On a très longtemps cru qu'un encadrement scientifique du travail, un pilotage bien intégré, un fort investissement managérial ainsi qu'un système de gestion perfectionné et préétabli permettraient un bon fonctionnement social de l'entreprise ainsi qu'une régulation des conflits. Or, des étude récentes montrent que les acteurs ne se laissent pas si facilement piloter par les dispositifs managériaux, qu'il n'existe donc pas d'organisation formelle optimale précisément parce que le fonctionnement des collectifs humains n'est pas totalement planifiable. On a donc commencé à s'intéresser aux comportements politiques de ces groupes qui agissent de manière relativement autonome par rapport à ce qu'on avait prévu pour eux. Dès lors, la question qui se pose est: comment faire pour rendre plus prévisible l'action des hommes que l'on dirige ? De quelle façon investir dans le capital humain ? Il n'y a pas de réponse générale à ces questions, tout dépend du contexte local. Ce qui est sûr, c'est que le mode d'organisation des connaissances au sein de l'entreprise ne se décrète pas. C'est seulement à partir du terreau des coopérations concrètes entre individus que l'on peut espérer bâtir une dynamique de formalisation et de capitalisation des connaissances. Le management doit prendre conscience que l'organisation réelle de l'entreprise ne se réduit pas à sa structure formelle, et son enjeu premier est de comprendre la manière dont les gens travaillent et échangent : c'est seulement ainsi qu'il pourra avoir prise sur la circulation de l'information critique, et ainsi espérer la piloter, la réguler. Les bases informatiques servent de support à la formalisation de l'information. Mais attention, l'information est généralement une ressource pour les acteurs qui la détiennent : il n'y a donc rien de naturel à ce qu'elle soit partagée ou rendue visible. La problématique du « knowledge management » s'inscrit dans le problème de l'écart irréductible entre le formel et l'informel dans toute organisation, d'où la difficulté à canaliser l'information critique dans les circuits officiels. Vous noterez que je parle d'informel et de formel, de préférence à l'opposition entre le tacite et l'explicite que l'on trouve dans beaucoup de manuels de gestion. La dualité tacite / explicite suggère un passage assez naturel de l'un à l'autre, alors que c'est précisément ce passage qui est problématique, car il est politique. On parle aujourd'hui d'une «intelligence collective».C'est une expression qui a été spécifiquement développée par le penseur Pierre Lévy, il me semble. Pour ma part, je dirais que l'intelligence collective d'une entreprise, c'est d'abord l'intelligence des managers à comprendre les fonctionnements réels de l'entreprise et à ne pas s'entêter à prétendre contrôler totalement l'organisation. L'autonomie dont disposent les salariés est bien souvent fonctionnelle, car elle permet la souplesse nécessaire pour faire face aux aléas et incertitudes non-prévues. L'intelligence collective, c'est donc aussi les compétences et la réactivité des salariés, dont on peut attendre qu'ils ne jouent pas systématiquement le cloisonnement et les stratégies de fermeture. L'implication des RH est au cœur de la croissance et de la valorisation de l'entreprise. Dans beaucoup de secteurs, le département RH s'est longtemps cantonné à une partie juridique (grosso modo les contrats et le droit du travail) et à une partie financière (la paie). Ce département était conçu comme une structure de support en cas de conflits ou de sollicitations diverses. Or il y a une grande potentialité encore peu explorée du département RH : celle de développer le capital humain de l'entreprise qui, à terme, joue certainement sur la performance économique. Le rôle d'un département RH doit être celui d'une structure de développement des compétences des salariés, un outil de diagnostic des fonctionnements existant dans l'entreprise, un appui pour la décision du dirigeant. A l'évidence, ce type de fonctionnement RH audacieux et ouvert aux salariés reste une exception, alors même que le management a tout à y gagner.