«Loin d'apporter un ferment de paix entre les nations comme le veut la rhétorique, les rencontres internationales développent entre nations la même inimitié que développent entre provinces les rencontres interrégionales». Ces lignes datent de 1924. Elles sont du cru d'un grand écrivain français, Henry de Montherlant, grand amateur de sport et notamment de football et ardent adepte du fondateur de l'idéal olympique, Pierre de Coubertin. Avec une admirable préscience, il a vu, avant les autres, que le sport pouvait à tout moment perdre sa virginité et être instrumentalisé en vue de desseins tout à fait étrangers à son essence. La puissance de l'argent, le démon de la politique, l'hystérie des foules peuvent le détourner de sa vocation première, celle d'être un vecteur de culture et une forme d'action civilisatrice. Plus d'une dizaine d'années plus tard, Adolf Hitler devait exploiter cette propension à dénaturer le sport en organisant, peu avant la Deuxième Guerre mondiale, les Jeux Olympiques de Berlin devant des foules fanatisées, prêtes à mettre le monde à feu et à sang au nom du credo du mal. Cette évocation historique a été inspirée par les différentes violences verbales ou physiques qui émaillent actuellement le contexte de la CAN 2010. Evidemment, cela n'a pas la dimension du péril nazi, encore que la mort de trois membres de la délégation togolaise aux tout début de cette épreuve continentale, sous les balles d'un mouvement indépendantiste local, puisse constituer un symptôme inquiétant. D'autant plus inquiétant que nous avons assisté à un bras de fer rocambolesque entre deux nations arabes montées chacune sur ses ergots pour des raisons dont on ne réussit pas à démêler, jusqu'à maintenant, le vrai du faux. Cependant que de temps à autre, des voix cédaient aux sirènes de la xénophobie la plus débile, éradiquant de ce sport universel toute sa poésie et toute sa dimension ludique et éthique.