Donald Trump a déclaré depuis Pittsburgh l'augmentation des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium à 50 %, contre 25 % précédemment. Ce relèvement drastique s'inscrit dans une volonté affichée de protéger l'industrie sidérurgique américaine face à la concurrence étrangère, avec en toile de fond un accord avec le géant japonais Nippon Steel. « Plus personne ne passera la clôture », a lancé Trump devant des ouvriers rassemblés sur le site d'Irvin Works, propriété de US Steel, soulignant que cette décision empêcherait les producteurs étrangers de « détruire l'industrie nationale ». Un accord « sous contrôle américain » avec Nippon Steel Cette déclaration spectaculaire accompagne un nouvel accord de partenariat industriel entre US Steel et Nippon Steel, dont le projet de rachat à 15 milliards de dollars avait été bloqué l'an dernier. Trump revient avec une version amendée, garantissant la souveraineté américaine sur la société. Les détails incluent : * 14 milliards de dollars d'investissement sur 14 mois * 2,2 milliards pour l'usine de Mon Valley (Pennsylvanie) * 7 milliards pour la modernisation de sites dans l'Indiana, le Minnesota, l'Alabama et l'Arkansas * 5 milliards pour le développement d'unités spécialisées dans l'acier de haute qualité Parmi les conditions imposées à Nippon Steel figurent : * Un PDG de nationalité américaine * Un conseil d'administration à majorité américaine * Un droit de veto gouvernemental sur toute décision stratégique * Aucune suppression d'emplois pendant 10 ans * Le maintien de la pleine capacité de production L'accord est supervisé par le CFIUS, l'organisme fédéral chargé de l'examen des investissements étrangers sensibles. L'Europe dénonce une escalade commerciale La réaction européenne ne s'est pas fait attendre. La Commission européenne a exprimé son indignation, qualifiant la hausse des tarifs douaniers d'« obstacle supplémentaire à la stabilité économique mondiale ». Elle a annoncé des contre-mesures attendues pour le 14 juillet, avec des taxes ciblées sur les exportations américaines de voitures, produits agricoles, technologies énergétiques et équipements militaires. Bruxelles craint une rupture des négociations commerciales actuellement en cours avec Washington et a menacé de relancer plusieurs contentieux devant l'OMC. Tensions ravivées avec la Chine En parallèle, Trump a accusé la Chine de trahison, affirmant qu'elle n'avait pas respecté l'accord commercial conclu à Genève en mai. Le représentant américain au commerce, Jimson Greer, a déclaré que Pékin maintenait des barrières non tarifaires entravant l'accès au marché chinois, en violation de ses engagements. En réponse, la Chine a publié un communiqué appelant au calme, tout en accusant Washington de pratiques discriminatoires à l'égard de ses entreprises. Selon la World Steel Association, la Chine assure plus de 50 % de la production mondiale d'acier, ce qui lui donne un levier considérable dans les prix mondiaux. Tout affrontement prolongé dans ce secteur pourrait provoquer une hausse générale des coûts dans les projets d'infrastructure, notamment dans les pays en développement. Les marchés saluent la décision, mais les entreprises s'inquiètent Aux Etats-Unis, les marchés ont applaudi la décision : * L'action de Cleveland-Cliffs a bondi de +15,3 % * Steel Dynamics et Nucor ont gagné plus de 5 % * Le secteur sidérurgique a connu un regain de dynamisme à la bourse de New York Mais dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, l'inquiétude grandit. Les entreprises alertent sur une probable augmentation des coûts des matériaux et des retards dans les projets, en particulier à cause de la dépendance des Etats-Unis à 17 % de ses besoins en acier importés, notamment du Canada, du Mexique et du Brésil. Un virage politique assumé Il y a quelques mois à peine, Donald Trump dénonçait avec virulence le rachat de US Steel par un groupe japonais. Aujourd'hui, il en célèbre l'accord révisé comme une victoire de la souveraineté économique, affirmant que « l'argent est japonais, mais les règles sont américaines ». Son message : ce n'est pas une vente, mais une alliance sous contrôle américain. Cette posture lui permet de renverser la perception initiale et de s'adresser directement aux électeurs des Etats industriels, sur fond de slogans patriotiques. Une stratégie électorale… à haut risque économique Les analystes s'accordent à dire que Trump cherche à reconquérir les bastions ouvriers en Pennsylvanie, dans l'Ohio et dans le Midwest, en capitalisant sur un message de « reconquête industrielle ». Mais les économistes mettent en garde contre les effets boomerang de cette politique : * Un risque de guerre commerciale globale, notamment avec l'Union européenne, la Chine et le Canada * Une hausse jusqu'à 12 % des coûts de construction aux Etats-Unis * Une menace sur 1,2 million d'emplois dans l'exportation, selon la Chambre de commerce américaine Derrière les applaudissements électoraux, se cache une réalité économique plus complexe, où les tensions commerciales pourraient ralentir les investissements, fragiliser la compétitivité des entreprises, et alourdir les coûts pour les consommateurs. Victoire politique ou bombe à retardement ? Avec cette nouvelle offensive sur l'acier, Trump marque des points dans sa campagne électorale, mais au prix de nouvelles tensions commerciales internationales. Si elle semble apporter un souffle nouveau au secteur sidérurgique américain, cette politique risque de fragmenter davantage les relations commerciales mondiales, d'alimenter l'inflation et de miner la stabilité du commerce multilatéral. Reste à voir si cette manœuvre lui offrira un avantage politique durable ou si elle s'inscrira, comme en 2018, dans une spirale de conflits commerciaux coûteux pour l'économie mondiale. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!