Dans le cadre de la célébration de son cinquantenaire, la Banque Centrale de Tunisie a organisé le samedi 29 novembre 2008, un symposium International sur les Banques Centrales face aux nouveaux défis, auquel ont pris part le Directeur Général du Fonds Monétaire Arabe, des Gouverneurs de Banques Centrales, et d'éminents banquiers internationaux et nationaux, économistes et experts. Notre dernier hebdo économique du mercredi avait synthétisé l'expérience de la zone monétaire de l'Afrique de l'ouest. Nous présentons à nos lecteurs cette semaine, les enseignements tirés de la conférence présentée par le Gouverneur de la Banque de France sur l'expérience européenne.
L'euro, l'Eurosystème, la politique monétaire unique et la décentralisation.
Christian NOYER, Gouverneur de la Banque de France a contribué aux réflexions de la session du symposium réservée au rôle des Banques centrales dans les constructions régionales, par une intervention sur l'expérience européenne.
Il a souligné particulièrement le rôle déterminant joué par les Banques Centrales dans la construction de l'union économique et monétaire européenne « UEM »et dans la genèse de l'euro.
L'Eurosystème « c'est à dire la BCE et les Banques centrales nationales des pays ayant adopté l'euro » est chargé de la gestion de la nouvelle monnaie, en période normale comme en période de crise, ajoutait le Gouverneur Noyer.
A propos du processus de l'intégration européenne, il a précisé que ses prémisses ont été essentiellement d'ordre monétaire .En effet la création, en 1950 de l'Union européenne des paiements « a levé l'obstacle de l'inconvertibilité des monnaies européennes »en mettant en place « un système de compensation multilatérale entre les pays de la région ».
Depuis, et tel qu'il ressort de cette communication, l'essentiel des étapes de la construction de la monnaie unique et de la banque centrale de cette nouvelle zone monétaire, peut être retracé ainsi :
1957 : Coordination des politiques monétaires,
1964 : création du comité des gouverneurs des banques centrales de la communauté européenne, comme instance de dialogue informel,
1988 : institution du « comité Delors » qui comprend parmi ses membres les 12 gouverneurs des 12 pays de la communauté à l'époque,
1992 : signature du traité de Maastricht.
Après la signature du traité, durant la deuxième étape prévue par le rapport Delors, Mr Noyer avait précisé que le comité des gouverneurs a été remplacé par l'Institut Monétaire Européen « IME » Cette dernière institution avait, depuis, mis en place les conditions de l'introduction de la monnaie unique sur un plan strictement technique. Les travaux de l'IME avaient concrètement traité de l'intégration des systèmes de paiements, de l'harmonisation comptable du système d'information, de l'émission des billets, des statistiques, de la politique de change et des outils de la future politique monétaire de la zone.
1998: Elaboration de la stratégie de la politique monétaire unique 2003 : affinement de la politique monétaire commune, création d'un marché monétaire unique et mise en place d'un système unifié de paiements baptisé TARGET 2008 : création d'une plateforme unique, baptisée TARGET2.
Aujourd'hui, ce qui caractérise l'Eurosystème c'est la synergie entre la BCE et les banques centrales nationales. La BCE, chargée de la stabilité des prix de la zone dans son ensemble, avait toujours bénéficié des analyses effectuées par les services des banques centrales membres, en plus de ses propres études.
En outre, et conformément au principe de la décentralisation qui marque le processus de mise en ouvre de la politique monétaire unique, « les banques centrales des pays membres assurent elles-mêmes les opérations de refinancement, la gestion des réserves de change ainsi que la gestion et la surveillance des systèmes de paiements. »
Aussi, et contrairement à l'option prise par la BCEAO, celle de la centralisation de la supervision bancaire au niveau d'un organe supranational de supervision et de contrôle des activités bancaires dénommé « commission bancaire de l'UMOA. », l'Eurosystème avait confié la surveillance des banques aux Banques Centrales nationales.
Dans ce cadre, le Gouverneur de la Banque de France considère que la crise récente a bien montré les avantages évidents de cette décentralisation. L'analyse et la prise de décision dans des périodes de turbulences sur les marchés monétaires et de crédit, requièrent, selon lui, « une connaissance intime du secteur bancaire et des diverses institutions financières. » La décentralisation ne nuit nullement à l'action, conclut-il.