Pendant la Grande récession, production et chômage ont réagi de manière très diverse dans les pays avancés. En Irlande et en Espagne par exemple, le taux de chômage a augmenté de 7 ½ points de pourcentage environ, bien que la production ait chuté de plus de 8 % en Irlande mais de moitié moins en Espagne. En Allemagne, où la baisse de la production a avoisiné 7 %, le taux de chômage a en fait diminué pendant la récession. Pour permettre de mieux comprendre cette question et les perspectives à court terme, le FMI a fait une analyse de façon systématique l'évolution du chômage dans un échantillon de pays avancés au cours des récessions et des reprises des trente dernières années
Comme l'évolution du chômage dépend en grande partie des fluctuations de la production, le cadre de réflexion utilisé ici est celui de la loi d'Okun, qui établit une relation entre les variations du taux de chômage et celles de la production. La diversité des réactions pendant la Grande récession donne à penser que l'évolution du chômage n'est pas seulement déterminée par les fluctuations de la production — dont l'effet varie en fonction du degré de protection de l'emploi et de la proportion des travailleurs temporaires — mais aussi par les politiques économiques et les chocs, qui sont également analysés ici.
Dans plusieurs pays, l'évolution du chômage s'explique par la baisse de la production, des différences institutionnelles, la nature de la crise et les politiques économiques. La forte progression du chômage en Espagne et aux Etats-Unis au cours de la Grande récession tient en grande partie à la baisse de la production, comme le prédit la loi d'Okun, aux tensions financières et à l'effondrement du prix des logements. Les entreprises qui font davantage appel à des financements extérieurs licencient davantage pendant les récessions qui s'accompagnent de fortes tensions financières que pendant les récessions où ces tensions sont inexistantes. En général, les récessions qui s'accompagnent d'un effondrement du prix des logements entraînent également des pertes d'emploi plus nombreuses que les récessions normales, car les chocs frappent des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, tels que la construction. Dans les pays qui ont mis en œuvre de vastes programmes de travail à horaires réduits (Allemagne, Italie, Japon, Pays-Bas), la hausse du chômage causée par ces facteurs a été inférieure au niveau attendu. Dans les autres pays où le chômage a été inférieur aux prévisions (Canada, Royaume-Uni), cette évolution est plus difficile à expliquer.
Globalement, l'analyse laisse présager une faible croissance de l'emploi pendant la reprise. Au-delà de la perspective d'un lent redressement de la production, la nature de la récente récession dans plusieurs pays avancés, associant crises financières et effondrements du prix des logements, fait obstacle à une baisse rapide du chômage. De fait, les prévisions présentées dans ce chapitre, qui se fondent sur la trajectoire actuelle des politiques économiques, indiquent qu'en dépit d'une croissance de l'emploi dans de nombreux pays avancés en 2010, le taux de chômage restera élevé jusqu'à la fin de 2011.
Etant donné que le taux élevé de chômage à court terme pourrait persister à moyen terme, la lutte contre le chômage est un enjeu majeur. Par l'effet qu'ils ont sur l'activité économique, les outils classiques de la politique macroéconomique — politique monétaire et politique budgétaire — sont à employer au premier chef pour stimuler l'emploi. L'assainissement du secteur financier est également primordial, étant donné que les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre sont fort dépendants du crédit bancaire.
Plusieurs mesures spécifiques au marché du travail, outre l'incitation plus générale à la flexibilité des salaires et l'amélioration des institutions, pourraient contribuer à réduire le chômage. Dans les pays où l'incertitude macroéconomique persiste, mais où la productivité du travail reste forte, le recours à des subventions à l'embauche ciblées et temporaires pourrait contribuer à créer des emplois. Selon les indications disponibles, le succès de ces mesures dépend de la qualité de leur ciblage, de leur conception et de leur application. Dans les pays qui ont mis en place de vastes programmes de travail à horaires réduits, l'abandon graduel de ces programmes au fur et à mesure de la reprise, conjugué à des programmes bien conçus d'assurance contre la perte de revenu, pourrait aussi faciliter le déplacement de la main-d'œuvre d'un secteur à l'autre. Enfin, dans les pays qui ont un marché du travail à deux vitesses — avec une stricte protection légale des emplois permanents et une forte proportion de travailleurs temporaires — le passage progressif à un système de contrats de travail à durée indéterminée, où la sécurité de l'emploi augmente graduellement au fur et à mesure de l'ancienneté, pourrait atténuer l'effet négatif des contrats de travail temporaires sur la formation de capital humain et celui de l'absence d'allocations de chômage pour ces travailleurs. Points principaux
Pendant la Grande récession, le chômage a réagi de manière très diverse dans les pays avancés. Sa forte hausse observée en Espagne et aux Etats-Unis s'explique en grande partie par les répercussions de la baisse de la production, ainsi que par l'effet des tensions financières et de l'effondrement du prix des logements. Dans d'autres pays, sa progression a été inférieure aux prévisions, en partie grâce aux vastes programmes de travail à horaires réduits (Allemagne, Italie, Japon et Pays-Bas). Compte tenu de la reprise peu soutenue de la production et des effets persistants des tensions financières, le taux de chômage moyen devrait rester élevé jusqu'à la fin de 2011 dans les pays avancés, même si l'emploi devrait progresser dans de nombreux pays en 2010. Les outils classiques de la politique monétaire et de la politique budgétaire restent, par leur effet sur l'activité économique, les premiers à employer pour stimuler l'emploi. L'assainissement du secteur financier est également essentiel, étant donné que les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre font largement appel au crédit bancaire. En complément, il est nécessaire d'encourager une plus grande flexibilité des salaires et d'améliorer les institutions du marché du travail. Enfin, en fonction de la situation spécifique à chaque pays, on peut envisager également, pour favoriser la création d'emplois, de concevoir des stratégies de sortie des programmes de travail à horaires réduits et de s'attaquer aux problèmes posés par les marchés du travail à deux vitesses.
Loi d'Okun En économie, la loi d'Okun décrit une relation linéaire entre le taux de croissance (du PIB) et la variation du taux de chômage. En dessous d'un certain seuil de croissance, le chômage augmente ; au-dessus de ce seuil, il diminue, avec une élasticité constante. Pour les économistes, la loi d'Okun représente l'espoir de voir la croissance provoquer une baisse du chômage. Cette relation met en évidence un premier phénomène : la croissance ne fait diminuer le taux de chômage que si elle dépasse un seuil critique, de 3% dans le cas de l'estimation d'Okun. En dessous de ce seuil, le chômage, au contraire, augmente. Cela renvoie à deux facteurs : . Premièrement, la population active n'est pas stable. Si elle croît, par exemple, à un taux de 1% par an, il est nécessaire que le nombre d'emplois progresse à un rythme identique pour que le taux de chômage reste constant : le taux de croissance de la production doit lui aussi être de au moins 1%. . D'autre part, la productivité du travail s'accroît chaque année. La production économique doit donc avoir un taux de croissance identique à celui de la productivité, pour que le taux de chômage reste constant. En dessous de ce taux de croissance, les gains de productivité détruisent des emplois. Au-dessus, l'économie crée des emplois. Si on suppose que les gains de productivité sont de 2% par an, et que la population augmente de 1%, la production doit donc croître de 2% + 1% = 3% pour maintenir stable le taux de chômage. Au-dessus de ce seuil, la croissance de la production est supérieure à l'augmentation de la population active et à celle des gains de productivité : par conséquent, le taux de chômage diminue.