Officiellement cette affaire n'est pas un dégât collatéral de la dégradation sans précédent des relations entre la France et l'Algérie. Mais de toute évidence les déboires du groupe français Renault en rajoutent à l'angoisse des investisseurs français opérant en Algérie. Les autorités locales refusent toujours de donner leur aval à la marque au losange pour relancer son unité de production à Oued Tlelat, près d'Oran. Les confidences d'un ancien ministre de l'Industrie sur les pratiques du constructeur français ne soignent pas sa réputation… Renault a déposé en février dernier un dossier pour recevoir l'agrément du gouvernement algérien. Rien depuis. Toutefois d'après Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d'industrie algéro-française, il y a de bonnes raisons d'espérer, ce «refus n'est pas définitif». Dans un entretien avec TSA il déclare que les autorités algériennes ont adressé à Renault «un refus motivé, avec des réserves que le constructeur s'attèle à lever pour demander une nouvelle autorisation de reprendre la production dans son usine à Oran»… Donc théoriquement cela n'a rien à voir avec les bisbilles diplomatiques entre Paris et Alger, ce qui d'une certaine façon est de nature à rassurer les investisseurs français. Mais pour Renault ces petits gages ne suffiront pas, d'après les révélations de l'ancien ministre de l'Industrie Ferhat Ait Ali (janvier 2020-février 2021) il en faudra beaucoup plus pour que le fabricant français recouvre sa position sur le marché algérien. Le gel de l'activité de l'usine de Renault en 2020, après 6 ans de production, est la conséquence du «non-respect de ses engagements», dont ceux sur le taux d'intégration des véhicules assemblés en Algérie et d'autres graves manquements. Quand le constructeur français a eu son agrément en 2014, le cahier des charges mentionnait un taux d'intégration de 30% après 5 ans d'activité. Mais voilà, «après plus de cinq ans de présence en Algérie, Renault n'a pas dépassé 4% de taux d'intégration», affirme l'ancien ministre. Par ailleurs ce dernier révèle que le français n'avait injecté que 10 millions d'euros dans cette installation ; tout le reste du financement, soit 160 millions d'euros, a été déboursé par la partie algérienne, sous forme de prêt bancaire, précise le responsable. Pourtant Renault contrôlait 49% des parts de l'usine, contre 51% pour l'Algérie, par l'intermédiaire de la SNVI, laquelle a cédé la place à Madar et au Fonds national d'investissement. M. Ali a ajouté que le négociateur français avait «imposé ses règles», avec la «complicité» des partenaires algériens de l'époque. Pour bien «manipuler» le taux d'intégration, soutient la même source, Renault avait «écarté» le moteur et la boite de vitesse qui étaient programmés dans l'assemblage. Ce n'est pas tout, Alger avait convenu avec le groupe français de fabriquer sur place la carrosserie, une condition essentielle pour lancer production… Sauf que cette exigence aurait obligé le constructeur français à décaisser au moins 800 millions d'euros pour équiper l'usine. Cet investissement était censé concrétiser le cahier des charges et permettre au français de pérenniser l'activité pour gagner de l'argent au lieu d'en perdre, ajoute le ministre algérien. A l'arrivé Renault n'a déboursé «que 10 millions d'euros, une somme qui ne suffit même pas à équiper un salon de coiffure pour femmes à Paris», a commenté l'ancien ministre algérien. Il a accusé la partie française de miser sur le débarquement en Algérie de voitures assemblées ailleurs, tout en échappant aux droits de douane. «Nous ne leur avions pas fermé l'usine, mais nous leur avions assuré que s'ils souhaitent procéder de cette manière, ils devaient payer les droits de douane», a indiqué M. Ali. Il était à la tête du département de l'Industrie quand Alger a révisé sa politique dans le secteur de l'automobile, notamment la fin des importations maquillées de voitures. Clairement ça sent le roussi pour le groupe français. Il pourrait être le grand perdant des changements qui s'opèrent actuellement en Algérie. Le blé français est en passe de disparaître complètement du marché algérien suite au dernier appel d'offres émis par l'Office national interprofessionnel des céréales (OAIC), pour 700 000 tonnes de blé meunier. Dans les critères fixés il y a notamment l'origine de ces céréales : exclusivement les ports de la mer Noire… En d'autres termes Alger veut du produit russe et ukrainien, ce qui n'était pas spécifié par le passé. Officiellement ce choix est dicté par des considérations économiques (coût et compétitivité) et logistiques. Si Renault s'ajoutait à ces mauvaises nouvelles le milieu industriel et l'exécutif français l'encaisseraient très mal. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!