Après le cessez-le-feu du 25 juin conclu avec l'Iran, la presse israélienne dresse un bilan mitigé de la campagne militaire. D'un côté, beaucoup saluent le succès tactique de l'opération « Lion Elevant » (Operation Rising Lion). L'armée israélienne (d'occupation) affirme même avoir « pleinement atteint, et même dépassé, tous les objectifs fixés » lors de ces frappes préventives contre les sites nucléaires et balistiques iraniens. Le Jerusalem Post insiste sur la puissance de feu déployée et parle d'une victoire stratégique sans précédent. « Cette campagne de 12 jours a brisé un tabou : Israël a osé frapper le cœur du programme nucléaire iranien et en ressort vainqueur », analyse un éditorial, en soulignant que les frappes israéliennes et américaines ont détruit plus de 720 cibles militaires en Iran, dont huit sites liés au nucléaire. En parallèle, les médias relaient aussi le tribut lourd payé par Israël. Tandis que Téhéran déplore plus de 600 morts (voire plus de 1 000 d'après certaines sources), le bilan côté israélien s'élève à 28 morts et plus de 1 000 blessés, dus aux missiles iraniens tirés en représailles. « Malgré la douleur des victimes civiles, l'opération a apporté des acquis stratégiques historiques », a déclaré l'ex-ministre Benny Gantz, chef de l'opposition, en rendant hommage à la réussite militaire de l'armée qui a perpétré un génocide à Palestine. Pour autant, l'euphorie n'est pas totale. Le quotidien Haaretz, ancré au centre-gauche, rappelle que la menace de Gaza demeure et évoque « un échec stratégique persistant » à éliminer le Hamas de l'enclave palestinienne. Nombre de commentateurs pointent en effet un paradoxe : après avoir terrassé un ennemi aussi puissant que l'Iran à 1 500 km de distance, Israël n'a toujours pas vaincu la resistance du Hamas beaucoup plus faible à sa frontière sud. « Pourquoi Tsahal, si efficace contre les Gardiens de la révolution en Iran, s'enlise-t-il face aux combattants du Hamas ? » titrait une analyse du Times of Israel. Le journal y répond en partie en soulignant les objectifs différents : en Iran, il s'agissait d'une frappe limitée pour retarder le programme atomique de l'ennemi (Iran), tandis qu'à Gaza, le gouvernement Netanyahu vise rien de moins que la « victoire totale » sur le Hamas – c'est-à-dire son désarmement, son éviction du pouvoir et la libération de tous les otages israéliens détenus depuis 2023. Une mission bien plus complexe, qui explique que la guerre de Gaza dure depuis plus de 20 mois sans issue nette à ce jour. Echos sur les réseaux sociaux israéliens Sur les réseaux sociaux israéliens, la guerre contre l'Iran a suscité un flot de réactions contrastées – mêlant ferveur patriotique, humour noir et interrogations anxieuses. Dès les premiers jours des frappes, de nombreux internautes ont partagé des messages de fierté nationale, saluant la « démonstration de force » de Tsahal. Sur Twitter (rebaptisé X), certains ont tourné en dérision la situation pour décompresser sous la menace des missiles. Un utilisateur a par exemple plaisanté : « Ces sirènes auraient pu être un simple e-mail », en référence aux alarmes incessantes déclenchées par les tirs iraniens. L'humour sert de soupape alors que la population a vécu pendant près de deux semaines au rythme des courses vers les abris antiaériens. En parallèle, d'autres voix en ligne ont exprimé leur angoisse très réelle face à l'ampleur du conflit. Des vidéos de familles entassées dans des abris ou de destructions à Tel-Aviv ont circulé, accompagnées de commentaires inquiets. Des mèmes évoquant une possible « Troisième Guerre mondiale » ont même fleuri sur Facebook et Instagram, signe que beaucoup redoutaient une escalade incontrôlable. Sur les forums et groupes WhatsApp israéliens, on retrouve ce mélange de bravade et de peur : certains internautes appellent à « ne faire confiance à personne » même après la trêve, anticipant un possible retour des hostilités du jour au lendemain. Les critiques du gouvernement se sont également fait entendre en ligne, quoique de manière plus feutrée en pleine union sacrée contre l'Iran. Quelques personnalités de la société civile et de la gauche ont questionné le timing de l'offensive, soupçonnant Benjamin Netanyahu de chercher un « sursaut politique ». Sur X, l'ancienne députée Zehava Galon (Meretz) a ainsi mis en garde contre « une guerre hasardeuse pouvant embraser tout le Moyen-Orient », reprenant en cela la position du parti communiste Hadash opposé à l'intervention en Iran. D'autres citoyens anonymes appellent plutôt à une solution diplomatique. « Netanyahu nous a mis dans un gros pétrin. Il faudrait négocier et éviter d'aller toujours à l'escalade, arrêter de tuer des gens ici et là-bas », confie par exemple Kochava Lishtman, une habitante de Tel-Aviv, au micro de NPR – un sentiment partagé sur les réseaux par ceux qui craignent un engrenage sans fin des conflits. Ces opinions critiques illustrent une lassitude chez une partie de la population après des mois de guerre contre le Hamas puis contre l'Iran. Opinion publique : entre soutien massif et craintes d'escalade De manière générale, l'opinion israélienne a fait bloc derrière son armée d'occupation pendant la campagne contre l'Iran. Selon un sondage éclair de l'Israel Democracy Institute, environ 82 % des Israéliens juifs ont approuvé l'attaque préventive lancée contre les infrastructures nucléaires iraniennes. Cette quasi-unanimité est inédite après des mois de divisions internes. Même les figures de l'opposition centriste, Yair Lapid et Benny Gantz, farouches rivaux de Netanyahu, ont publiquement soutenu le gouvernement durant ces frappes « nécessaires » pour la sécurité nationale. « Il n'y a plus de coalition ni d'opposition quand il s'agit d'empêcher l'Iran d'avoir la bombe », a résumé l'ex-Premier ministre Naftali Bennett, exprimant l'unité nationale face à la menace existentielle iranienne. Dans la rue israélienne, le soulagement domine après l'angoisse des jours passés sous les missiles. « Je suis soulagée que nous ne soyons plus en guerre. On a fait ce qu'on devait faire, pile au bon moment », estime ainsi Adina Bier, une lycéenne de Jérusalem, qui félicite Netanyahu d'avoir « sauvé Israël in extremis d'une bombe iranienne ». Avraham Levy, un commerçant du sud du pays, abonde : « Ce que Bibi Netanyahu a fait, ce n'est pas seulement pour Israël, c'est pour le monde entier. Le régime iranien veut nous rayer de la carte », affirme ce fidèle électeur du Likoud, convaincu que frapper l'Iran était un mal nécessaire. De nombreux témoignages recueillis par la presse reflètent une fierté nationale retrouvée – un sentiment que Netanyahu n'a pas manqué d'exploiter en proclamant avoir infligé « une victoire historique qui marquera des générations » à l'Iran. Toutefois, derrière la satisfaction, pointent déjà des inquiétudes. Une partie du public craint que cette accalmie ne soit que temporaire. « On est en cessez-le-feu aujourd'hui, mais demain ? On ne sait pas si ça va tenir », confie Liba Farkish en faisant ses courses au marché Mahane Yehuda de Jérusalem, encore nerveuse après des semaines à courir à l'abri. L'angoisse d'une escalade régionale plus large n'a pas complètement disparu. Au début du conflit, beaucoup redoutaient que le Hezbollah libanais ou d'autres milices pro-iraniennes n'ouvrent un nouveau front. Finalement, le Hezbollah « n'a pas levé le petit doigt ni tiré une seule roquette » pour défendre son parrain iranien pendant l'offensive israélienne – un soulagement pour les Israéliens du nord. Mais chacun sait qu'en cas de reprise des hostilités, le risque d'un embrasement multi-fronts reste bien réel. Par ailleurs, le sort de la guerre à Gaza continue de hanter l'opinion. Si l'offensive contre l'Iran a redoré l'image de « stratège sécuritaire » de Netanyahu, son avenir politique dépendra de l'issue du conflit plus ancien avec le Hamas. Or, sur ce front, la population exprime une fatigue et des attentes pressantes. Les familles des 240 otages israéliens encore détenus à Gaza depuis 2023 ont exhorté le gouvernement à profiter de la trêve iranienne pour accélérer les négociations et les ramener enfin chez eux. « La guerre avec l'Iran, c'était peut-être le coup de boutoir nécessaire pour débloquer le conflit à Gaza », espère Mira Goshen, 80 ans, habitante de Tel-Aviv. Comme beaucoup, elle souhaite que cette démonstration de force incite le Hamas à céder du terrain : « Peut-être que tous nos 'khatofim' (otages) vont sortir maintenant... », confie-t-elle avec un mélange d'espoir et de gravité. Retour des roquettes et regards vers Gaza À peine le front iranien s'est-il éteint que la réalité du sud d'Israël a repris le dessus. Dans les 48 heures suivant le cessez-le-feu avec Téhéran, des sirènes d'alerte ont de nouveau retenti dans le pourtour de Gaza. Plusieurs roquettes artisanales de type Kassam ont été tirées depuis l'enclave palestinienne, visant le district d'Ashkelon et les localités frontalières. Elles n'ont fait ni victimes ni dégâts, tombant pour la plupart en terrain découvert ou étant interceptées par le Dôme de Fer, selon Tsahal – un scénario familier pour les habitants du sud du pays. Ceux-ci oscillent entre fatalisme et exaspération. « Avec les roquettes du Hamas, je continuais ma journée normalement autrefois. Mais contre l'Iran ? Là je filais toujours au refuge, ces missiles ne sont pas une blague », témoigne le patron d'un café de Jaffa, soulignant à quel point les Israéliens du Sud se sont "habitués" à vivre sous la menace permanente des attaques de libérartion de Gaza. Après la fièvre patriotique des raids en Iran, ce retour à une insécurité chronique ravive la frustration dans la population frontalière, qui se sent parfois reléguée au second plan. Dans les médias, beaucoup appellent désormais à tirer les leçons de la séquence. « Ce chapitre du conflit israélo-iranien se clôt – mais celui de Gaza reste ouvert, avec un ennemi affaibli mais toujours présent », note un analyste, constatant qu'aucune solution politique n'a encore émergé pour l'après-Hamas. Le gouvernement Netanyahu affirme ne pas vouloir réoccuper Gaza, sans pour autant exclure cette option sous la pression de l'aile droite de sa coalition. En attendant, l'armée d'occupation intensifie prudemment ses opérations au sol dans les derniers bastions du Hamas, notamment à Rafah au sud de la bande de Gaza. Les commentateurs de Channel 12 (la principale chaîne de télévision) soulignent que la population israélienne, bien que résiliente, aspire à la fin de ce « cycle sans fin » de violences. La crainte d'une guerre d'usure prolongée grandit à mesure que « l'offensive du printemps se prolonge en été, avec un coût humain qui s'alourdit tant pour les soldats israéliens que pour les civils gazaouis, sans fin claire en vue ». Sur la scène politique intérieure, la trêve iranienne offre un répit bienvenu à Netanyahu, qui voit sa cote remonter après avoir été très critiqué pour les ratés de la guerre contre le Hamas. Néanmoins, l'unité nationale pourrait vite se fissurer si les roquettes continuent de pleuvoir ou si de nouveaux soldats tombent à Gaza. D'ailleurs, profitant de l'élan diplomatique, Washington et les capitales arabes appellent Israël à saisir la chance d'une désescalade durable. Le président américain Donald Trump – dont l'intervention musclée a contribué à imposer le cessez-le-feu du 25 juin – pousse désormais en coulisse un « grand arrangement » incluant la fin des massacres à Gaza, la restitution de l'enclave à une Autorité palestinienne renforcée, et même une normalisation avec l'Arabie saoudite et la Syrie. Netanyahu s'en est publiquement distancié pour ne pas fragiliser son alliance avec l'extrême droite, mais nombre d'analystes notent que « Trump pourrait bien être celui qui offrira enfin une porte de sortie à Israël à Gaza ». En somme, l'heure est à la réflexion en Israël. Le « front intérieur » israélien demeure sur le qui-vive. Entre les interrogations sur la durée de la paix fragile avec l'Iran, les incertitudes sur le sort des otages et l'issue de la guerre de Gaza, et la peur diffuse d'une nouvelle conflagration régionale, l'opinion publique oscille entre optimisme prudent et anxiété persistante. Comme l'écrivait un éditorialiste israélien, « l'opération en Iran nous a apporté une victoire, alors pourquoi ce malaise qui persiste ? » – peut-être parce que les Israéliens savent intimement que la victoire décisive, celle qui apporterait enfin la paix, reste à conquérir. Conclusion: Malgré la démonstration militaire d'Israël face à l'Iran, un malaise persiste dans la société israélienne. Et pour cause : tant que la population palestinienne continue de subir des atrocités à Gaza et en Cisjordanie, tant que les Etats-Unis soutiennent inconditionnellement le pays occupant en fermant les yeux sur un génocide, la paix restera hors de portée pour les Israéliens eux-mêmes. L'angoisse, l'instabilité et la peur des représailles resteront le quotidien, comme l'a souligné un éditorialiste israélien : ce malaise est profond, et il ne disparaîtra pas sans justice ni solution politique. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!