Décidemment, le monde arabe et l'Afrique n'en finiront jamais avec le problème des despotes. Ils poussent comme des champignons et sombrent dans des fins de règne calamiteuses pour eux comme pour leurs peuples. Le monde arabe en détient le record. Mais l'Afrique n'a pas, elle non plus, à se plaindre sur ce chapitre. Elle peut s'enorgueillir de disposer d'un «performant» quarteron de despotes par lesquels émerge, sans conteste, Laurent Gbagbo, président sortant de la Côte d'Ivoire. Ce dernier refuse obstinément de «dégager» comme le lui intiment les résultats de l'élection présidentielle de novembre dernier, son peuple et la communauté internationale, pour une fois réunie dans une belle unanimité. Mais qu'est-ce qu'un despote? C'est un Chef d'Etat, souverain qui s'arroge un pouvoir absolu et arbitraire, ce pouvoir pouvant aller jusqu'à disposer à sa guise du droit de vie ou de mort sur les êtres vivants. J'ajouterais à cette définition la caractéristique suivante: un despote est celui qui ferme les yeux devant la souffrance de son peuple et qui, ce faisant, se coupe de la réalité de son pays, ne disposant plus des données nécessaires à une bonne gestion politico-économique que (on lui ment en réponse à ses propres mensonges, on lui donne de la triste réalité un visage accueillant en réponse à ses discours où tout est beau). Mais tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. La suite, on la connaît: l'avènement de la spirale de la violence, des carnages, des crimes contre l'humanité. Bref, la barbarie et le chaos.
En fait, ce n'est pas seulement au niveau des Etats qu'une telle engeance existe. On peut en trouver aussi au sein de la cellule familiale, de l'entreprise ou, même, de la rue. Les membres de la mafia des Trabelsi sont craints comme la peste dans le voisinage de leurs lieux d'habitation ou de leurs criminelles occupations.
La Côte d'Ivoire était, à la mort de son premier président, Félix Houphouët-Boigny un pays à l'économie performante et qui jouait, partant, le rôle d'une locomotive dans la sous-région. Ses institutions stables et sa politique modérée lui assuraient un vrai rayonnement international. Mais, petit à petite, après la mort de son père-fondateur charismatique, le pays allait, à cause des voraces appétits des successeurs de Houphouët, se retrouver dans une pente descendante qui menait droit au mur. Dans ce champ qui s'annonçait comme un champ de ruines, une personnalité allait se dégager par sa compétence, sa droiture, sa pondération et sa patience, j'ai nommé Alassane Ouattara. Mais ce Ouattara avait une faille dans son armure: il était musulman. Cela suffisait pour qu'un rival à l'ambition démesurée, prêt à transgresser le système de loi en vigueur dans le pays et à tuer dans l'œuf toute velléité démocratique, pointe le bout du nez et se dresse, obstacle fulminant, contre tout processus visant à mettre de l'ordre dans les affaires du pays. Chef d'Etat et, en même temps chef de bande (il avait à sa solde une sorte de milice, les «jeunes patriotes»), Laurent Gbagbo fit tant et si bien qu'il mit le pays à feu et à sang, l'installant dans un début de guerre ethnico-confessionnelle entre un nord musulman et un sud animiste et chrétien.
Des années et des années a duré ce conflit aux multiples ramifications et aux conséquences désastreuses sur l'économie du pays pour, finalement, grâce à Ouattara, faire entrevoir aux Ivoiriens une nouvelle ère de tranquillité et de paix. Le combat mené par ce dernier permettra de maintenir l'unité du pays à l'abri de l'éclatement. Sa sagesse a prévalu sur la folie furieuse de Gbagbo. N'est-ce pas là un édifiant exemple de maturité qui nous rappelle, toutes proportions gardées, le destin lumineux de Mandela?