuis 1988, la compétitivité fiscale semble être mise à mal dans la mesure où la fiscalité supportée par l'entreprise tunisienne s'avère lourde par rapport à ses concurrentes étrangères en raison de la répartition inéquitable de la charge fiscale au sens large, c'est-à dire celle englobant les prélèvements sociaux.

CHAPITRE I
L'EXIGENCE DE TRANSPARENCE
La bonne gouvernance de l'entreprise est tributaire d'une double transparence, interne à l'entreprise et externe à cette dernière. D'un côté, l'entreprise doit pouvoir surmonter les problèmes liés à sa transparence vis-à-vis du fisc. Mais, d'un autre côté, l'entreprise risque d'être confrontée à des problèmes liés au manque de transparence de l'administration fiscale elle-même.

SECTION I: LA PROBLEMATIQUE DE LA TRANSPARENCE DE
L'ENTREPRISE
La transparence de l'entreprise dans ses rapports avec le fisc est une véritable équation à laquelle il est impératif de trouver un fait générateur pour la rendre irréversible. Elle est commandée par deux facteurs déterminants.
Le premier facteur est d'ordre psychologique et moral dans la mesure où la transparence de l'entreprise n'est que le reflet du degré du civisme des personnes agissant au nom de l'entreprise. La transparence fiscale est, avant tout, une conviction des personnes de contribuer positivement à l'effort collectif de couverture des charges publiques. Mais, la conviction des dirigeants d'entreprises et des contribuables en général est conditionnée par la conduite du fisc et par l'exemplarité qu'il doit assurer.
Le deuxième facteur qui commande la transparence consiste dans la comparaison de la situation financière de l'entreprise elle-même avec celle des autres car, le sentiment d'une «injustice fiscale» ou de l'impôt sanction peut conduire l'entreprise à pratiquer la fraude puisque ceux qui éludent l'impôt sont forcément favorisés. Lorsqu'il se transforme en conviction, le sentiment d'être berné ou sanctionné conduit le contribuable, d'une manière quasi inévitable, à la fraude. Il faut le savoir, pour survivre, l'entreprise se sent, dans certains cas, obligée de frauder même si le dirigeant de l'entreprise a tort de raisonner et de se comporter ainsi.
En pratique, la transparence de l'entreprise tunisienne se trouve involontairement sacrifiée soit à cause de l'ampleur du secteur informel, foncièrement en fraude, soit à cause du manque d'une culture fiscale de transparence chez les décideurs au sein de l'entreprise et ce pour des raisons complexes.

L'ampleur du secteur informel
Le secteur informel n'est pas un phénomène récent en Tunisie. On peut même penser que le tissu économique s'est constitué, au lendemain de l'indépendance, dans l'ambiance de l'informel compte tenu de la rareté du capital dans le pays et de l'absence d'une culture de l'organisation du travail et de l'entreprise. Mais, durant les vingt dernières années, et alors même que l'Etat avait entrepris les réformes fiscales et économiques les plus audacieuses pour moderniser l'économie, on a assisté à un accroissement spectaculaire du secteur informel qui, dans la meilleure des hypothèses, opte pour le forfait d'impôt. L'option pour le forfait d'imposition s'explique, en particulier, par la réduction des coûts du travail qu'il permet grâce au contournement de la législation sociale et des contraintes fiscales. Le secteur informel se justifie essentiellement par le souci d'éviter la fiscalisation.
Outre l'existence d'un marché parallèle souvent en fraude et difficile à quantifier (A), l'entreprise transparente souffre également de l'accroissement démesuré du nombre des forfaitaires qui supportent une charge fiscale insignifiante. Le secteur informel génère, au mieux, des forfaitaires (B).

A- Un marché parallèle en fraude
Le secteur informel englobe l'ensemble des activités dont l'exercice illégal constitue une fuite devant les différentes normes fiscales, sociales, commerciales et autres.
Le secteur informel constitue une véritable agrégation d'intervenants. Par définition, ce secteur est difficile de quantifier de manière très précise d'autant plus qu'en Tunisie, le critère de «non enregistrement» n'est pas utilisé par l'appareil statistique pour mesurer le secteur informel. Certains économistes murmurent que ce secteur représenterait entre 20% et 40% des activités économiques du pays.

B- L'accroissement démesuré du nombre des forfaitaires
Les activités du secteur informel sont, soit des entités qui échappent totalement
à l'emprise du fisc, soit des forfaitaires. L'existence de cette catégorie de contribuables dont la contribution aux recettes fiscales de l'Etat est très modeste, n'est pas de nature à rassurer l'entreprise transparente ni à satisfaire au besoin financier de l'Etat. Elle crée de la frustration chez le contribuable «honnête» ou chez celui qui ne peut pas frauder. La notion de forfait constitue la négation de la bonne gouvernance parce qu'elle écarte le revenu ou le chiffre d'affaires «réellement» réalisé et repose sur des suppositions approximatives qui sont très loin de la réalité.
Certes, le législateur soumet le bénéfice du régime forfaitaire à des conditions multiples. Mais, la rigueur de ces conditions semble avoir produit des effets inverses. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, au fur et à mesure que le législateur tunisien alourdit et multiplie les conditions du bénéfice du régime forfaitaire, le nombre de forfaitaires augmente. En instituant un nouveau type de forfait optionnel en 1999.

SECTION II: L'EXIGENCE DE TRANSPARENCE DE
L'ADMINISTRATION FISCALE
L'administration fiscale a beaucoup de marge pour accomplir des progrès réels et pratiquer la transparence effective. Un des aspects élémentaires et préalables concerne les statistiques et autres informations. Actuellement, l'administration ne communique pas les chiffres sur les dépenses fiscales14, sur les recettes fiscales par catégories de contribuables et par zones, sur le nombre de vérifications accomplies, sur les critères de sélection des dossiers à contrôler et même certaines notes explicatives des textes fiscaux.
Les SAI et les prises de position ne sont pas accessibles à toutes les personnes qui les demandent. Tout se passe comme si ces domaines étaient scellés par la confidentialité.
Or, il suffit de les mettre sur le site du ministère. Plus généralement, la doctrine administrative fiscale doit être rationalisée et rigoureusement contrôlée. La bonne gouvernance à laquelle on est attachée repose sur une information fiable et facilement accessible. La confidentialité est l'ennemi de l'Etat de droit qui suppose la transparence.
Alors que dans la nouvelle philosophie de gestion des administrations fiscales modernes, le contribuable est considéré comme un client ou usager17, en Tunisie, le contribuable est toujours considéré comme un assujetti. La relation administration-contribuable est historiquement marquée par la méfiance et les tensions ayant parfois conduit à des révoltes. Ce type de rapport est de nature à creuser le déséquilibre naturel entre les deux parties: une administration fiscale dont les prérogatives sont de plus en plus renforcées sans que ce renforcement ne soit utile et un contribuable dont les garanties, même juridictionnelles, sont encore limités.

Le renforcement «inutile» des prérogatives de l'administration fiscale
En dépit des améliorations apportées par le législateur pour rassurer le contribuable, l'entreprise en Tunisie continue à percevoir l'administration fiscale comme une source d'arbitraire et d'insécurité juridique. Le fisc est encore perçu comme un gendarme redoutable et non comme une structure au service de l'intérêt général. Même s'il y a de l'exagération dans cette perception, elle est révélatrice de l'incapacité de l'administration à soigner son image auprès de l'entreprise contribuable. L'administration fiscale ne semble pas lutter avec beaucoup de détermination contre certaines pratiques de certains vérificateurs et qui, même si elles sont rares, créent une psychose nocive au civisme fiscal. En outre, lorsqu'elles ne sont pas réprimées avec sévérité, tout en assurant la publicité à cette répression, ces pratiques risquent fort de se propager à grande vitesse.
Avec l'adoption en 2000 du Code des Droits et Procédures Fiscaux (CDPF), on a légitimement espéré un certain rééquilibrage des rapports entre l'administration et le contribuable et une consolidation au niveau des droits de ce dernier. Mais l'objectif annoncé n'a été que partiellement atteint. Certes, le CDPF a consacré des droits non négligeables notamment au niveau des garanties juridictionnelles dans la phase contentieuse. Certes aussi, le CDPF a fait l'objet de quelques modifications qui ont amélioré le statut du contribuable. Nous visons en particulier les dispositions concernant l'obligation faite pour l'administration de répondre aux observations du contribuable à la notification des résultats de la vérification (article 44bis introduit en 2006).

L'insuffisance des garanties juridictionnelles au profit du contribuable
La sécurité juridique de l'entreprise, l'une des conditions favorisant le terrain pour la transparence, est tributaire, entre autres, des garanties juridictionnelles qui sont offertes à l'entreprise face à l'administration fiscale. D'ailleurs, la décision d'une entreprise étrangère de venir s'implanter en Tunisie ne dépend pas uniquement des incitations fiscales offertes, mais aussi et surtout de l'existence d'un appareil juridictionnel suffisamment équitable et protecteur des droits des contribuables. Or, les juridictions fiscales n'offrent pas encore, les garanties suffisantes et effectives au contribuable.
Certaines décisions du tribunal administratif ont provoqué la colère de la doctrine la plus autorisée. Nous pensons en particulier au rejet des pourvois pour des raisons qui s'apparentent, dans certains cas, à des prétextes. Lorsque le tribunal refusait le pourvoi parce que l'auteur du pourvoi avait introduit le recours contre le ministre des finances et non contre la direction générale du contrôle fiscal, redevenue en 2007 direction générale des impôts, la haute juridiction ne se faisait aucun souci de la justice et de l'équité d'autant plus que la loi ne prévoit pas cette règle procédurale. Et même si la loi prévoyait cette règle, elle ne lui rattachait pas une telle sanction.
Certes, un effort a été entrepris par les rédacteurs du CDPF afin d'assurer la séparation entre l'administration et la fonction contentieuse. Avec ce code, l'essentiel du contentieux fiscal a été juridictionnalisé. Mais, au-delà de cette juridictionnalisation, le contentieux fiscal en Tunisie souffre toujours de certaines imperfections qui risquent de compromettre la sécurité juridique de l'entreprise et sa confiance en l'appareil juridictionnel.
Au total, le régime du contrôle et du contentieux fiscal n'encourage pas l'entreprise à adopter la transparence. Au contraire, ce régime peut pousser l'entreprise à s'enfoncer dans la fraude pour faire face, le jour J, aux aléas du contrôle fiscal. En tout cas, c'est ce qu'affirment beaucoup d'opérateurs économiques, lorsqu'ils sont interrogés sur leur perception de la transparence. Les pouvoirs publics tunisiens ne doivent pas ignorer que le risque fiscal est, parfois, très difficile à maîtriser par l'entreprise. Le professionnel de la fiscalité est parfois dans l'incapacité de donner une solution rassurante.
Et puis, comment comprendre le refus d'introduire le rescrit fiscal dans la législation fiscale? Pourtant, cette technique est conçue dans tous les pays modernes au nom de lasécurité juridique qui, rappelons-le, est au moins aussi importante que la sécurité publiqueà laquelle nous sommes attachés et dont les pouvoirs publics tunisiens sont fiers, à trèsjuste titre d'ailleurs.

SECTION I: LA LOURDEUR DE LA CHARGE FISCALE DE L'ENTREPRISE
PRATIQUANT UNE GESTION FISCALE TRANSPARENTE
Un taux effectif de pression fiscale élevé
Dans le dernier rapport de la Banque Centrale, le taux de la pression fiscale est estimé à 22,5%alors que le ministère des finances maintient, depuis plusieurs années, que le taux serait plutôt de l'ordre de 21%. Mais au delà de cette divergence non négligeable, il convient d'ajouter à cette pression fiscale proprement dite, les charges sociales pour obtenir la pression des prélèvements obligatoires. Situé à 30% environ du PIB, le taux nominal de la pression des prélèvements obligatoires semble être rassurant dans la mesure où il se situe au même niveau que celui des Etats-Unis (28%) et du Japon (27%) alors que le taux de la pression fiscale dans les pays de l'Union Européenne se rapprocherait de l'ordre de 40% en 2004.
Cependant, s'il est vrai que le taux nominal global des prélèvements obligatoires est, en Tunisie, comparativement raisonnable, il n'en reste pas moins vrai que ce taux n'est plus compétitif (Infra n°90 et s.). De même, le taux des prélèvements ne pèse pas de manière égale sur toutes les entreprises. Certaines entreprises supportent un taux de pression fiscale très réduit. Il s'agit essentiellement des entreprises soumises au régime forfaitaire d'imposition qui contribuent très faiblement à l'effort fiscal du pays et qui ne supportent pratiquement pas de charges sociales. Il en est ainsi également de certaines entreprises éligibles aux divers avantages fiscaux prévus par une législation foisonnante et qui, dans certains cas, bénéficient d'une franchise fiscale quasi totale. Le caractère discriminatoire de la fiscalité des entreprises entraîne une variation du taux réel de la pression fiscale qui est assez lourd pour les entreprises qui supportent une charge fiscale et sociale conformément au droit commun et très réduit pour les entreprises qui ne la supportent pas à savoir celles éligibles au régime forfaitaire d'imposition et celles éligibles aux avantages fiscaux.
stroessif de l'IR projetterait probablement l'entreprise dans la tranche la plus élevée du barème progressif au taux de 35% ce qui se traduit par une surcharge fiscale. D'autre part, le traitement fiscal de la plus-value réalisée par les entreprises est nettement discriminatoire comparativement avec le traitement fiscal de la plus-value réalisée par les particuliers.
Pour ces derniers, la plus-value est imposée de manière séparée par rapport aux autres revenus réalisés par le contribuable, et ce selon un taux de 5% ou de 10% nettement inférieur à celui applicable aux entreprises. Envisagée sous cet angle, l'entreprise est paradoxalement défavorisée par rapport aux particuliers.
Le second point concerne le régime des produits découlant de la transmission des entreprises, c'est-à-dire des plus-values. En effet, afin d'encourager la restructuration des entreprises, le législateur a institué depuis 1946 une exonération de la plus-value de cession globale des actifs immobilisés de l'entreprise. Cette exonération qui a pu survivre à l'issue de la promulgation du CIR en 1989 a été supprimée par l'article 49 de la loi n°97-88 du 29 décembre 1997 portant loi de finances pour l'année 1998. La suppression de cette exonération est une mesure anti-économique. Elle se traduit par un coût excessif et elle menace la pérennité de l'entreprise dans la mesure où les entrepreneurs répugnent à céder leurs entreprises par crainte de réaliser des plus-values importantes intégralement imposables. Il est vrai que la loi de finances pour l'année 2007 a partiellement rétabli cette exonération. Mais, cette réinvention de l'exonération ne concerne que quelques cas particuliers (entrepreneur retraité, entreprises en difficultés, apport d'entreprise individuelle en société). La réintroduction de cette exonération serait un retour à la raison économique car la détaxation peut contribuer à la pérennité des entreprises.
Le troisième point concerne le régime des indemnités d'assurance encaissées par les entreprises qui sont pleinement imposables. Cette imposition est discutable pour deux raisons au moins. D'une part, l'imposition des indemnités d'assurance ne saurait être admise qu'au cas où l'entreprise ait pu bénéficier de la déduction des primes d'assurance qu'elle avait supportées. Or, en l'état actuel de la législation, ces indemnités sont pleinement imposables, alors même que l'entreprise n'avait pas pu bénéficier de la déduction des primes versées. D'autre part, le traitement fiscal des indemnités d'assurance reçues par les entreprises est discriminatoire par rapport à celui réservé aux indemnités reçues par les particuliers. En effet, ces derniers bénéficient, conformément à l'article 38 n°4 du CIR, d'une exonération de l'IRPP. Tout se passe comme si le législateur n'encourageait pas la création d'entreprises alors que pour le pouvoir politique, la création d'entreprises a été un objectif de premier ordre durant le quinquennat 2004-2009.
Conscient de la sévérité du régime, le législateur a dû intervenir en 2009 pour introduire, par la loi de finances complémentaire du 8 juillet 2009, des mesures au profit des entreprises exerçant dans les secteurs couverts par le CII et rencontrant des difficultés.
Ces dernières, et seulement si elles sont parmi celles soumises au taux de 30%, peuvent, sur demande visée par leur commissaire aux comptes, être dispensées du paiement de chacun des acomptes provisionnels si elles constatent une baisse de leurs chiffres d'affaires au moins égale à 15% sur les trois périodes successives fixées par la loi (6 mois, 8 mois et 11 mois) au titre desquelles l'acompte est censé être payé. Cette mesure peut être accordée sur demande au profit des seules entreprises dont les comptes de l'année 2008 sont certifiés par un commissaire aux comptes.
Apportée par une disposition déconnectée du CIR, cette mesure, dont le champ est soigneusement limité, concerne l'exercice 2009. L'on ne sait pas si elle sera introduite dans le CIR pour devenir une mesure durable. Il convient de remarquer que, dans sa consistance actuelle, cette mesure, même si elle venait être instituée durablement, est en retrait par rapport au régime de l'acompte provisionnel en France. Autant les conditions relatives à la certification sont légitimes, autant les conditions relatives au chiffre d'affaires sont inutiles, voire absurdes dans la mesure où le chiffre d'affaires ne préjuge en rien sur le bénéfice à réaliser. Il faudrait que le législateur laisse une plus grande latitude à l'entreprise quant à la fixation du montant de l'acompte provisionnel, qu'il responsabilise le commissaire aux comptes et qu'il pénalise l'entreprise qui réduit indûment le montant de ou des acomptes par rapport au seuil légal.

L'avance au titre des produits de consommation importés
Instituée par l'article 45 de la loi de finances pour la gestion 1996, l'avance au titre des produits de consommation importés est due au taux de 10% de la valeur en douane de ces produits. Cette avance est imputable sur l'IR ou l'IS dû par l'entreprise.
Toutefois, et en dépit de son imputabilité, cette avance pourrait entraîner de lourdes conséquences financières sur l'entreprise et ce compte tenu de son montant exorbitant (10% de la valeur en douane). Cette avance se traduit par «un crédit chronique d'impôt» dont la restitution est souvent hypothétique. La restitution de l'impôt a fait l'objet d'une annonce de réforme par le Chef de l'Etat dans son discours du 11 octobre 2009. Il reste à observer comment l'administration mettra en œuvre cette promesse politique à travers les projets de lois qu'elle confectionnera en fonction de ses contraintes financières.

L'entreprise et le crédit d'impôt
Considéré comme l'un des droits les plus élémentaires du contribuable, la restitution du crédit d'impôt ou encore de l'impôt payé en trop par l'entreprise ne peut malheureusement pas, en droit fiscal tunisien, être rangée parmi les droits effectifs et facilement accessibles au contribuable compte tenu des conditions légales et des pratiques administratives.
Le CDPF a subordonné la restitution du crédit d'impôt à certaines conditions dont la rigueur notoire tend à transformer la restitution d'un droit à un privilège. Au titre des conditions, on peut citer:
- la nécessité de présenter une demande écrite et motivée,
- le contribuable doit avoir déposé toutes les déclarations fiscales échues,
- le contribuable sera soumis à un contrôle fiscal pour la vérification du bien-fondé de la demande en restitution.
Cette dernière condition qui soumet l'entreprise ayant demandé restitution de l'impôt à un contrôle fiscal systématique amènera, dans beaucoup de cas, l'entreprise à renoncer à demander restitution du crédit d'impôt par crainte d'un contrôle fiscal fortement redouté par l'entreprise. Contrairement à ce que l'on peut penser, ce n'est pas toujours en raison de la découverte d'une fraude que l'entreprise renonce à demander la restitution mais le contrôle est souvent pénible à supporter. Le contrôle fiscal est coûteux et dans certains cas, il gêne considérablement le fonctionnement normal de l'entreprise sans parler «des petites lâchetés» commises par certains agents qui affectent considérablement la réputation de l'administration et de l'Etat. Le conditionnement de la restitution à l'exercice d'une vérification montre qu'un climat de défiance règne entre l'entreprise et le fisc. Il est temps de rompre ce cercle vicieux en renonçant à cette condition dissuasive et qui suscite la crainte puisque l'administration n'a pas besoin de ce type de dispositions pour procéder aux vérifications qui s'imposent.
Il doit être clair qu'en renonçant à demander la restitution de sa créance vis-à-vis du trésor, l'entreprise est forcément tentée de récupérer, d'une façon ou d'une autre, la somme. Ainsi, l'entreprise est poussée à pratiquer, elle aussi, la petite la fraude. Le pouvoir politique doit composer avec cette relation mécanique entre le sentiment de confiscation vécu par le contribuable et la tentation, voire la détermination de compenser, y compris par la fraude.

CONCLUSION
L'environnement juridique et fiscal de l'entreprise en Tunisie se doit de se restructurer au rythme des mutations qu'impose la mondialisation. Les réformes introduites ont certainement amélioré les conditions de l'activité des opérateurs économiques. Mais, en dépit de leur importance, les réformes engagées demandent à être consolidées pour assainir l'environnement des affaires et permettre ainsi à l'entreprise de faire face à des défis dans une économie mondialisée et dont les déterminants échappent souvent au gouvernement national. C'est pourquoi il est devenu nécessaire d'établir un système de veille fiscale et juridique de l'entreprise que pourrait assurer un observatoire placé auprès du premier ministre et dont la fonction serait d'observer les mutations et de proposer à l'arbitrage de l'autorité politique les ajustements nécessaires indépendamment des passions ou fixations des uns et des autres.
Si les raisons financières, tenant au budget de l'Etat, semblent avoir empêché l'introduction de certaines réformes fiscales plus radicales pour affranchir l'initiative économique, il n'en reste pas moins vrai que certaines mesures légales concernant l'obligation de transparence, la lutte contre la concurrence déloyale, la limitation du secteur informel et des entreprises soumises au régime forfaitaire, la rationalisation des prérogatives de l'administration fiscale, l'amélioration du système d'imposition et la lutte contre le sentiment d'impunité peuvent, si elles sont prises après concertation avec les opérateurs économiques, être financièrement productives pour les finances de l'Etat. De même, tout doit être fait pour que le risque fiscal soit très faible. De telles mesures rassurent l'investisseur national sur lequel la Tunisie doit continuer à compter en premier lieu et consolideront la confiance placée dans notre économie par des investissements extérieurs. L'impératif d'améliorer l'image du pays dépend de ces réformes, aujourd'hui incontournables, dans toute société qui se veut moderne et démocratique.
L'éparpillement des textes fiscaux, conjugué avec la faiblesse du civisme fiscal, est un mal difficilement compréhensible dans un pays qui a beaucoup investi dans l'enseignement pour moderniser la société et son économie. La codification des textes fiscaux est une exigence dont la réalisation est une urgence absolue. Trop de complexité de la législation fiscale n'aide ni à la transparence ni au développement du civisme fiscal. Dans une démocratie, le législateur se soucie principalement de l'adhésion, par les destinataires de la législation, à cette dernière. C'est là une condition essentielle de l'effectivité des textes dont la simplification est une exigence de premier ordre pour sécuriser les contribuables. Nous sommes le pays de «AHD EL AMEN» promulgué en 1857 et le AMEN voulait dire la sécurité juridique. La législation se doit de répondre au mieux à cet impératif de sécurité juridique enraciné dans notre histoire.
Aujourd'hui, le risque fiscal n'est pas toujours facile à calculer, y compris pour les professionnels de la fiscalité. Certaines dispositions déconnectées des codes, telles que l'article 59 de la loi de finances pour l'année 2004, ressemblent à des ruses fiscales qui permettent à l'administration fiscale de faire avorter les incitations fiscales. Il en est de même de certaines interprétations administratives de textes législatifs ou réglementaires telles que celles concernant les travaux publics entrepris dans les zones de développement régional qui excluent de l'avantage les ponts qui, selon l'administration, ne font pas partie des routes. Actuellement, l'aléa fiscal est très élevé et le législateur n'a pas encore éprouvé le besoin d'instituer la technique de rescrit. Pourtant, cette dernière permet de rassurer, de maîtriser le risque fiscal et pour tout dire, elle permet une meilleure gouvernance de l'entreprise. En outre, elle crédibilise l'administration fiscale qui, disons-le sereinement, a besoin de soigner son image dans l'imaginaire collectif. Notre société a certes besoin d'une administration fortement compétente, mais elle n'a pas besoin d'une administration arrogante. Notre histoire est à cet égard édifiante. Les prérogatives exorbitantes et mal contrôlées ne permettent pas de lutter contre la fraude fiscale. Au contraire, elles produisent un effet contraire. A cet effet, il est temps de cesser de considérer la restitution de l'impôt comme un avantage fiscal. Il s'agit d'un droit élémentaire qui doit être exercé sans encombre et moyennant de simples précautions et non par suite à une vérification dissuasive.
Lutter contre les pratiques douteuses des entreprises est un impératif économique, moral et politique que le droit se doit de mettre en œuvre. Mais, rationaliser le pouvoir fiscal est une condition sans laquelle il est vain d'espérer se concrétiser unecitoyenneté fiscale. Les prérogatives administratives excessives et insuffisammentcontrôlées par le juge fiscal et l'insuffisance de la lutte contre la fraude fiscale empêchentla réconciliation entre l'administration et le contribuable prônée depuis vingt ans mais,avouons-le, avec des résultats plutôt modestes. L'équité fiscale qui suppose une répartitionéquitable de la charge fiscale est un devoir à la charge de l'Etat et aucune raison ne peutjustifier son ignorance. Les «privilèges» au profit des forfaitaires ou autres et le sentimentd'impunité au profit des fraudeurs qu'ils alimentent, à tort ou à raison, dans la consciencecollective, provoquent la frustration chez ceux qui ne peuvent pas frauder. Vis-à-vis de l'évitement de l'impôt et de la fraude caractérisée, l'Etat doit être beaucoup plus ferme qu'il ne l'est aujourd'hui. Dans l'imaginaire collectif, le cercle des fraudeurs ne se rétrécit pas. Et là-dessus, l'Etat est appelé à communiquer moyennant une information facilement vérifiable. Les avantages fiscaux concédés doivent être évalués à travers la quantification des dépenses fiscales. Tout doit être expliqué pour éviter les effets pervers de l'absence de communication crédible.
Les taux réels, comparativement élevés et parfois anormalement discriminatoires des prélèvements obligatoires, tout comme le régime actuel de restitution du crédit d'impôt ou des sommes indûment payées, nous éloigneront des objectifs nobles que sont la bonne gouvernance et l'entreprise citoyenne et responsable. Par ailleurs, la compétitivité de l'entreprise et des produits et services locaux commande l'institution d'une TVA sociale qui permettra de limiter l'effet du dumping social et fiscal en provenance de l'extérieur, d'autant plus que le marché asiatique, avec sa réputation, semble être le fournisseur principal du marché parallèle.
Les retards dans l'adoption des réformes auront un coût dont la Tunisie doit pouvoir légitimement s'en passer. Le législateur, tout comme l'administration et l'entreprise elle-même, doivent se mettre à l'heure de la mondialisation et de ses exigences articulées autour de la concurrence et ses corollaires, le mérite, la transparence et la responsabilité. Plus simplement, il faut pratiquer la bonne gouvernance. La réforme profonde du code d'incitations aux investissements annoncée devant les députés, le 30 novembre 2009, par M. le Premier Ministre doit être l'occasion pour assainir notre droit des imperfections qui le caractérisent encore. L'adhésion des contribuables à l'impôt viendra de l'exemplarité des pouvoirs publics, de leur fermeté à la fois vis-à-vis de tous les fraudeurs et vis à vis des auteurs d'abus ainsi que de leur souci de mettre en place une fiscalité équitable et juste. Le civisme fiscal passe par la lutte, avec la même détermination, contre les privilèges, les abus, la fraude et l'impunité qui les sous-tend.
Si la compétitivité fiscale passe par des réformes techniques relativement facile à mettre en place, le règne du civisme fiscal est, en revanche, une tâche beaucoup plus complexe à réaliser car, instaurer le civisme fiscal revient à bousculer une culture sociopolitique. Or, la culture est la plus difficile à faire bouger. Mais l'Etat qui se veut moderne et démocratique ne peut pas contourner cette exigence.
La Tunisie qui dispose d'un héritage politique moderniste et exemplaire peut-elle se permettre le luxe de renoncer à son rôle avant-gardiste? A l'effet de préserver sa longueur d'avance historique, il pèse sur ses gouvernants une obligation de résultat.


Ce travail s'est largement inspiré d'une précédente étude préparée avec mes collègues Sami KRAEIM et Mohamed KOSSENTINI 2009


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