Le Secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, vient d'effectuer une visite très remarquée en Tunisie. Les termes des déclarations faites et des propos tenus avec les responsables du pays sont frappés au sceau d'un émouvant dosage des élans du cœur et d'un constat objectif relatif à la réussite éclatante de l'expérience tunisienne. La preuve en a été donnée par un appel au peuple tunisien sous forme de vers, dont nous retiendrons les deux derniers: «montrez-nous comment transformer nos cœurs en fleurs pour notre patrie/Et un baiser de guérison pour chaque blessure». En écoutant ce vibrant hommage, l'on se dit que jamais la Corée n'a autant mérité son nom de pays du matin calme, appellation qui fait revivre en nous ces perles de rosée qui ornent, chaque jour que Dieu fait en cet Extrême-Orient, d'un diadème cristallin posé sur le feuillage des arbres. Mais quelque chose nous dit que le S.G. des Nations unies, en rendant cet hommage, était en réalité traversé par une profonde appréhension. En plaçant si haut dans son cœur le miracle (que l'on nous permette d'utiliser cette expression hyperbolique dans le registre du dithyrambe), en le plaçant si haut, il s'est investi dans la délicate mission de faire réussir le terrible et vertigineux défi engagé par notre petit pays. C'est que non seulement M. Ban Ki-moon y a investi une volonté inébranlable d'accorder un soutien fort et pluridimensionnel à la Tunisie, mais il a aussi posé comme perspective souhaitable et réalisable le secret désir d'élargir tout cet élan libérateur en un raz-de-marée sur tout le monde arabe. Il sait, en effet, que l'expérience tunisienne, par sa démarche posée, par sa transparence, par sa dimension humaine, pourrait être une inestimable source d'inspiration pour un monde arabe qui endure un impitoyable joug. Convaincu de l'exemplarité de l'expérience tunisienne, et donc de son inéluctable réussite au plan national, il ose croire que son élargissement au niveau de tout le monde arabe vaudra à l'ONU une éclatante victoire. Peut-être la plus belle de toute son histoire. Une histoire, faut-il le rappeler, marquée par plus d'échecs que de réussites, une histoire qui n'a pas été à la mesure des immenses espoirs suscités après la fin d'une guerre mondiale terriblement dévastatrice. Et peut-être cela rejaillirait-il sur sa personne et lui permettrait d'arborer les lauriers d'un Prix Nobel. Ce serait là une consécration amplement méritoire. Mais les Arabes l'entendraient-ils de cette oreille? A commencer par nos propres compatriotes dont les agissements subversifs de certains d'entre eux font craindre le pire. Et c'est pour cela que M. Ban Ki-moon a, entre les lignes, mis en garde les Tunisiens contre les risques de dérapages. C'en serait alors fait de tout ce faisceau de rameaux d'olivier dont il entend se servir pour la construction d'un monde de liberté, de paix et de tolérance.